Question de M. MARINI Philippe (Oise - RPR) publiée le 17/06/1999

M. Philippe Marini appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'article 21-3 de la loi nº 96-1236 du 30 décembre 1996, relative à l'air et à l'utilisation rationnelle de l'énergie. En effet, celui-ci prévoit qu'un taux minimal d'oxygène (apporté par exemple par l'éthanol-ETBE de betteraves) dans les essences sera fixé par décret avant le 1er janvier 2000. Or, à ce jour, soit plus de deux ans après la parution de la loi, aucun décret n'est paru au Journal officiel. Pourtant, plusieurs rapports se sont émus de la non-parution de ce décret, et notamment celui commandé par elle-même, à une parlementaire en mission issue de la majorité gouvernementale, sur la fiscalité écologique. De plus, la directive européenne sur la qualité des carburants a été publiée au Journal officiel le 28 décembre 1998. En outre, 4 sites de production d'ETBE sont actuellement en fonctionnement en France ; deux nouveaux projets sont en cours d'élaboration mais leur rythme est ralenti faute de précisions quant au taux d'oxygène à incorporer. Enfin, il est démontré que l'incorporation d'oxygène reste la solution la moins coûteuse pour l'Etat pour réduire la pollution automobile sans augmenter l'effet de serre. En conséquence, il lui demande dans quels délais elle entend promulguer ce décret d'application afin de respecter les accords que la France a signés à Kyoto sur la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, et ne pas pénaliser plus avant les entreprises françaises productrices d'ETBE.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 06/04/2000

Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, des questions concernant les biocarburants. Il convient tout d'abord de rappeler sur ce sujet les différentes études menées pour évaluer les performances environnementales des différents biocarburants. Le développement des biocarburants est susceptible de permettre une diversification des productions agricoles ; c'est à ce titre sans nul doute une politique à encourager dans le cadre général des soutiens publics à l'agriculture. En matière environnementale, le bilan est plus nuancé. Pour ce qui concerne l'introduction d'ETBE (éthyl-tertio-butyl-éther à base d'éthanol produit à partir de la betterave ou de céréales) dans les essences, le bilan environnemental réalisé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) en 1997, s'appuyant sur des essais réalisés à l'UTAC (Union technique de l'automobile et du cycle), ainsi que l'étude menée par l'Institut français du pétrole (IFP) en 1998, présentent des résultats contrastés. On peut noter qu'une additivation à 15 % d'ETBE a pour conséquences une baisse des rejets d'hydrocarbures imbrûlés, des hydrocarbures aromatiques polycycliques et du potentiel de formation d'ozone de l'ordre de 20 %, une stabilité ou une légère augmentation des oxydes d'azote, une augmentation sensible des rejets d'acétaldéhyde et de méthylpropène. Ces différents tests n'ont par ailleurs pas permis de rendre de conclusion sur les rejets de monoxyde de carbone. Pour ce qui concerne l'introduction des EMHV (esters méthyliques d'huiles végétales, colza notamment) dans le gazole, les données du bilan environnemental réalisé par l'ADEME en 1993 (comprenant des essais UTAC) ont été complétées par des essais comparatifs gazole/EMC 30 réalisés sur bus RATP en 1998. Pour un mélange de 30 % d'ester dans le gazole, les impacts sur les rejets de polluants correspondent à une baisse des rejets d'hydrocarbures totaux, une stabilité des émissions d'oxydes d'azote et d'aldéhydes. Les résultats de ces deux séries d'essais sont divergents pour les particules et les hydrocarbures aromatiques polycycliques, avec une tendance à la hausse pour les tests les plus récents, ce qui ne permet pas de conclure sur les effets réels de l'additivation. De plus, ces différents essais d'additivation ont concerné des carburants essence ou gazole répondant à d'anciennes spécifications (valables entre 1996 et 1999). Les impacts d'une additivation des carburants correspondant aux spécifications actuellement en vigueur (normes 2000) ou à venir (normes 2005), avec notamment une réduction de la teneur en aromatiques, oléfines et benzène dans l'essence (passage de 5 à 1 % dès 2000) et en soufre dans le gazole (passage de 350 à 50 ppm en 2005), ne sont pas connus. On peut néanmoins imaginer une diminution probable des bénéfices attendus de l'apport d'ETBE ou d'EMHV. La loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie prévoyait en son article 21 une redéfinition, avant le 1er janvier 2000, des spécifications des carburants et combustibles (supercarburants, gazole et fioul domestique) avec l'indication d'un taux minimal d'oxygène. L'article 24.III de la loi sur l'air prévoyait également qu'à partir du 1er janvier 1999, à l'intérieur des agglomérations de plus de 100 000 habitants, les véhicules de transport public en commun de voyageurs utiliseraient un carburant dont le taux minimum d'oxygène aurait été relevé. Les véhicules concernés par cette mesure sont des bus fonctionnant aujourd'hui essentiellement avec une motorisation diesel. En raison, notamment, des incertitudes évoquées précédemment, les travaux pilotés par le secrétariat d'Etat à l'industrie pour préparer les textes correspondants n'ont pas encore pu aboutir. Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement n'a en ce qui le concerne aucune objection de fond qui ferait obstacle à leur parution. Il apparaît cependant clairemen qu'il ne sera pas possible d'asseoir durablement les filières de biocarburants sans une réduction progressive de l'écart de coût de production entre ceux-ci et les produits pétroliers de référence. Pour ce faire, une priorité doit être donnée à la recherche sur la réduction de cet écart. Il s'agit d'ailleurs de l'une des conclusions importantes du rapport remis en 1999 par M. Desmarescaux au ministre de l'agriculture. Faisant suite à ce rapport, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail technique, piloté par le ministère de l'agriculture et de la pêche, chargé d'examiner les problèmes réglementaires liés à l'utilisation non alimentaire des productions agricoles, dont en particulier les biocarburants et les biolubrifiants.

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