Question de M. HAENEL Hubert (Haut-Rhin - RPR) publiée le 01/07/1999

M. Hubert Haenel demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une part, de lui indiquer la nature et l'étendue du contrôle des conditions de la garde à vue par les juridictions pénales et, d'autre part, quelle est la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation (chambre criminelle) en la matière.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 16/12/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les dispositions relatives à la garde à vue, telles qu'elles résultent des lois des 4 janvier et 24 août 1993, ont permis de préciser les modalités d'exécution de cette mesure et de mieux assurer le respect du droit des personnes qui se trouvent privées de liberté. S'agissant d'une mesure qui va temporairement priver une personne de sa liberté, le législateur a souhaité qu'elle soit strictement réglementée et soumise au contrôle de l'autorité judiciaire, garante des libertés individuelles. Les dispositions des articles 63 et 64 du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ne sont d'ailleurs pas incompatibles avec celles de l'article 5-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles prescrivent de traduire aussitôt la personne arrêtée ou détenue devant un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires. C'est ainsi que la loi prévoit expressément le contrôle des mesures de garde à vue par le procureur de la République (art. 41 du code de procédure pénale) afin d'assurer du bon déroulement de celles-ci et du respect des formalités prévues par les lois de 1993. Concrètement, le procureur de la République ne se contente pas d'intervenir en cas d'incident seulement, mais se rend de façon inopinée dans les commissariats et gendarmeries. Son contrôle s'exerce donc sur les modalités d'exécution et a lieu pendant toute la durée de la garde à vue. C'est pourquoi l'officier de police judiciaire doit informer " dans les meilleurs délais " le procureur de la République (articles 63, alinéa 1, et 77, alinéa 1) ou le juge d'instruction (article 154, alinéa 1) d'un placement en garde à vue. En outre, l'autorité judiciaire dispose du moyen de contrôler de manière effective la garde à vue, à l'issue des vingt-quatre heures, au moment des demandes de prolongation, grâce à la comparution personnelle de l'intéressé. Enfin, à l'issue de la garde à vue, le sort des personnes à l'encontre desquelles pèsent des indices graves et concordants (mise en liberté ou déferrement) est décidé par le procureur de la République (articles 63, alinéa 3, et 77, alinéa 3). Les prérogatives de la personne gardée à vue sont également préservées par application conjuguée des articles 171 et 802 du code de procédure pénale. Toutefois, la nullité ne sanctionne la violation d'une formalité substantielle que si elle a porté atteinte aux intérêts de la personne concernée. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation - chambre criminelle (Cass. crim., 23 avril 1992) - souligne de façon constante que les règles de procédure pénale concernant la garde à vue ne sont pas prescrites à peine de nullité : " leur inobservation ne saurait en elle-même entraîner la nullité de la procédure lorsqu'il n'est pas démontré que la recherche et l'établissement de la vérité s'en sont trouvés fondamentalement viciés ". Cette formulation fait d'ailleurs référence, de façon habituelle, aux dispositions de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De façon récurrente, la jurisprudence des juridictions pénales comme celle de la Cour de cassation considère qu'il n'y a pas de nullité sans grief. Elle dissocie, en effet, les formalités substantielles et non substantielles. C'est ainsi que les formalités entourant la garde à vue (notification des droits : Cass. crim., 7 mars 1994, et récemment Cass. crim., 10 mars 1999, examen médical : Cass. crim., 2 décembre 1997, entretien avec l'avocat : Cass. crim., 4 janvier et 9 mai 1994, Cass. crim., 27 mai 1997) sont des formalités substantielles au sens des articles 171 et 802 du code de procédure pénale. En revanche, les règles de pure forme, comme les mentions obligatoires sur le procès-verbal de la notification des droits (Cass. crim., 6 décembre 1995), de la durée des interrogatoires et des repos (Cass. crim., 1er mars 1994), ne sont pas à proprement parler des formalités substantielles, dès lors qu'il est établi que la notification a bien été effectuée ou que la durée de l'interrogatoire est normale. D'après l'article 174, alinéa 2, du code de procédure pénale, la chambre d'accusation décide si l'annulation doit être limitée à l'acte irrégulier ou bien si elle doit s'étendre à l'ensemble de la procédure. La solution dépend de la gravité de l'irrégularité commise. S'il s'agit d'une formalité substantielle, la nullité doit être étendue à l'ensemble de la procédure (Cass. crim., 30 avril 1996). Enfin, la loi du 24 août 1993 n'a pas remis en cause la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux nullités d'ordre public. La haute juridiction considère, en effet, que les violations touchant l'ordre public doivent être relevées même en l'absence de grief. Ainsi, un placement en garde à vue, ordonné par un agent de police judiciaire, ou un officier de police judiciaire incompétent territorialement, ou encore décidé contre un témoin au cours d'une enquête préliminaire, serait entaché de nullité. De façon plus générale, le garde des sceaux peut assurer à l'honorable parlementaire que le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, actuellement soumis à la représentation nationale, va permettre de renforcer le contrôle des conditions de la garde à vue. C'est ainsi, notamment, que l'entretien avec un avocat sera possible dès le début de cette mesure ainsi qu'à l'issue de la vingtième heure, d'une part, et que, d'autre part, la visite des locaux de garde à vue par le procureur de la République devra être effectuée au moins une fois par trimestre, un registre sera d'ailleurs tenu répertoriant le nombre et la fréquence de ces contrôles.

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