Question de M. RINCHET Roger (Savoie - SOC) publiée le 08/07/1999

M. Roger Rinchet appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur l'ordre du jour de la conférence des ministres européens de l'industrie qui doit se tenir fin juin-début juillet à Paris, au cours de laquelle doit être discutée la proposition de l'Office européen des brevets, de supprimer, pour une question de réduction des coûts, la traduction française intégrale des brevets d'invention d'origine étrangère, à laquelle serait substituée la traduction d'un abrégé du brevet et des revendications. Or cette information est à la base de l'information technologique des entreprises françaises et notamment des petites et moyennes entreprises. Il s'agit donc d'une source d'information stratégique cruciale, qui doit continuer d'être disponible dans les langues nationales et notamment le français. Il lui demande en conséquence de bien vouloir l'informer de la position que prendra la France sur ce dossier et si elle s'opposera, au nom des intérêts de nos entreprises, mais aussi de la défense de la langue française, à la suppression de l'obligation de dépôt des brevets en français.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 19/08/1999

Réponse. - L'auteur de la question évoque la conférence intergouvernementale des Etats membres de l'Organisation européenne des brevets (OEB), qui s'est tenue à Paris les 24 et 25 juin 1999. Il évoque, notamment, les décisions qui auraient pu être prises lors de cette conférence en matière d'usage de la langue française dans le domaine des brevets. Cette conférence a fait suite à l'initiative annoncée par le Premier ministre le 12 mai 1998, lors des assises de l'innovation, en vue de renforcer et de moderniser le système du brevet européen. En effet, le brevet constitue un outil stratégique pour protéger, consolider et valoriser les innovations des entreprises confrontées à la concurrence mondiale. Cependant, comme l'ont noté diverses études, notamment en France le rapport Lombard publié en décembre 1997, les entreprises européennes sous-utilisent le système de brevets, alors que leurs homologues américaines et japonaises adoptent une attitude plus offensive. En France, seulement 25 % des entreprises industrielles ont, dans leur histoire, déposé au moins un brevet. Cette situation résulte, sans nul doute, d'une prise de conscience insuffisante de l'importance économique et du rôle stratégique du brevet. Mais, comme l'a souligné le " livre vert " adopté par la Commission européenne en juin 1997, le système actuel de brevets peut et doit être amélioré pour répondre mieux aux besoins des déposants. C'est d'abord un enjeu européen : il est essentiel que l'Union européenne se dote d'une véritable politique de propriété industrielle. Il faut sans doute aller plus loin que l'actuel brevet européen, et passer au brevet communautaire, qui sera un puissant instrument si son coût est abordable. Cependant, la mise au point d'un accord et la mise en uvre du nouvel instrument nécessiteront plusieurs années : il est impératif d'améliorer le fonctionnement du système existant sans attendre. Malgré les réductions de taxes récemment mises en uvre par l'OEB, le coût d'obtention de la protection reste trop élevé, principalement en raison des coûts intervenant après la délivrance du titre. Ce surcoût pénalise les entreprises européennes sur leur marché principal, les conduisant à être excessivement sélectives dans le choix des inventions qu'elles protègent ou des pays dans lesquels elles demandent la protection du brevet. En dissuadant certaines PME et de nombreux chercheurs ou inventeurs indépendants d'y entrer, le système faillit en partie à sa justification économique et sociale. A contrario, les caractéristiques actuelles du brevet européen n'en font pas un obstacle pour les grandes entreprises internationales, notamment américaines et japonaises. Le coût d'obtention de la protection n'est pas un réel problème pour ces entreprises, et leur organisation leur permet de défendre le brevet devant les tribunaux de multiples pays. L'objectif poursuivi dans le cadre du processus engagé par la conférence est donc de rendre le brevet européen plus attractif, en rendant le ticket d'entrée moins coûteux et en améliorant la sécurité juridique procurée. La conférence a adopté un mandat, dont la première partie concerne la question du coût. Aux termes de ce mandat, les moyens de réduire le coût d'obtention des brevets doivent faire l'objet d'un groupe de travail chargé de remettre aux Etats membres un rapport visant cet objectif. C'est sur la base de ce rapport, que les gouvernements décideront de s'engager au second semestre 2000. La démarche française a été établie après la plus large concertation tant au niveau interministériel qu'avec les milieux intéressés, notamment les conseils en propriété industrielle représentés par la CNCPI. Cette concertation se poursuivra pour préparer les positions que nous serons amenés à prendre et qui seront guidées par l'impératif de concilier la défense de la langue française, le respect du principe d'égalité de traitement des langues nationales et le réalisme économique. Le français est une des trois langues officielles de l'OEB et il doit le demeurer. Il faut également ajouter qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement français de proposer l'adoption d'une mesure conduisant à ne plus disposer des traductions en français des brevets déposés par la procédure européenne. L'une des propositions mise à l'étude par la conférence et confiée au groupe de travail consiste, néanmoins, à limiter l'obligation de traduction aux parties du fascicule porteuses de l'intelligibilité de l'invention. Cette proposition, qui ne supprime pas l'obligation de traduction, devra être expertisée par le groupe de travail. D'autres propositions sont envisagées pour atteindre l'objectif de réduction des coûts. L'une d'entre elles consisterait notamment à ouvrir la possibilité de dépôt des traductions à l'OEB, plutôt qu'auprès des offices nationaux, ce qui permettrait, tout en maintenant le principe des traductions, de limiter certains frais de procédure. La méthode envisagée permettra aux Etats de se rallier, " à la carte " et selon les priorités politiques de chacun, à telle ou telle mesure permettant de réduire globalement le coût d'obtention du brevet européen. Ainsi, la France gardera sa marge de man uvre dans tout ce processus. Cependant, la réduction du coût demeure au centre des préoccupations du secrétariat d'Etat à l'industrie. L'expertise d'un grand nombre de solutions, chacune susceptible d'être mise en uvre dans un groupe de pays membres, permettra de déboucher sur une réduction effective du coût d'accès au brevet européen, tout en préservant les intérêts stratégiques de la France.

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