Question de M. HOEFFEL Daniel (Bas-Rhin - UC) publiée le 12/05/1999

M. Daniel Hoeffel attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur l'avenir de l'oeuvre Notre-Dame, fondation privée située à Strasbourg. L'oeuvre Notre-Dame a une histoire continue de près de huit siècles, son patrimoine le plus précieux est le savoir-faire et le talent de ses artisans ainsi que les techniques ancestrales des tailleurs de pierres qui, grâce au soutien de la ville de Strasbourg, ont pu pérenniser les techniques anciennes abandonnées, ailleurs, pour des raisons économiques. Les compétences techniques de l'oeuvre Notre-Dame sont unanimement reconnues, ce qui lui a permis de mener à bien jusqu'à présent la restauration de la cathédrale. Le dernier compromis prévoyait que deux tiers des travaux étaient confiés à l'Etat sous la direction d'un architecte en chef des monuments historiques et un tiers à l'oeuvre Notre-Dame, sous la direction de l'architecte en chef de l'oeuvre. Un terrain d'entente avait toujours été trouvé, et ce en dépit des vicissitudes de l'histoire de l'Alsace. Cette spécificité séculaire a su perdurer et être préservée pour entretenir le trésor du patrimoine universel que représente la cathédrale de Strasbourg, symbole fort de la culture et de la spiritualité européennes. Une nouvelle convention prévoit la nomination d'un architecte unique choisi par la ville parmi des professionnels proposés par l'Etat pour quatre ans renouvelables. L'absence d'architecte sur place va entraîner un certain nombre d'inconvénients : l'architecte des monuments historiques a en charge de nombreux monuments et missions dans d'autres régions françaises et risque de n'avoir matériellement pas le temps de s'occuper spécifiquement de la cathédrale comme il conviendrait que ce soit le cas. Il ne sera pas tenu compte de la spécificité de cet édifice prestigieux et le risque de changement fréquent d'architecture nuirait à la continuité de ce chantier. L'oeuvre Notre-Dame tire son existence de son pivot central représenté par le service d'architecture composé d'un architecte et d'une équipe d'ouvriers oeuvrant en permanence au chevet de la cathédrale. Il y va de l'existence d'un patrimoine considérable, legs de l'histoire. Il lui demande quelles sont les dispositions qui sont envisagées pour répondre à ces légitimes inquiétudes et interrogations.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 13/10/1999

Réponse apportée en séance publique le 12/10/1999

M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, ma question concerne la plus ancienne
institution municipale de Strasbourg, l'OEuvre Notre-Dame de Strasbourg.
D'abord responsable de la construction de la cathédrale, elle a depuis lors mission de la réparer et de l'entretenir. Avec
sa spécificité, cette fondation prestigieuse est la seule et unique de ce type à exister.
L'OEuvre Notre-Dame a une histoire continue de près de huit siècles. Son patrimoine le plus précieux réside dans le
savoir-faire et le talent de ses artisans, ainsi que dans les techniques ancestrales des tailleurs de pierres, qui, grâce au
soutien de la Ville de Strasbourg, ont pu pérenniser les techniques anciennes abandonnées ailleurs pour des raisons
économiques.
Les compétences techniques de l'OEuvre Notre-Dame sont unanimement reconnues, ce qui lui a permis jusqu'à
présent de mener à bien la restauration de la cathédrale. Le dernier compromis prévoyait que deux tiers des travaux
étaient confiés à l'Etat, sous la direction d'un architecte en chef des Monuments historiques, et un tiers à l'OEuvre
Notre-Dame, sous la direction de l'architecte en chef de l'OEuvre. C'est ainsi que de nombreux travaux ont pu être
réalisés avec art et talent par l'OEuvre Notre-Dame sur la cathédrale de Strasbourg.
Un terrain d'entente a toujours été trouvé, et ce en dépit des vicissitudes de l'histoire de l'Alsace. Cette spécificité
séculaire a su perdurer et être préservée pour entretenir le trésor du patrimoine universel que représente la cathédrale
de Strasbourg, symbole fort et de la culture et de la spiritualité européennes.
Une nouvelle convention prévoit la nomination d'un architecte unique, choisi par la ville parmi des professionnels
proposés par l'Etat, renouvelables pour quatre ans.
L'absence d'architecte sur place va entraîner un certain nombre d'inconvénients : l'architecte des Monuments
historiques, qui a en charge de nombreux monuments et missions dans d'autres régions françaises, risque de n'avoir
matériellement pas le temps de s'occuper spécifiquement de la cathédrale comme il conviendrait. Il ne sera pas tenu
compte - c'est un risque - de la spécificité de cet édifice prestigieux et les probables changements fréquents
d'architecte menacent de nuire à la continuité de ce chantier.
L'OEuvre Notre-Dame tire son existence de ce pivot central représenté par le service d'architecture, composé d'un
architecte et d'une équipe d'ouvriers oeuvrant en permanence au chevet de la cathédrale. L'existence d'un patrimoine
considérable, legs de notre histoire, en dépend.
Quelles sont, madame la ministre, les dispositions qui sont envisagées pour répondre à ces légitimes inquiétudes et
interrogations ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous remercie
d'avoir bien voulu évoquer, à travers votre question, l'accord, finalement intervenu le 28 juin 1999, entre l'Etat et l'OEuvre
Notre-Dame de Strasbourg, fondation de droit local. Cet accord concerne les travaux de restauration et d'entretien de la
cathédrale.
Je suis, vous le savez, extrêmement attentive à l'évolution de l'OEuvre, qui fut, pendant les périodes médiévale et
moderne, l'acteur principal de la construction et de l'entretien de la cathédrale.
Depuis Bonaparte, elle est dotée d'un statut qui la place sous administration de la ville de Strasbourg et qui affecte ses
revenus à la conservation de la cathédrale. C'est d'ailleurs ce qui explique que le budget de l'OEuvre Notre-Dame est
séparé et voté en tant que tel, même s'il fait l'objet d'une dotation particulière de la ville, qui l'administre, créant ainsi une
situation tout à fait spécifique en France.
Sur cet édifice majeur, classé parmi les monuments historiques, deux systèmes de travaux ont dès lors coexisté : une
partie assumée par l'Etat, propriétaire, sous la maîtrise d'oeuvre de l'architecte en chef des Monuments historiques et
de l'architecte des Bâtiments de France ; une autre partie assumée, en vertu d'une doctrine multiséculaire, par l'OEuvre
Notre-Dame sur certains travaux, avec ses équipes de maçons et de tailleurs de pierre, sous la maîtrise d'oeuvre de son
architecte en chef.
Cette double intervention constituait évidemment une ressource précieuse pour la cathédrale de Strasbourg, tant par la
qualité des personnels de l'OEuvre Notre-Dame que par l'importance des travaux effectués par cette dernière - je pense
notamment au plus remarquable, qui concerne la reconstruction de la tour de croisée de la cathédrale.
Ce dispositif présentait néanmoins, vous le savez, plusieurs inconvénients : l'OEuvre intervenait en effet sans base
juridique réelle sur l'édifice comme maître d'ouvrage des travaux ; par ailleurs, la dualité des maîtrises d'oeuvre nuisait à
la cohérence des interventions sur l'édifice, chacune ayant en charge une partie du bâtiment.
Le texte adopté par l'OEuvre Notre-Dame et l'Etat constitue une officialisation de l'intervention de l'OEuvre sur la
cathédrale de Strasbourg. Cet accord-cadre prévoit en effet que l'Etat lui confiera, à l'issue des réunions du comité
scientifique et du comité de pilotage institués en 1995, la maîtrise d'ouvrage d'une partie des travaux sur la cathédrale.
Le programme de ces interventions sera arrêté conjointement entre l'Etat et l'OEuvre Notre-Dame.
L'OEuvre conservera bien entendu ses équipes, mais un architecte en chef des monuments historiques, désigné
conjointement par elle et par l'Etat, sera maître d'oeuvre de l'ensemble des opérations de restauration, ce qui garantit la
cohérence des travaux, le calendrier et l'unicité de maîtrise d'oeuvre. Cette unicité de maîtrise d'oeuvre permettra dès
lors de mettre fin au « partage » de l'édifice et d'élargir à l'ensemble de celui-ci les interventions de l'OEuvre. Les deux
partenaires pourront ainsi mieux coordonner leurs efforts pour la réalisation de programmes communs.
Si elle ne disposera pas d'un architecte à plein temps, la cathédrale de Strasbourg continuera de bénéficier de la
présence permanente des équipes de l'OEuvre, comme, bien entendu, de la surveillance des services de l'Etat.
La disponibilité au service de l'édifice est par ailleurs l'un des éléments du choix de l'architecte commun et de la
décision de le reconduire dans ses fonctions à l'issue de ses quatre ans de mandat.
L'accord passé entre l'Etat et l'OEuvre Notre-Dame ne remet donc nullement en cause la pérennité de cette dernière,
mais consacre, au contraire, sa reconnaissance par l'Etat comme un partenaire institutionnel à part entière de la
restauration et de l'entretien de cet édifice insigne, en donnant à son action une base juridique qui n'existait, à ce jour,
que pour les aspects financiers et en élargissant le champ de ses interventions sur le monument.
Je suis heureuse de vous annoncer qu'un premier exemple en sera donné dès cette année avec la prise en charge par
l'OEuvre Notre-Dame d'importantes interventions d'urgence sur la flèche de la cathédrale, qui, aux termes de ce fameux
compromis, relevait de la part de l'Etat, alors que seule l'une des façades de la cathédrale revenait à l'OEuvre.
Par ailleurs, lorsque celle-ci effectuait des travaux d'entretien courant, voire des interventions d'urgence, elle suscitait
des contestations, faute de respecter la répartition des rôles et des responsabilités.
Je crois donc que cet accord est tout à fait positif. Nous allons observer sa mise en oeuvre à l'occasion des travaux qui
vont malheureusement cacher pour quelque temps la flèche jusqu'alors exposée aux regards des Strasbourgeois et de
tous les amoureux de cette cathédrale.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je voudrais simplement préciser que, le
passé ayant démontré son efficacité, le partage des tâches concernant cet édifice ne saurait être considéré comme
une tare en soi.
La spécificité de la cathédrale impose la disponibilité d'un architecte connaissant précisément les lieux et intervenant
dans la continuité plutôt que de manière sporadique. J'y vois là un élément essentiel pour la préservation de la
cathédrale. Il est des circonstances dans lesquelles tradition et efficacité ne sont pas forcément incompatibles !
Souhaitons que les éléments de réponse que vous avez donnés garantiront que se poursuivront à l'avenir, dans l'intérêt
de la cathédrale, des interventions aussi efficaces que celles qui ont été accomplies par l'OEuvre Notre-Dame au cours
des huit siècles passés.

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