Question de M. ABOUT Nicolas (Yvelines - RI) publiée le 10/06/1999

M. Nicolas About attire l'attention de M. le Premier ministre sur les conditions de ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales (OING), faite à Strasbourg le 24 avril 1986 et signée par la France le 4 juillet 1996. La loi nº 98-1166 du 18 décembre 1998 a autorisé cette ratification. Toutefois, plusieurs réserves ont été émises lors de son examen par le Parlement, notamment sur l'article 2 de la convention européenne qui permet à une organisation non gouvernementale (ONG) de bénéficier, dans tous les Etats signataires, de la reconnaissance juridique qui lui a été accordée dans le pays dans lequelle elle a son siège statutaire. Cette disposition risque en effet d'être utilisée par des organisations à l'honorabilité contestable, en particulier certaines sectes, pour développer leurs activités en Europe. Selon l'article 4 de la convention, un Etat peut théoriquement écarter une ONG qui, par son but ou son activité effectivement exercée, contrevient à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale et à la protection de la sécurité d'autrui. En réalité, ce garde-fou risque de se montrer inefficace car, dans la plupart des affaires traitées par la justice, ce ne sont pas les groupes sectaires eux-mêmes qui sont condamnés mais seulement leurs dirigeants. De même, la déclaration interprétative que le Gouvernement prévoit de déposer avec les instruments de ratification de la convention limite la reconnaissance de droit de la personnalité juridique, notamment aux OING bénéficiant d'un statut consultatif auprès du Conseil de l'Europe ou des institutions internationales des Nations unies, ou encore d'un statut d'observateur auprès des comités directeurs de la coopération intergouvernementale du Conseil de l'Europe. Ce verrou supplémentaire, louable dans son principe, risque lui aussi de se montrer inefficace dans la pratique car les principales sectes bénéficient d'une influence réelle au sein des institutions internationales précitées. Dans ces conditions, et en l'absence de disposition législative permettant de dissoudre les groupes sectaires sur le modèle du dispositif adopté par le Parlement à l'égard des groupes de combat, il lui demande si le Gouvernement a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter que la convention européenne du 24 avril 1986 ne favorise les entreprises illicites qui chercheraient à se dissimuler sous l'appellation d'organisations internationales non gouvernementales.

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Transmise au ministère : Affaires étrangères


Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 05/08/1999

Réponse. - L'honorable parlementaire souligne combien la convention du Conseil de l'Europe sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales du 24 avril 1986, que la France vient de ratifier, organise déjà pour chacun des Etats parties des clauses de sauvegarde importantes. Il a également pris bonne note de l'esprit de vigilance qui a présidé à la rédaction de la déclaration interprétative qui sera déposée par la France avec les instruments de ratification. Il importe tout d'abord de rappeler quelle est la situation objective en France. Depuis 1981, deux personnes domiciliées en France, quelle que soit leur nationalité, peuvent, sans autre formalité que de présenter des statuts dans une forme non réglementée et de préciser les adresses des fondateurs et du siège, créer une association selon la loi de 1901. Celle-ci organise en fait un contrat privé entre des personnes. Le principe juridique fondamental selon lequel " le contrat est la loi des parties " s'applique. La puissance publique ne peut donc pas interférer dès lors que les lois de la République et l'ordre public ne sont pas violés. Les employés de préfecture qui enregistrent le contrat se voient interdire par la jurisprudence de corriger ou refuser les clauses des statuts qui leur sembleraient exprimer un projet contestable s'il ne viole pas clairement les principes de notre droit. Un organisme étranger qui n'a pas son siège en France peut d'autre part exercer des actes juridiques isolés sur notre sol sans que rien ne s'y oppose. S'il peut démontrer qu'il est en mesure de recevoir dans son pays des dons autres que manuels et des legs, il peut également se voir reconnaître ce droit. Toutefois, la loi française sanctionne les individus qui violent les dispositions de ce dispositif sur leurs actes et non sur leurs simples intentions. C'est la raison pour laquelle, lorsque l'activité d'une association est identifiée comme contraire à la loi, ses dirigeants sont poursuivis et non, en général, l'association elle-même. La priorité est bien d'empêcher les personnes mal intentionnées de passer à l'acte, la forme juridique dont elles revêtent leurs agissements étant secondaire. La convention du Conseil de l'Europe sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales du 24 avril 1986 offre aux Etats parties des possibilités dont ils ne disposaient pas précédemment pour mettre en place des mécanismes de " filtre " par rapport aux organisations étrangères qui voudraient se prévaloir d'elle pour agir illégalement sur leur sol. En introduisant le principe de l'" utilité internationale " des ONG bénéficiaires, la convention a introduit une conditionnalité exigeante. Le Gouvernement entend non seulement prendre toutes les précautions nécessaires pour prévenir les entreprises illicites qui chercheraient à se dissimuler sous l'appellation d'organisations internationales non gouvernementales, mais aussi utiliser les dispositions de la convention pour préciser la définition de ce concept juridique et se prémunir ce faisant d'une interprétation laxiste de ce traité.

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