Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 03/06/1999

Mme Hélène Luc demande à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité d'intervenir afin de créer les conditions, en tant qu'actionnaire principal de l'entreprise Renault et au titre du développement industriel et de l'emploi, permettant l'implantation d'une unité de production de ressorts adossée à l'usine Renault de Choisy-le-Roi. Les collectivités locales concernées, le département du Val-de-Marne et la ville de Choisy-le-Roi, ont créé les conditions y compris financières pour favoriser l'implantation de cette entreprise et pour favoriser cet investissement indispensable au devenir de Renault. C'est pourquoi, elle lui demande d'user des prérogatives de l'Etat (actionnaire important) pour que l'entreprise Renault fasse les investissements nécessaires à Choisy-le-Roi.

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Transmise au ministère : Industrie


Réponse du ministère : Industrie publiée le 30/06/1999

Réponse apportée en séance publique le 29/06/1999

Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, voilà un an, le 19 mai 1998, je vous posais déjà une question orale
relative à la situation de l'usine Renault de Choisy-le-Roi, commune dont je suis l'élue. Je montrais à quel point la
stratégie d'un grand groupe, dont l'actionnaire principal est l'Etat, aux résultats florissants avec des profits se comptant
par milliards de francs, faisait fi du potentiel représenté par ses salariés pourtant acteurs essentiels de la réussite de ce
groupe, faisait fi du bassin d'emploi et de la communauté humaine locale qui a favorisé son activité et son
développement.
Aujourd'hui, mon interpellation illustre à nouveau cette logique financière qui prévaut au détriment de l'intérêt général, de
l'intérêt des femmes et des hommes qui font l'entreprise et son environnement et de l'intérêt même de Renault.
Le groupe Renault a besoin d'une nouvelle structure pour produire des ressorts de suspension, aujourd'hui fabriqués à
Choisy-le-Roi. Mais au lieu d'investir en développant son unité actuelle, Renault abandonnerait un savoir-faire sur une
technologie porteuse d'avenir puisque la production pourrait passer de trois millions à six millions de ressorts pour
répondre à la demande du marché.
L'espace existe puisque la municipalité de Choisy-le-Roi et le conseil général du Val-de-Marne ont créé les conditions
nécessaires en faisant acquérir par le service d'action foncière du Val-de-Marne le terrain qui jouxte l'usine, pour le
mettre à la disposition de Renault. Par ailleurs, des démarches sont entreprises en direction du conseil régional et du
conseil général afin d'obtenir des subventions.
Or, alors que les compétences de cinquante salariés très qualifiés sont immédiatement disponibles, Renault fait le
choix d'une délocalisation en Seine-et-Marne, sous couvert d'un partenariat avec l'entreprise Allevard, qui, sous d'autres
conditions, pourrait être positif.
Cette alliance serait en réalité de court terme puisque Allevard est en passe d'être acheté par le groupe italien
Benedetti. Cela figure dans un document remis au comité d'enteprise. Ce montage apparaît bien comme étant un leurre
sur fond de subventions publiques versées pour financer cette opération d'abandon, ce qui est vraiment inacceptable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la traduction de cette décision, ce sont cinquante emplois de moins à Choisy-le-Roi et
dans le Val-de-Marne, le seul département de la région parisienne à avoir perdu encore des emplois industriels - 1 % de
moins depuis 1994. Les cinquante salariés, dont l'ancienneté est souvent importante, seront transférés et perdront à
terme leur statut et la stabilité d'emploi ; ils se sont d'ailleurs mise en grève la semaine dernière pour défendre ceux-ci.
C'est enfin une usine qui se fragiliserait dramatiquement.
L'émotion et la colère sont grandes à Choisy-le-Roi. Avec les élus du Val-de-Marne, avec le maire, avec les salariés,
j'interpelle solennellement le Gouvernement pour que tout soit entrepris afin, à la fois, d'inverser ce processus, d'exiger
que Renault conserve durablement la majorité d'actionnaires dans cette production, de favoriser l'implantation de la
nouvelle unité sur les terrains disponibles de Choisy-le-Roi - nous avons tout fait pour cela - et de garantir la substitution
d'activité dans l'usine actuelle, qui présente toutes les qualités requises pour une production de pointe.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Madame le sénateur, je comprends - comme je vous le disais déjà
en 1998 - votre inquiétude quant à la situation de l'usine de Choisy-le-Roi, qui vous est particulièrement chère. Souffrez,
madame, que je dise qu'elle m'est aussi particulièrement chère.
Mme Hélène Luc. Il faut que vous me le prouviez !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La direction de Renault envisage de conclure une alliance avec un partenaire,
afin, vous l'avez d'ailleurs vous-même indiqué il y a un instant, de développer l'activité de ressorts, actuellement exercée
sur le site de l'usine de Choisy-de-Roi.
Le Gouvernement attend comme vous d'une entreprise où l'Etat est actionnaire qu'elle développe à la fois
l'investissement et l'emploi. C'est un objectif qu'il faut continuellement rappeler, et que, d'ailleurs, l'entreprise Renault
satisfait actuellement.
Mais on attend également d'une entreprise qu'elle exerce, par des engagements précis, ses responsabilités lorsqu'elle
est insérée dans un environnement local où son poids spécifique joue un rôle particulier. C'est le cas de Renault à
Choisy-le-Roi.
Qu'en est-il exactement dans ce cas précis ?
Dans le cadre de l'alliance que j'ai évoquée, une nouvelle unité de production sera construite qui reprendra l'activité
actuelle en élargissant les débouchés industriels. Renault envisage de s'implanter à Lieusaint, à une vingtaine de
kilomètres du site actuel.
Ce projet est de nature à développer l'emploi, ce qui est positif, et à pérenniser une activité industrielle soumise à une
forte compétition, ce qui est également positif.
Mais, parce que vous m'en avez parlé et parce que vous avez évoqué la question par écrit avec M. Strauss-Kahn, mon
collègue des finances et moi-même sommes intervenus auprès du président-directeur général de l'entreprise Renault
pour plaider la cause de l'usine de Choisy-le-Roi.
Des engagements sont pris pour que l'Etat joue bien son rôle d'actionnaire. Vous comprendrez comme moi que, dans
ce cadre, si l'Etat ne peut pas dicter le choix entre deux sites voisins, il peut en revanche manifester son souci de
développement harmonieux de la commune de Choisy-le-Roi et exprimer son souhait de voir aborder l'avenir de l'activité
à Choisy-le-Roi en concertation permanente avec les élus locaux pour compenser la perte d'activité qui pourrait résulter
d'un éventuel transfert.
Cette demande a fait l'objet de correspondances de ma part et de celle du ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie à la présidence de l'entreprise. Cette dernière - j'ai sa lettre sous les yeux - a pris un certain nombre
d'engagements dans lesquels elle indique que les embauches envisagées par Renault dans le cadre des négocations
en cours sur la réduction du temps de travail à Choisy-le-Roi devraient, en cas d'accord, permettre de compenser les
départs occasionnés par le transfert de l'activité de fabrication des ressorts de suspension à Lieusaint.
Les autres activités, est-il dit ici sous forme d'engagement, demeurent sur le site actuel de Choisy-le-Roi : rénovation de
moteurs, commandes externes de boîtes de vitesse, fabrication de fils, fabrication de ressorts techniques.
Le président-directeur général de Renault, M. Schweitzer, indique encore qu'il a évoqué avec les élus locaux, bien en
amont, les conséquences de ce transfert. Il prend l'engagement qu'au cas où une opportunité d'affectation d'activités
nouvelles se présenterait, il demandera à ses équipes d'engager une réflexion afin d'en évaluer la faisabilité.
Je me propose, madame le sénateur, de continuer avec vous, comme nous l'avons déjà commencé ensemble, à
maintenir un lien fort et permanent avec l'entreprise Renault, afin d'étudier les moyens de développement de l'usine de
Choisy-le-Roi. En effet, s'agissant du développement de l'investissement et de l'emploi, ainsi que des responsabilités
particulières des grandes entreprises à l'égard de ce qu'on peut appeler, même en région parisienne, l'aménagement du
territoire, nous avons un travail commun à mener. Le Gouvernement n'y renoncera pas, et je sais qu'avec vous nous
pourrons sans doute obtenir une nouvelle approche qui permettra de développer l'activité de l'usine qui vous est chère.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse, qui confirme les courriers que j'ai reçus de M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du président-directeur général de Renault, ainsi que l'entretien
que j'ai eu personnellement avec le maire de Choisy-le-Roi et le secrétaire général de Renault, ne lève aucune de mes
inquiétudes quant au transfert de l'unité de production de ressorts et le gâchis humain, économique et social qui en
résulterait.
Je persiste à demander, conjointement avec les partenaires - qui ont tout autant la qualité d'experts que certains
décideurs financiers dont la vision étroite et à court terme a souvent entraîné les entreprises vers le déclin - que des
mesures soient prises en faveur de la préservation et du déploiement de l'activité de l'usine de Renault à Choisy-le-Roi.
Vous n'êtes pas sans savoir, je vous l'ai dit, que la raison invoquée pour refuser cette installation à Choisy-le-Roi est
fondée sur la situation géographique de l'usine Renault au bord de la Seine qui nécessite l'installation de pieux pour
consolider les structures. Cet argument manque de sérieux ! C'est un simple prétexte.
Un autre argument est avancé selon lequel le montant de la taxe professionnelle serait moins élevé en Seine-et-Marne
qu'en Val-de-Marne. Une grande entreprise comme Renault peut-elle s'arrêter à de tels arguments ?
Je demande qu'une véritable expertise sur les solutions possibles soit conduite. Il en va de la responsabilité de l'Etat,
premier actionnaire de Renault, de réaliser un montage industriel sérieux qui s'inscrive dans le respect des objectifs
déclarés du Gouvernement : maîtrise d'une production par la nation, création d'emplois, relance industrielle de la région
parisienne, équilibre urbain, aménagement du territoire harmonieux. Cette situation est une opportunité de mettre en
conformité les intentions et les actes et d'affirmer une véritable politique d'emploi de la gauche plurielle. N'oublions pas
que, si les Françaises et les Français ont voté en premier lieu pour la gauche plurielle, c'est d'abord pour lutter contre le
chômage.
J'insiste donc pour que le Gouvernement diligente l'expertise que je demande s'agissant du devenir de l'usine Renault à
Choisy-le-Roi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu ce qui vous tient à coeur, je l'espère, autant qu'à moi et, surtout, aux
salariés de cette entreprise. J'espère non seulement que nous resterons en contact, mais que vous pourrez convaincre
Renault de revenir sur sa décision d'installer son usine à Lieusaint. La décision n'étant pas encore définitivement
arrêtée, il est peut-être encore possible de reconsidérer la question. Il me paraît inconcevable que Renault n'investisse
pas à Choisy-le-Roi, qui a tout fait avec le conseil général pour mettre un terrain à sa disposition.

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