Question de M. HÉRISSON Pierre (Haute-Savoie - UC) publiée le 26/08/1999

M. Pierre Hérisson appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'accord signé entre la Suisse et l'Union européenne le 21 juin 1999, qui englobe, entre autres, le secteur de la libre circulation des personnes. L'exercice de cette liberté suppose une reprise du règlement communautaire de sécurité sociale par la Suisse. Le titre II de ce règlement CEE nº 1408/71 a pour objet de déterminer la législation applicable. Les personnes qui sont couvertes par ce règlement sont soumises à la législation d'un seul Etat membre, en principe celle du pays d'emploi. L'un des dispositifs essentiels des dispositions communautaires sur les prestations maladie et maternité est de garantir le service de ces prestations en cas de résidence ou de séjour dans un Etat autre que l'Etat de compétence. Lorsque le travailleur et sa famille résident dans un autre Etat que celui où ils sont assurés, l'article 19 du règlement CEE nº 1408/71 prévoit, s'agissant des prestations en nature, qu'ils bénéficient de toutes les prestations prévues par la législation de l'Etat de résidence, à la charge de l'Etat compétent. Hormis les cas prévus à l'article 20 du règlement, les intéressés ne peuvent pas choisir de se faire soigner dans l'Etat de compétence. L'article 20 prévoit une règle spécifique pour les frontaliers qui peuvent choisir de se faire soigner soit dans l'Etat compétent, c'est-à-dire celui dans lequel ils travaillent, soit dans l'Etat de résidence. S'ils décident de se faire soigner dans l'Etat compétent, les prestations seront servies par l'institution compétente selon les dispositions de la législation de cet Etat comme si l'intéressé résidait dans celui-ci. Dans le cadre de l'accord bilatéral, les frontaliers pourront choisir de se faire soigner soit en Suisse, soit en France. Il apparaît que les frontaliers, une fois cet accord en vigueur, devront s'assurer en Suisse, auprès d'une caisse maladie suisse. Mais les frontaliers souhaiteraient, dans le cadre de l'application de l'accord bilatéral, conserver la possibilité de choix d'assurance dont ils disposent actuellement. Ils ont en effet des craintes sur le montant de la cotisation d'assurance suisse qu'ils vont devoir acquitter sachant que, tout en étant assurés en Suisse, ils auront droit aux prestations d'assurance maladie telles qu'elles existent sur le territoire français. Certaines prestations sont prises en charge de façon très restrictive par l'assurance maladie suisse alors qu'au regard de l'assurance maladie française elles sont plus généreusement considérées. A titre d'exemple, citons les soins dentaires. L'article 31 de la loi fédérale sur l'assurance maladie (LAMal du 18 mars 1994) stipule que l'assurance obligatoire de soins prend en charge les coûts des soins dentaires, d'une part, s'ils sont occasionnés par une maladie grave et non évitable au système de la mastication, ou s'ils sont occasionnés par une autre maladie grave et ses séquelles, ou encore s'ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave ou ses séquelles. Elle prend aussi en charge les coûts du traitement de lésions du système de la mastication causé par un accident. Afin de répondre à la nécessité de remboursement de ces soins dans le cadre de la réglementation communautaire, les assurances suisses devront fixer, pour l'ensemble de leurs assurés des cotisations adaptées à la prise en charge du risque frontalier, ce qui aura pour conséquence d'augmenter leur montant déjà élevé. Ainsi naîtront des difficultés de paiement des primes d'assurances, avec la tentation d'accepter des franchises élevées afin de faire diminuer le montant de la cotisation. De plus, en raison du principe d'égalité de traitement, les cotisations doivent être les mêmes pour les résidents et les étrangers ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (UE). Afin de tenir compte du risque frontalier les cotisations, qui sont déjà élevées, risquent d'augmenter pour tous les assurés, y compris les Suisses qui, eux, ne bénéficieront que des prestations sur leur territoire telles que définies dans la loi fédérale sur l'assurance maladie. Cette situation risque de renforcer certaines attitudes xénophobes et représente un frein à l'intégration du frontalier dans son pays d'emploi. L'accord sur la libre circulation des personnes contient, en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale, une annexe II qui prévoit des possibilités d'exemption à l'assurance maladie suisse. C'est ainsi que certains assurés, notamment les frontaliers, peuvent, sur demande, être exemptés de l'assurance maladie suisse obligatoire s'ils résident dans l'un des Etats ayant adhéré à l'annexe II et prouvant qu'ils bénéficient, dans leur Etat de résidence, d'une couverture en cas de maladie. L'Allemagne, l'Italie et l'Autriche ont déjà adhéré à l'annexe II en ce qui concerne leurs frontaliers. Aussi, il lui demande si la France acceptera de signer cette annexe II de façon que les frontaliers continuent de bénéficier d'un choix d'assurance entre le système suisse et le système français d'assurances à forme privée ou mutuelle, étant donné que la loi sur la couverture maladie universelle exclut le frontalier actif.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 28/10/1999

Réponse. - Le volet sécurité sociale de l'accord entre l'Union européenne et la Suisse sur la libre circulation des personnes, signé avec six autres accords sectoriels le 21 juin 1999, vise à étendre aux relations avec les ressortissants, le territoire et les régimes de protection sociale suisses l'application du règlement (CEE) nº 1408/71 portant coordination des législations nationales de sécurité sociale, moyennant quelques adaptations. La démarche en ce domaine est donc identique à celle qui avait abouti précédemment à l'accord créant l'Espace économique européen, non ratifié par la Suisse. En particulier l'annexe II (sécurité sociale) de cet accord consacre le principe d'unicité de la législation de sécurité sociale applicable et fixe les critères de détermination de cette législation en reconnaissant la primauté de la législation applicable au lieu de travail. Les travailleurs français occupés en Suisse, qu'ils y résident ou non, seront donc soumis, après l'entrée en vigueur dudit accord, à la législation suisse de sécurité sociale à titre obligatoire et exclusif pour l'ensemble des branches ou risques, y compris par conséquent pour l'assurance maladie, cette dernière étant également obligatoire pour les membres de la famille des travailleurs, non assurés par ailleurs. Ainsi que cela est évoqué dans la question, l'accord comporte des dispositions optionnelles permettant de déroger à cette règle, sous certaines conditions, pour des catégories plus ou moins larges de personnes résidant sur le territoire des Etats ayant levé tout ou partie de ces options. Mais la France ne s'est pas inscrite dans ces dispositifs, les jugeant en totale opposition avec le contenu en la matière de l'acquis communautaire que l'accord est censé étendre aux relations avec la Suisse. Il convient d'observer que cette position est en cohérence avec les dispositions de la loi nº 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (CMU) et supprimant à compter de son entrée en vigueur, le 1er janvier 2000, le régime de l'assurance personnelle, actuellement ouvert aux travailleurs frontaliers dans les conditions particulières fixées par les articles R. 741-32 et D. 741-10 du code de la sécurité sociale. En outre, le nouvel article L. 380-3 du code de la sécurité sociale, issu de la loi précitée, prévoit en son 3º que l'affiliation obligatoire au régime général sur la base du critère subsidiaire de résidence ne s'applique pas aux " personnes résidant en France qui, au titre d'une activité professionnelle exercée par elles-mêmes ou par un membre de leur famille sur le territoire d'un Etat étranger, ont la faculté d'être affiliées à titre volontaire à un régime d'assurance maladie, conformément à la législation de cet Etat, si cette affiliation leur permet d'obtenir la couverture des soins reçus sur le territoire français ", catégorie qui vise les travailleurs frontaliers occupés en Suisse eu égard aux caractéristiques du régime fédéral suisse d'assurance maladie. En ce qui concerne les cotisations de l'assurance maladie suisse, les travailleurs frontaliers en particulier bénéficieront de l'égalité de traitement avec les ressortissants suisses résidant dans la Confédération et notamment des dispositions de la législation suisse relatives aux réductions de primes (cotisations personnelles) en fonction de l'âge ou des ressources et aux possibilités d'échelonnement de ces primes en fonction du lieu de résidence. L'équilibre financier, au sein du régime fédéral suisse d'assurance maladie, étant recherché caisse par caisse et non globalement, compte tenu en outre de cette possibilité de compartimentage offerte par l'échelonnement géographique des primes, on ne peut en déduire que l'accord se traduira par un renchérissement du niveau des contributions au régime suisse pour les travailleurs frontaliers, et ce d'autant plus que les prestations en nature de ce régime sont dans plusieurs domaines différentes des prestations françaises, ne serait-ce que du fait de tarifs plus élevés des établissements de soins. En contrepartie de cette affiliation et du versement des cotisations correspondantes, les intéressés bénéficieront des prestations en nature d'assurance maladie sur le territoire suisse, sur le territoire français et en cas de séjour sur le territoire de tout autre Etat membre de l'Union européenne, selon les dispositions du règlement (CEE) nº 1408/71 s'appliquant par extension. Après la ratification et l'entrée en vigueur de cet accord passé avec la Suisse, les travailleurs frontaliers occupés dans cet Etat et résidant en France seront donc de façon générale dans une situation, en matière de sécurité sociale, analogue à celle des travailleurs frontaliers occupés dans un autre Etat de l'Union et résidant également en France.

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