Question de M. MÉLENCHON Jean-Luc (Essonne - SOC) publiée le 01/07/1999

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les conditions d'élaboration de la charte européenne des langues régionales et/ou minoritaires. Il souhaiterait obtenir des précisions sur les différentes phases d'élaboration de cette charte, en connaître les initiateurs ainsi que les promoteurs. Il souhaiterait en outre savoir si la France s'est engagée sur l'ensemble de la charte ou y a émis des réserves. Il souhaiterait enfin être informé sur le processus de ratification de cette charte dans l'ensemble des pays signataires ainsi que sur le calendrier de ratification prévu pour la France.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 14/10/1999

Réponse. - Le projet de charte européenne des langues régionales ou minoritaires trouve son origine dans une initiative de la conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE). En 1983, la CPLRE s'est efforcée de dresser un inventaire des langues régionales ou minoritaires de l'Europe, puis, en 1984, s'est livrée à l'audition publique d'environ 250 experts sur le sujet. Retenant une des conclusions de ces auditions, la Conférence permanente a, la même année, constitué un groupe d'experts indépendants à qui elle a confié le soin d'élaborer un avant-projet de charte. Ce groupe d'experts a clos ses travaux au début de l'année 1987, le projet de charte étant soumis officiellement au comité des ministres du Conseil de l'Europe par la résolution 192 (1988), adoptée par la CPLRE dans sa session des 15-17 mars 1988. Certains des axes fondamentaux du texte qui allait être ultérieurement adopté figuraient déjà dans la version alors présentée : promotion des langues régionales ou minoritaires et non stricto sensu des droits des minorités linguistiques ; absence de définition ou d'inventaire des langues ; organisation de la charte en une partie comportant des principes généraux s'imposant aux Etats parties et une partie détaillant des mesures pratiques, " la carte ". Dans un avis 142 (1988), l'Assemblée parlementaire apporta son appui à l'initiative de la CPLRE. En mai 1989, le comité des ministres décida de créer un comité ad hoc d'experts gouvernementaux sur les langues régionales ou minoritaires (CAHLR), à qui il confia le soin d'élaborer un projet de texte " en ayant à l'esprit le texte de la CPLRE ". Le CAHLR remit au printemps 1991 le projet de charte issu de ses travaux. Le texte fut formellement adopté en tant que convention du Conseil de l'Europe par le comité des ministres le 25 juin 1992. La charte est ouverte à la signature depuis le 5 novembre 1992. A ce jour, la charte européenne des langues régionales ou minoritaires a été signée et ratifiée par huit Etats : la Norvège, la Finlande, la Hongrie, les Pays-Bas, la Croatie, le Liechtenstein, la Suisse et l'Allemagne (les dates respectives de ratification étant le 10 novembre 1993, le 9 novembre 1994, le 26 avril 1995, le 2 mai 1996, le 5 novembre 1997, le 18 novembre 1997, le 23 décembre 1997 et le 16 septembre 1998). Elle a été signée par douze autres Etats, l'Autriche, le Danemark, le Luxembourg, Malte et l'Espagne le 5 novembre 1992, Chypre le 12 novembre 1992, la Roumanie le 17 mai 1995, l'Ukraine le 2 mai 1996, la Slovénie le 3 juillet 1997, " l'ex-République yougoslave de Macédoine " le 25 juillet 1997, la France et l'Islande le 7 mai 1999. En application de son article 19, la charte est entrée en vigueur le 1er mars 1998, trois mois francs après que cinq Etats l'eurent ratifiée. N'ayant pas procédé à la ratification de cette convention internationale, la France n'a pris aucun engagement juridique à ce titre, ni, par conséquent, comme l'honorable parlementaire l'évoque, émis de réserve à son application. Il est vrai que, dans une déclaration formulée au moment de sa signature, la France a détaillé trente-neuf mesures qu'elle envisageait de mettre en uvre et formé également le projet de prononcer quatre déclarations interprétatives du texte. Ces éléments ne pourraient toutefois trouver leur concrétisation juridique qu'au moment d'une éventuelle ratification. Comme le sait l'honorable parlementaire, le Conseil constitutionnel a estimé dans une décision du 15 juin 1999 que la charte européenne des langues régionales ou minoritaires n'est pas compatible sur plusieurs points avec nos principes constitutionnels. Après cette décision, le Président de la République n'a pas donné suite à la demande du Premier ministre d'une révision de la constitution française en vue d'une ratification de la charte. Dans le respect du cadre juridique existant, le Gouvernement est déterminé à poursuivre son action en faveur du développement des langues et cultures régionales, notamment en soutenant, par des mesures appropriées, les engagements que la France avait prévu de souscrire lors de la ratification de la charte.

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Erratum : JO du 28/10/1999 p.3574

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