Question de M. de RAINCOURT Henri (Yonne - RI) publiée le 07/05/1999

Question posée en séance publique le 06/05/1999

M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma
question s'adresse à M. le Premier ministre et à lui seul. Elle s'inscrit dans le prolongement de celles qui ont été
posées à l'instant par nos amis Jean-Patrick Courtois et Jean-Jacques Hyest.
M. Roland Courteau. On vient de vous répondre !
M. Henri de Raincourt. En effet, si le sujet ne prêtait à la gravité, le Sénat pourrait être tenté de penser que ce qui se
passe en Corse est une anomalie parmi les démocraties. (Sourires sur les travées du RPR.)
L'incarcération et la mise en examen d'officiers de gendarmerie, d'un préfet et de son directeur de cabinet sont
effectivement des événements d'une portée considérable.
Contrairement à ce qu'a affirmé un peu rapidement M. le Premier ministre, ce n'est pas une affaire de l'Etat, c'est, hélas
! une affaire d'Etat...
M. Henri Weber. Très fort !
M. Henri de Raincourt. ... et, par conséquent, le Gouvernement ne peut plus repousser sa responsabilité politique,
puisque c'est le coeur de l'Etat qui se trouve touché.
M. Philippe François. Très bien !
M. Henri de Raincourt. La représentation nationale est tout à fait dans son rôle lorsqu'elle demande au Gouvernement
de faire apparaître la vérité sur le fonctionnement de l'Etat et sur les agissements d'autorités civiles et militaires dont il a
la responsabilité.
MM. Louis Althapé et Philippe Marini. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Sur le plan judiciaire, madame le garde des sceaux, l'affaire semble suivre son cours, et je
vous en donne acte.
M. Claude Estier. C'est nouveau !
M. Jacques Mahéas. Ne « semble » pas, ce n'est pas comme avant ! Elle « suit » son cours !
M. Henri de Raincourt. Sur le plan politique, il faut maintenant reconnaître que le traitement prioritairement et presque
exclusivement répressif du dossier corse ne suffit pas pour restaurer l'Etat de droit.
M. Henri Weber. Nous y voilà !
M. Jean-Louis Carrère. Il y vient !
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Il faut construire des paillotes !
M. le président. Messieurs, je vous en prie ! Seul M. de Raincourt a la parole.
M. Henri de Raincourt. La progression sans précédent de l'aile la plus radicale du mouvement nationaliste lors du
dernier scrutin le prouve, un lien de confiance doit être patiemment tissé avec le peuple. Il est aujourd'hui rompu !
M. Jacques Mahéas. Et la droite, qu'a-t-elle fait en Corse ?
M. Henri de Raincourt. Soit on ne nous dit pas la vérité, soit le pays n'est pas gouverné. (Protestations sur les
travées socialistes.)
Comment restaurer l'exemplarité et l'autorité de l'Etat, bafouées aux yeux de nos compatriotes ? (Nouvelles
protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Henri de Raincourt. C'est à ce niveau-là que votre responsabilité politique est engagée, monsieur le Premier
ministre, et nous attendons toujours votre réponse.
Hier, le Gouvernement ne se disait ni responsable ni coupable.
M. Alain Gournac. C'est exact !
M. Henri de Raincourt. Aujourd'hui, il se reconnaît responsable, mais pas coupable.
M. Jacques Mahéas. C'est un peu court, de Raincourt !
M. Henri de Raincourt. Demain, sera-t-il responsable et coupable ?
A affaire d'Etat, responsabilité d'Etat ; à crise politique, solution politique.
Quelles conséquences entendez-vous donc tirer, monsieur le Premier ministre, de ce grave dysfonctionnement de l'Etat
et de ce manquement au droit ?
M. Michel Charasse. C'est l'hôpital qui se fout de la charité !
M. Henri de Raincourt. Quelles initiatives politiques allez-vous prendre pour sortir l'Etat par le haut de cette crise
politique majeure ?
J'ajoute, monsieur le président, que ma question s'adresse bien au Premier ministre et que je suis extrêmement surpris
- pour ne pas dire plus ! - de constater que celui-ci n'est pas présent parmi nous aujourd'hui. Y a-t-il une raison d'Etat
qui explique cette absence ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Si oui, peut-on nous la faire connaître ? Si non, je tiens à vous dire que, pour ma part, je
considère que c'est un affront fait au Sénat (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du
RPR ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées socialistes) et que, dans ces
conditions, j'inviterai mes collègues à quitter la séance. (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE. - Protestations sur les
travées socialistes.)
M. Claude Estier. Ce n'est pas sérieux !
M. le président. Qui répond à la question de M. de Raincourt ? Est-ce M. le minsitre chargé des relations avec le
Parlement, pour nous donner la justification de l'absence de M. le Premier ministre - que nous avions invité - ou est-ce
Mme le garde des sceaux ? (Mme le garde des sceaux demande la parole.)

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Réponse du ministère : Justice publiée le 07/05/1999

Réponse apportée en séance publique le 06/05/1999

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, tout d'abord, vous voudrez bien reconnaître, s'agissant de l'absence aujourd'hui de M. le Premier ministre,
que celui-ci a toujours été très assidu - ce qui n'a pas été toujours le cas avec ses prédécesseurs - aux séances de
questions d'actualité au Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen. - Vives protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean Chérioux. C'est faux !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je crois même, monsieur le président, que vous lui en avez vous-même
donné acte une fois ici.
Ensuite, sachez que M. le Premier ministre est retenu par des obligations (Lesquelles ? sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste)...
Un sénateur du RPR. Il est en prison ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... qui ne manifestent en aucune façon une désaffection vis-à-vis du Sénat,
vous allez le voir : il a souhaité, en effet, recevoir en ce moment même le préfet Lacroix, nouvellement nommé en
Corse,...
Un sénateur du RPR. Cela ne pouvait pas attendre une heure ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... précisément parce qu'il importe - et j'en viens maintenant à la première
partie de votre question -...
De nombreux sénateurs des groupes des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. Allez,
on s'en va ! (La plupart des sénateurs des groupes des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste se
lèvent et quittent l'hémicycle, sous les huées socialistes.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... que la politique du Gouvernement soit poursuivie en Corse.
Le Gouvernement ne peut pas être comptable des semi-vérités ou des entiers mensonges qui sont proférés, hélas ! par
des agents de l'Etat, car le fonctionnement de l'Etat repose sur le principe de loyauté. Et il est vrai que, lorsque ce
principe est méconnu, il y a une crise.
Cette crise, il faut la surmonter. Je vous ai indiqué tout à l'heure - et je le répète - comment nous voulons agir.
Nous avons pris les décisions qui s'imposaient, sur les personnes et sur le GPS. Nous avons la volonté de mettre en
place immédiatement les remplaçants : c'est le cas du colonel Rémy, pour la légion de gendarmerie en Corse ; c'est le
cas du préfet Lacroix, qui sera opérationnel très rapidement.
Enfin, nous poursuivons notre politique interministérielle en Corse pour faire en sorte que ce département ait droit non
seulement à la sécurité, à la paix et à une justice égale à celle que connaît le continent, mais aussi à la
reconnaissance de son identité culturelle et au développement économique. (Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Larché. Responsable, mais pas coupable !

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