Question de M. JARLIER Pierre (Cantal - UC) publiée le 16/06/1999

M. Pierre Jarlier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les incidences du recensement en cours de la population sur le montant des dotations attribuées par l'Etat aux collectivités locales. Le Gouvernement devrait en effet prendre un décret déterminant la population légale de chaque collectivité locale au début de l'an 2000, et d'ores et déjà il apparaît dans les premières estimations que de très nombreuses communes rurales et par voie de conséquence, certains départements ruraux ont connu une forte baisse de leur population depuis 1990. C'est le cas du Cantal dont le nombre d'habitants aurait chuté d'au moins 8 % et de certaines de ses collectivités locales dont la baisse de la démographie risque d'atteindre jusqu'à 25 %. Ce nouveau constat de dépopulation est de nature à provoquer une réduction très sensible des contributions de l'Etat au budget de ces collectivités, notamment une forte baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) dont plusieurs critères de calcul sont directement liés à la population. De ce fait, ces départements et ces communes qui assument aujourd'hui des charges croissantes dans leur action sociale quotidienne ou dans leur mission de gestion des équipements et services publics de leur compétence (notamment dans le domaine de la sécurité des personnes ou de l'environnement) subiront une perte de ressources particulièrement préjudiciable. Il souhaiterait donc savoir dans quel délai exact le recensement de 1999 devrait être pris en compte dans le calcul des dotations de l'Etat aux collectivités et par ailleurs quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre afin d'atténuer les effets de l'exode rural sur le montant de ses dotations dans le cadre de l'enveloppe normée.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 27/10/1999

Réponse apportée en séance publique le 26/10/1999

M. Pierre Jarlier. Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les incidences qu'aura le
recensement de la population effectué en 1999 sur le montant des dotations attribuées par l'Etat aux collectivités
locales.
En effet, si les résultats du recensement confirment l'urbanisation croissante de notre pays, on constate depuis 1990, a
contrario, une forte baisse de la population dans les zones à caractère rural. C'est, par exemple, le cas du Cantal, dont
le nombre d'habitants a chuté de plus de 5 %, et de certaines de ses communes, dont la baisse de la démographie
atteint jusqu'à 25 % en neuf ans.
Ce nouveau constat de dépopulation est de nature à provoquer une réduction très sensible des contributions de l'Etat au
budget de ces collectivités, notamment de la dotation globale de fonctionnement.
De ce fait, ces départements et ces communes risquent de subir des pertes de ressources préjudiciables à la qualité
des services qu'ils offrent à leur population, alors qu'ils devront néanmoins assurer les charges fixes, voire croissantes,
liées à la spécificité de leurs territoires, souvent très étendus. Ces charges sont d'autant plus difficiles à supporter que
les impératifs en matière de sécurité des personnes ou d'environnement sont de plus en plus consommateurs de fonds
publics.
Si l'urbanisation croissante de notre pays nécessite la mise en oeuvre de la solidarité nationale pour surmonter la
menace de fracture sociale dans certains secteurs périurbains, cette solidarité nationale en faveur des communes
rurales est vitale aussi pour éviter une véritable menace de fracture territoriale au regard des résultats de ce
recensement.
Les nouvelles dispositions relatives à la coopération intercommunale constituent sans aucun doute une première
réponse à cette solidarité qui doit s'exercer d'abord à l'échelon local.
Néanmoins, les handicaps démographiques et territoriaux pris en compte dans le calcul des dotations de l'Etat aux
collectivités constituent les éléments fondamentaux pour assurer l'équilibre des prochains budgets communaux.
Vous avez d'ailleurs présenté, monsieur le ministre, au nom du Gouvernement, un projet de loi relatif à la prise en
compte du recensement général de la population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités
locales.
Je souhaiterais donc savoir dans quel délai exact le recensement de 1999 sera pris en compte dans le calcul des
dotations de l'Etat aux collectivités. Par ailleurs, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il adopter afin
d'atténuer les effets de l'exode rural sur le montant de ses dotations dans le cadre de l'enveloppe normée ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, à la suite des opérations de recensement
intervenues en 1999, la population de chaque commune sera authentifiée par décret à la date du 31 décembre 1999.
Cette nouvelle population sera utilisée, en 2000, dans la répartition des différentes dotations de l'Etat qui font intervenir
ce critère.
Le recensement général de 1999 fait apparaître une augmentation de la population, résidences secondaires incluses,
de l'ordre de 1,8 million d'habitants par rapport à la population de 1998 utilisée dans la répartition des différents
concours financiers effectuée en 1999.
La dotation forfaitaire des communes en expansion démographique devrait donc être majorée d'un montant global de
près de 1,6 milliard de francs. Cela aboutirait, si aucune mesure n'était prise, à une baisse de la dotation
d'aménagement de la dotation globale de fonctionnement, c'est-à-dire une baisse de la dotation de solidarité urbaine de
24 % et une baisse de la dotation de solidarité rurale de 29 %, ce qui vous alarme très légitimement.
Pour éviter une telle évolution des dotations de péréquation, le Gouvernement, après consultation du comité des
finances locales, a transmis au Parlement un projet de loi permettant de tenir compte de l'impact sur la dotation globale
de fonctionnement des futures variations de population.
Ce texte prévoit que les hausses mais aussi, et j'y insiste, les baisses de population seront lissées par tiers jusqu'en
2002 pour éviter de trop brutales variations dans les mécanismes d'éligibilité et de répartition des dotations qui font
intervenir des critères liés à la population.
Concernant le calcul de la dotation forfaitaire, qui vous intéresse particulièrement, les communes en déclin
démographique - celles du Cantal, notamment - verront leur dotation gelée au montant dû au titre de 1999 jusqu'en
2002, c'est-à-dire pendant la durée du lissage. Corrélativement, bien sûr, les communes en expansion enregistreront
une hausse de leur dotation forfaitaire étalée sur trois exercices.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000, le Gouvernement propose, par ailleurs, d'abonder la DSU et la
DSR à hauteur de 200 millions de francs, afin que ces deux dotations conservent le montant qu'elles avaient atteint en
1999.
Le Premier ministre a, en outre, décidé un abondement complémentaire de la DSU de 500 millions de francs qui devrait
permettre à celle-ci de progresser de plus de 15 %, ce qui intéresse certaines collectivités de votre département, par
exemple Aurillac.
Enfin, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté des amendements qui devraient soutenir la
dotation de solidarité urbaine des bourgs-centres - nombre d'entre eux sont concernés dans le Cantal - à hauteur de
150 millions de francs.
Voilà qui, je l'espère, vous aura pleinement rassuré, monsieur le sénateur, sur les intentions du Gouvernement.
M. Pierre Jarlier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, en partie rassurante pour les responsables
des très nombreuses communes rurales qui abordent avec inquiétude la préparation du budget pour 2000.
Néanmoins, les conditions d'un nouvel équilibre des territoires ne pourront réellement être retrouvées qu'au prix d'une
réforme profonde du dispositif des dotations affectées aux collectivités locales. Une politique d'aménagement du
territoire volontariste impose aujourd'hui la prise en compte de nouveaux critères tenant compte de la spécificité de
certains territoires et, surtout, de leur handicap naturel.
Cette démarche passe par une solidarité nationale forte, si nous voulons donner une nouvelle chance à nos secteurs
ruraux, qui sont actuellement en pleine mutation sociale, et éviter les risques imminents d'une fracture territoriale.

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