Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 24/06/1999

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'article paru à la page VIII du Figaro Economie du 11 juin 1999 sous le titre " Tribunaux de commerce : la révolte des juges " dans lequel il est indiqué que " les juges consulaires sont ulcérés par la réforme gouvernementale des tribunaux de commerce qu'ils considèrent être un échevinage à peine déguisé. " Il lui demande quelle est sa réaction face au mécontentement des juges consulaires qui ont voté à 98,28 % une motion rejetant " catégoriquement " cette réforme, quelle réponse elle peut apporter au président de la conférence générale des tribunaux de commerce qui juge " que cette réforme "technocratique et incohérente" ( ... ) n'était que la conclusion logique d'une orchestration savamment composée " et aimerait savoir si des négociations vont être engagées pour une éventuelle modification à la réforme annoncée.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 21/10/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlentaire que le programme de réforme de la justice commerciale et de l'environnement juridique de l'entreprise, qu'elle a annoncé conjointement avec M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le 14 octobre dernier, prévoyait, outre la refonte de la carte des tribunaux de commerce, du statut des juges consulaires et des auxiliaires de justice et celle des lois de 1984 et 1985 sur le traitement des difficultés des entreprises, la réforme de l'organisation et de la composition des tribunaux de commerce. En effet, si les tribunaux de commerce, pour la plupart, font face à leurs missions essentielles dans le respect des règles du droit et si la grande majorité des juges consulaires remplissent leurs fonctions avec dévouement, il n'en demeure pas moins qu'il est impératif d'adpater la justice commerciale à un environnement juridique en mutation. Les justiciables, les pouvoirs publics et les professionnels du droit partagent d'ailleurs ce constat et s'accordent à reconnaître que la justice consulaire, dans ses structures et son implantation territoriale, n'est plus adaptée au monde économique moderne. A ce titre, les tribunaux de commerce doivent accueillir des magistrats professionnels et les juridictions de droit commun bénéficier de l'expérience des juges consulaires. La mixité, c'est-à-dire l'association des juges élus et professionnels dans une même formation de jugement, a pour objectif d'assurer une justice de qualité puisque se trouveront réunies la connaissance des règles de fond et de procédure et la perception, pour chaque affaire, de sa dimension économique. Les modalités de la mise en uvre de la mixité ont été étudiées par une commission qui a été constituée par le garde des sceaux, ministre de la justice et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le 23 décembre 1998. Cette commission a procédé aux plus larges consultations possibles, au travers de près de cent quarante auditions qu'elle a pu mener en formation restreinte ou en assemblée plénière, auprès de représentants, tant des juges consulaires, des magistrats de l'ordre judiciaire, des auxiliaires de justice que des milieux économiques. Dans le cadre des propositions qu'elle a été amenée à formuler aux termes de son rapport, cette commission a recherché des solutions à la fois réalistes au regard de la diversité des situations et des opinions, suffisantes pour conduire à des résultats tangibles et compatibles avec les principes constitutionnels et conventionnels existants. Ces propositions équilibrées doivent permettre d'assurer un véritable échange des compétences, mais doivent également rester cohérentes aux divers stades des procédures comme avec le reste de l'organisation judiciaire et enfin, être lisibles afin de donner une bonne image de la justice économique en France. Ainsi, sur la base de ces conclusions, le Gouvernement a-t-il arrêté une réforme équilibrée des tribunaux de commerce qui repose sur trois principes. Le président du tribunal de commerce restera un juge élu avec des pouvoirs propres aménagés et encadrés pour tenir compte de l'introduction de la mixité et pour garantir l'autonomie des formations de jugement. Les formations de jugements mixtes, associant magistrats professionnels et juges élus, seront présidées par les magistrats du corps judiciaire et auront compétence pour traiter des procédures collectives, des litiges entre associés des sociétés commerciales, du contentieux spécialisé, des litiges mettant en cause les établissements de crédit et les entreprises d'investissement et ceux relatifs à des actes de commerce mettant en cause des non-commerçants. Enfin, les formations de jugement qui demeureront purement consulaires et qui seront présidées par un juge élu, connaîtront du reste du contentieux général. En toute hypothèse, les solutions retenues ne peuvent être assimilées à un échevinage qui, entendu au sens strict, implique qu'un magistrat de l'ordre judiciaire préside tant la juridiction elle-même que la totalité des formations de jugement qui la composent. En tout état de cause, plusieurs mesures d'accompagnement seront mises en uvre pour assurer la réussite de la réforme. Elles porteront notamment sur la formation des juges, les règles déontologiques et leur mode d'élection. De plus, des passerelles permettront aux juges élus les plus expérimentés d'accéder aux cours d'appel, soit par intégration dans le corps des magistrats de l'ordre judiciaire suivant des modalités à définir, soit par leur nomination en tant que conseiller en service extraordinaire dans les chambres commerciales des cours d'appel. Un projet de loi reprenant ces grandes orientations sera déposé à l'automne pour une entrée en vigueur de la réforme pour l'année 2000 et une extension du dispositif à tous les tribunaux de commerce en 2001.

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