Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 08/10/1999

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la situation scolaire du Val-d'Oise préoccupante, et en continuelle dégradation dans tous les secteurs de l'enseignement. Le Val-d'Oise, département jeune, se situe aujourd'hui au dernier rang au niveau national pour les résultats scolaires. Elle lui demande de lui faire connaître son analyse sur les causes d'une telle situation et les mesures de première urgence pour corriger l'évolution de cette situation.

- page 5024


Réponse du ministère : Enseignement scolaire publiée le 27/10/1999

Réponse apportée en séance publique le 26/10/1999

Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, le Val-d'Oise devient département sinistré dans les
domaines de la formation et de l'éducation. Les résultats sont là, publiés d'ailleurs par les services du ministère
eux-mêmes.
Ainsi, le taux de réussite au BEPC est de 60 % - le Val-d'Oise est classé quatre-vingt-quinzième sur
quatre-vingt-quinze, lanterne rouge de tous les départements français - contre 72 % au plan académique et 76 % au
plan national.
Les résultats au baccalauréat sont médiocres ; le taux d'orientation en classe de seconde est en diminution régulière ;
le nombre d'élèves perdus de vue est en augmentation.
En revanche, la scolarisation des enfants de deux ans a reculé, passant de 30 % à 16 % en quinze ans. Les effectifs
sont angoissants, puisque les écoles maternelles ont accueilli à la rentrée 2 785 élèves contre 6 000 il y a quinze ans.
Qu'est devenu le modèle français de l'école maternelle ?
Entre 1998 et 1999, six cents conseils de discipline se sont réunis, contre quatre cent-cinquante l'année précédente,
pour prononcer de nombreuses exclusions. La délinquance a augmenté de 50 % chez les élèves de douze à dix-huit
ans, mais de 80 % pour ceux de dix à douze ans.
Ce constat est grave, encore alourdi par le fait que les évaluation faites au niveau des cours élémentaires placent le
département dans une moyenne nationale. La rupture, puis le retard, enfin la marginalisation, parfois l'exclusion du
système se produisent entre dix ans et seize ans, soit précisément quand l'école doit jouer son rôle.
M. le ministre ne nie pas cette situation puisque, le 12 octobre dernier, ici même, il déclarait : « Vous le savez, il y a eu
un plan spécial pour la Seine-Saint-Denis, un plan spécial pour les DOM-TOM. Aujourd'hui, nous procédons à des
réajustements au sein et hors de ces départements, par exemple en Seine-et-Oise et dans d'autres départements de la
banlieue parisienne, où nous nous efforçons d'établir une véritable égalité des chances. » M. le ministre pensait très
certainement au Val-d'Oise, la Seine-et-Oise ayant disparu en 1967 ! (Sourires.)
D'après les estimations faites, globalement, le retard serait de 20 % dans tous les domaines. Ce sont d'ailleurs les
chiffres qui vous ont servi de base pour définir de nouveaux réseaux d'enseignement prioritaire, madame la secrétaire
d'Etat.
Cette situation était prévisible ; je vous renvoie sur ce point à l'analyse faite, l'année précédente, par l'inspection
académique. Elle était inévitable, sauf à prendre des mesures nouvelles que nous attendons toujours.
Cette situation est aussi la conséquence d'une histoire sociale qui a vu le Val-d'Oise devenir le champ
d'expérimentation des grands ensembles, le lieu de naissance et de développement de ces véritables territoires
appauvris économiquement et culturellement dont fait état M. le préfet de région dans son document : « Stratégie de
l'Etat pour l'an 2000 ».
D'ailleurs, la justice, la culture et la sécurité ne sont pas mieux loties dans mon département.
Cette fois, le mal est devenu profond, suscitant l'émotion de nombreux parents d'élèves, qui agissent et proposent des
solutions, à ce jour toutes rejetées. Pourtant, ces dernières prennent en compte les besoins véritables, comme ceux
des écoles très défavorisées, telle l'école Molitte à Gonesse ou l'école Lelong, qui se voient refuser l'ouverture d'une
classe.
Un plan, ainsi que des moyens de rattrapage et de redressement, s'impose donc. Je vous propose de le mettre en
discussion dans toutes les structures scolaires, avec la participation de tous les acteurs de la communauté scolaire :
ce serait là une réponse à l'appel à la mobilisation lancé par M. l'inspecteur d'académie.
Ce plan des 20 % pourrait commencer à être appliqué sans attendre, et ce ne sont pas les trois ministres val-d'oisiens,
M. Strauss-Kahn, Mme Gillot et M. Richard, qui s'en plaindront, je pense ! Je vous propose donc un plan prévoyant les
mesures suivantes : tout d'abord, la nomination de tous les personnels sera enfin effective à la rentrée de Toussaint ;
certaines nominations ne sont en effet toujours pas intervenues ; par ailleurs, les réseaux d'éducation prioritaires, les
REP, qui concernent 33 % des élèves, doivent disposer de moyens nouveaux et non d'une simple étiquette ; la
résorption de la surcharge des effectifs dans les collèges passe par la programmation de quatre nouveaux
établissements ; un plan nouveau de développement de l'école maternelle, avec un engagement de l'Etat, sera mis sur
pied pour une aide efficace à ce niveau ; des mesures de remise à niveau allant bien au-delà des classes-relais pour les
écoles à niveau scolaire faible seront recherchées ; de nouveaux postes de psychologues, d'assistantes sociales,
d'infirmières et de médecins scolaires doivent répondre aux besoins de santé scolaire et d'action contre la drogue.
Pour les grilles de calcul du nombre de postes, l'effectif de vingt élèves par classe doit devenir un enjeu, un objectif pour
un travail efficace dans l'immédiat, des mesures doivent être prises pour des écoles à niveau scolaire faible, quels que
soient les effectifs. L'avenir d'une école - vous le savez bien, madame la ministre - ne se résume malheureusement pas
à une simple règle de trois.
Je ne sais pas s'il faut également motiver de nouveaux « hussards noirs de la République » pour venir dans le
Val-d'Oise. Je vous signale tout de même que le Val-d'Oise, pourtant bien situé en Ile-de-France, fait l'objet
annuellement de 350 à 400 demandes d'exeat pour une dizaine de demandes d'arrivée.
Madame la ministre, nous avons eu le plan pour la Seine-Saint-Denis et le plan pour les DOM-TOM ; nous vous
demandons maintenant d'engager le plan pour le Val-d'Oise.
M. le président. La parole est à Mme le ministre délégué.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, vous venez
d'appeler mon attention sur la situation scolaire dans le département du Val-d'Oise.
Si je reconnais que ce département est difficile, je n'irai pas jusqu'à le qualifier de « sinistré ». Je considère, en effet,
que nous n'avons pas le droit de stigmatiser certains départements ni de décourager les équipes enseignantes en
utilisant un vocabulaire aussi négatif. Comme vous le savez, je me suis rendue récemment dans un collège de
Sarcelles. Je puis témoigner ici de la qualité du travail des équipes pédagogiques et de la façon dont elles se battent
tous les jours pour la réussite scolaire de leurs élèves.
Le département du Val-d'Oise est difficile parce que la population y est très jeune : 31 % des habitants ont moins de
vingt ans. En outre, la diversité culturelle y est très grande.
Mais ce n'est pas pour autant que l'école de la République y baisse les bras. Au contraire, elle fait face et prend en
compte ces données, qui sont en effet de nature à renforcer la difficulté mais aussi le caractère passionnant du travail
éducatif dans ces établissements scolaires. Au total, ces indicateurs se retrouvent d'ailleurs dans la forte proportion
d'élèves scolarisés en réseaux et en zones d'éducation prioritaires.
Bien évidemment, les résultats scolaires doivent à tous les niveaux pouvoir être améliorés. Pour y contribuer, en
concertation avec les partenaires de l'école, de nombreux chantiers sont actuellement ouverts concernant, en
particulier, la scolarisation des enfants de deux ans dans les zones d'éducation prioritaires, le développement de
l'éducation prioritaire, celui des nouvelles technologies de communications à l'école - le Val-d'Oise bénéficie à cet égard
d'un plan particulier - et, enfin, un travail exemplaire sur les relations école-famille.
C'est ainsi que des avancées significatives ont été opérées lors de cette rentrée : 300 élèves âgés de deux ans sont
scolarisés en plus par rapport à l'année dernière. Les élèves en difficulté sont mieux pris en compte : alors que, l'année
précédente, 17 % des élèves étaient en zone d'éducation prioritaire, ils sont aujourd'hui 33 % en réseau d'éducation
prioritaire ; autrement dit, un élève sur trois dans le département du Val-d'Oise bénéficie des moyens supplémentaires
de l'éducation prioritaire. En outre, vingt-huit modules d'apprentissage accéléré du français ont été mis en place dans
les collèges pour prendre en charge les primo-arrivants.
Le département du Val-d'Oise a donc bénéficié de moyens exceptionnels, et d'ailleurs de la même attention de ma part
et des mêmes moyens que le département de Seine-Saint-Denis. Les futurs états généraux des réseaux et des zones
d'éducation prioritaires, qui auront lieu au mois de juin, permettront de dresser le bilan tant de l'investissement éducatif
dans les endroits les plus difficiles, que de la réussite des élèves, qui est à la clé ; c'est bien de cela en effet qu'il s'agit.
Le département du Val-d'Oise, comme d'autres départements de la région parisienne qui sont en situation délicate dans
la mesure où ils doivent accueillir des élèves jeunes et à forte diversité culturelle, fera l'objet d'une mobilisation
particulière au niveau à la fois des contrats de réussite de chaque réseau d'éducation prioritaire et des pôles
d'excellence : chaque collège et chaque réseau d'éducation prioritaire dans ces départements bénéficieront d'un
partenariat avec un centre de matière grise, que ce soit une grande école, un centre culturel de haut niveau, des écoles
d'ingénieurs, des entreprises.
Il y a donc, s'agissant de cet objectif majeur de la réussite des élèves issus des quartiers populaires, une obligation de
résultat que j'ai rappelée aujourd'hui encore aux inspecteurs d'académie. Le droit à l'excellence doit désormais être
conquis jour après jour avec les équipes pédagogiques qui sont en première ligne dans ces établissements difficiles et
qui, croyez-moi, se donnent beaucoup et obtiendront, j'en suis sûre, des résultats.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, oui, le département du Val-d'Oise est un département difficile !
C'est justement parce qu'il est difficile qu'il faut lui attribuer des moyens nouveaux. Je connais bien les équipes
pédagogiques et je sais les gros efforts qu'elles font pour faire fonctionner les établissements ; leur tâche a été
particulièrement dure lors de la dernière rentrée dans la mesure où, dans tous les domaines et pour tous les
personnels, des nominations n'avaient pas encore eu lieu.
Je n'ai rien à dire sur le contenu de votre réponse, madame la ministre : il s'agit d'une analyse qui constitue un simple
survol des problèmes posés au Val-d'Oise, sans solution nouvelle véritable et sans moyens nouveaux pour la rentrée
prochaine, dont il faut discuter dès maintenant.
J'aurais aimé que vous définissiez un plan beaucoup plus concret et ambitieux. Ce plan passe par un repérage des
secteurs en vraie difficulté. Il concerne un certain nombre de villes, de quartiers, d'écoles, et là, je pense que les
moyens traditionnels doivent être utilisés, avec des créations importantes de postes. Plusieurs centaines sont
nécessaires dans les différents centres d'enseignement.
Nous admettons évidemment que cet effort soit inscrit dans un plan, mais nous souhaitons qu'il connaisse un début
d'exécution sans attendre, dès cette année scolaire, et ce pour envisager un premier rattrapage.
J'aurais aimé également que des efforts immédiats soient faits pour éviter que de nouveaux retards ne se créent. M.
l'inspecteur d'académie connaît bien le département du Val-d'Oise, ses écoles et les mesures à prendre. Faites-lui
confiance en lui donnant les moyens d'agir sans attendre ! A défaut, madame la ministre, nous ne pourrons plus
garantir ni l'autorité de l'école publique, ni la paix dans les écoles, ni le comportement des jeunes, ni la confiance des
parents et des enseignants, maintenant que le caractère très difficile de la situation est reconnu. J'ajoute que, dans un
mouvement de révolte, les jeunes pourraient déstabiliser l'école et la société.
M. Philippe de Gaulle. Et l'immigration ?

- page 5415

Page mise à jour le