Question de M. HAENEL Hubert (Haut-Rhin - RPR) publiée le 15/04/1999

M. Hubert Haenel demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir lui rappeler, de façon très complète, en indiquant les principes, les textes législatifs, réglementaires, les éventuelles circulaires, voire aussi les " us et coutumes du palais ", dans quelles conditions le cabinet d'un avocat peut faire l'objet d'une perquisition et les documents s'y trouvant d'une saisie.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 24/06/1999

Réponse. - La ministre de la justice porte à la connaissance de l'honorable parlementaire que l'article 378 du code pénal de 1810 est le premier texte relatif au secret professionnel qui, visant expressément les médecins comme étant dépositaires d'une information à caractère secret, a laissé le soin à la jurisprudence, au moyen d'une " clause générale d'incrimination ", de préciser les autres professions auxquelles pouvait s'appliquer cette disposition légale. L'abstension du législateur, qui a ensuite tardé à définir les conditions dans lesquelles les principes antagonistes des droits de la défense, du secret professionnel et de l'égalité devant la loi pénale devaient être conciliés, a abouti pendant près d'un siècle à laisser libre cours à la jurisprudence et aux usages locaux, sur un fond de controverses doctrinales. C'est seulement le code de procédure pénale de 1958 qui a prévu en son article 56, alinéa 3 de nouvelles dispositions concernant le pouvoir de perquisition par l'officier de police judiciaire en cas de crime ou délit flagrant en prescrivant de prendre " toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ". L'instruction générale du 17 février 1961 - article C. 105 du code de procédure pénale - a ensuite fait état de la necessité d'effectuer les perquisitions en présence du bâtonnier ou d'un représentant du conseil de l'ordre rappelant que " les droits de la défense seraient en effet violés si l'autorité judiciaire venait à prendre connaissance de documents confiés par des inculpés à leurs conseils ". La pratique s'est alors largement diversifiée. Si on a vu se développer dans le ressort du seul barreau de Paris une pratique qui donne au bâtonnier un rôle moteur, pour ne pas dire la maîtrise du déroulement de la perquisition, la plupart des autres magistrats, se fondant davantage sur la jurisprudence de la Cour de cassation, se faisaient assister du bâtonnier tout en exerçant eux-mêmes les prérogatives qu'ils tenaient de la loi. La conception très extensive du rôle du bâtonnier était en effet censurée, de la façon la plus nette, par la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans les arrêts Schiano du 24 mars 1960 (JCP.1960.2.11672) et Rochenoir du 5 juin 1975 (JCP.1976.II.18243). Tel était, dans ses grandes lignes, l'état du droit et de la pratique avant que les garanties résultant de l'article 56-1 du code de procédure pénale issu de la loi nº 85-1407 du 30 décembre 1985 ne viennent confier à un magistrat et à lui seul le soin de procéder à de telles perquisitions et exiger la présence du bâtonnier ou de son délégué. L'interprétation de ce nouveau texte donnée par la circulaire de la Chancellerie du 22 janvier 1986, selon laquelle il appartenait au magistrat de prendre lui-même connaissance des documents, sera contestée par l'Ordre des avocats de Paris. Une circulaire complémentaire du 25 juin 1986 viendra alors rappeler que les dispositions de ce nouvel article s'analysaient, en fait, comme les obligations minimales faites à l'autorité judiciaire et n'interdisaient pas à celle-ci d'aller au-delà dans la protection des droits de la défense, notamment lorsqu'elle avait déjà l'habitude de le faire. La loi du 31 décembre 1990 modifiant la loi du 31 décembre 1971 a confirmé le principe du secret professionnel en énonçant en son article 66-5 que " les consultations adressées par un avocat à son client et les correspondances échangées entre le client et son avocat étaient couvertes par le secret professionnel ". La possibilité de procéder à des mesures d'écoutes téléphoniques a également été consacrée par la loi du 10 juillet 1991 qui a précisé qu'aucune interception ne pouvait avoir lieu sur une ligne dépendant d'un cabinet d'avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction (art. 100-7, alinéa 2 du code de procédure pénale). La loi nº 97-308 du 7 avril 1997 a, par la suite, modifié l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 pour mettre un terme à la distinction opérée entre activité de conseil et exercice des droits de la défense et pour consacrer le fait que le secret professionnel recouvrait désormais toutes les activités de l'avocat. La ministre de la justice indique, en outre, à l'honorable parlementaire qu'un groupe de travail, auquel participent la Chancellerie et l'Ordre des avocats du barreau de Paris, est actuellement chargé de réfléchir aux solutions qui pourraient permettre de progresser sur la voie d'une meilleure conciliation des droits de la défense et du secret professionnel avec le respect du principe d'égalité devant la loi pénale. Le résultat de ces travaux fera l'objet d'une évaluation par la direction des affaires criminelles et des grâces.

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