Question de M. LE GRAND Jean-François (Manche - RPR) publiée le 15/07/1999

M. Jean-François Le Grand attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences de la loi nº 75-617 du 11 juillet 1975, instituant une prestation compensatoire en cas de divorce. Initialement, l'objectif poursuivi était de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, ainsi que le mentionne l'article 270 du code civil. Mais ce souci louable de maintenir le niveau de vie de celui des deux ex-époux dont le salaire est le plus faible, ou qui ne travaille pas, a rapidement montré ses limites. Acquittée sous la forme d'une rente mensuelle dont le montant est fixé par le juge aux affaires familiales sans référence à une grille financière nationale, ce qui éviterait les disparités entre juridictions, la prestation compensatoire est calculée le plus souvent à une période où le débiteur exerce une activité, ce qui le pénalise à terme lorsqu'il prend sa retraite ou que sa situation professionnelle change. De plus, cette prestation est indexée sur l'évolution du coût de la vie et peut ainsi atteindre après plusieurs années des montants considérables sans rapport avec les moyens du débirentier. Surtout, il s'agit d'une prestation transmissible aux héritiers et dont le versement doit être poursuivi alors que l'ex-conjoint a contracté un nouveau mariage ou vit en concubinage. Certes il existe une procédure de révision compensatoire. Mais les dispositions de l'article 273 du code civil prévoyant que la prestation ne peut être révisée que lorsque l'absence de révision aurait pour " l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité 5 est interprétée restrictivement par les tribunaux et la révision n'est pratiquement jamais accordée. Ainsi, ni le chômage, ni la maladie, ni les accidents handicaps, tels que paraplégie, ne sont considérés comme étant d'une exceptionnelle gravité. Enfin, il n'a été retenu que les disparités de revenus au moment du divorce sans qu'il soit envisagé une possibilité de renversement de situation. Face au constat dramatique et inique devant lequel se trouvent nombre de débirentiers avec l'application des dispositions de la loi du 11 juillet 1975 instituant la prestation compensatoire, il est indispensable qu'une modification profonde de ces dispositions intervienne rapidement. En conséquence, il lui demande si le Gouvernement envisage une modification du code civil pour mettre fin à l'iniquité des situations engendrées par la loi du 11 juillet 1975.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 30/09/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'un certain assouplissement des conditions de mise en uvre de la prestation compensatoire, notamment de sa révision, actuellement posées par la loi, paraît en effet s'imposer eu égard au contexte socio-économique, sans qu'il y ait lieu, cependant, de revenir à un régime comparable à celui des pensions alimentaires préexistant à la réforme de 1975, dont les inconvénients ont été unanimement dénoncés. Lors de la discussion au Sénat des deux propositions de loi de MM. About et Pages relatives à la prestation compensatoire, le 25 février 1998, le Gouvernement a déposé différents amendements en ce sens, abordant également les problèmes fréquemment dénoncés de la transmissibilité de la charge de la rente aux héritiers du débiteur. Ces amendements n'ont toutefois pas été adoptés par la Haute Assemblée. Les réflexions engagées à ce sujet à la Chancellerie se sont poursuivies au sein du groupe de travail pluridisciplinaire, installé le 31 août 1998, sous la présidence de Mme Dekeuwer-Defossez, et chargé de présenter des propositions de réforme du droit de la famille d'ici le 15 septembre 1999. Il apparaît souhaitable d'attendre les résultats des travaux du groupe avant d'engager la réforme du dispositif en vigueur. C'est en effet dans le cadre d'une étude globale de l'ensemble des questions liées au divorce et à ses conséquences pécuniaires que doit être recherchée une solution tendant à remédier aux difficultés posées par la législation en vigueur relative à la prestation compensatoire. En tout état de cause, il semble difficile de systématiser la suppression de plein droit de la prestation compensatoire en cas de remariage de son bénéficiaire. Une telle solution méconnaîtrait en effet le pouvoir d'appréciation du juge en fonction des circonstances de l'espèce. De plus, la prestation compensatoire est une indemnité forfaitaire versée pour compenser, dans la mesure du possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des conjoints. En instituant la prestation compensatoire, le législateur a voulu que les effets pécuniaires du divorce soient réglés une fois pour toutes lors du prononcé de celui-ci. Pour cette raison la prestation doit en principe être versée en capital et ce n'est qu'à titre subsidiaire, lorsque l'allocation d'un capital n'est pas possible, qu'une rente peut être attribuée. Dès lors, il serait peu justifié que la rente cesse d'être versée de façon automatique en cas de remariage de son créancier. Il paraît également difficile de rendre la prestation compensatoire dans tous les cas intransmissible alors que le créancier est le plus souvent une femme qui s'est consacrée pendant de longues années à l'éducation des enfants et qui, au moment de la séparation peut ne pas être en mesure de retrouver du travail et d'assurer son autonomie financière. Il convient en revanche de rechercher les moyens propres à favoriser le versement de la prestation compensatoire en capital, le cas échéant sous forme d'annuités dont le versement est limité dans le temps.

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