Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - RI) publiée le 28/04/1999

M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la politique des transports et de la communication en Haute-Savoie. Après la catastrophe routière du tunnel du Mont-Blanc, cette question, avec ses corollaires, se pose une nouvelle fois : politique de diversification des modes de transports - c'est bien sûr le ferroutage - mais aussi, et surtout, politique de modernisation, de mise en sécurité et de développement des infrastructures routières et autoroutières. A toujours laisser le trafic routier se concentrer sur quelques axes limités qui deviennent vite des points noirs pour les populations riveraines et les usagers, une catastrophe peut malheureusement en cacher une autre. Transférer le trafic du tunnel du Mont-Blanc sur le Fréjus n'y changera rien. En réalité, c'est bien un redéploiement harmonieux du trafic sur tout le territoire qui doit être envisagé, non seulement pour résoudre le problème de la sécurité, mais aussi permettre à d'autres régions enclavées de sortir de leur asphyxie économique. Aussi se pose la question de savoir si l'Etat a les moyens financiers de résoudre à la fois les problèmes de sécurité et d'encourager le développement économique. On peut en douter alors que l'enveloppe de 105 milliards de francs annoncée par l'Etat pour le prochain contrat de plan Etat-Région sur 7 ans ne représente même pas, en proportion, l'équivalent de l'enveloppe financière engagée sur 5 ans dans le plan précédent. A fortiori, si l'Etat s'engage sur de nouvelles priorités comme les transports urbains ou le ferroviaire qui n'y figuraient pas jusqu'à présent. En Rhône-Alpes, faute de crédits suffisants, l'Etat n'a pu tenir tous les engagements pris dans le dernier contrat de plan. 4,5 milliards de francs devaient être engagés. En définitive, 2,2 milliards seulement ont été dépensés, en tenant compte des programmes spécifiques hors contrat de plan. C'est autant qu'il lui faudra reconduire dans le prochain plan. Trois exemples illustrent cette situation en Haute-Savoie : tout d'abord, la liaison Annecy-Faverges sur la RN 508 qui aurait dû être réalisée durant l'actuel contrat de Plan. La région Rhône-Alpes avait débloqué 60 millions de francs, mais l'Etat n'a jamais apporté l'équivalent. Peut-on espérer que l'Etat tienne enfin sa parole et, si oui, quand les travaux du tronçon Faverges-Ugine seront-ils engagés ? Après l'annulation du projet de l'A 400 par le Conseil d'Etat, le désenclavement du Chabiais se révèle d'une urgente priorité. Financer la réalisation d'une 2 fois 2 voies entre Annemasse et Saint-Gingolph au seul titre du contrat de plan serait de la poudre aux yeux tant les crédits sont notoirement insuffisants. A ce rythme, il faudrait 20 ans pour en venir à bout. Or l'économie locale ne peut plus attendre. Son développement économique et touristique réclame d'urgence une liaison digne de ce nom avec le réseau autoroutier. L'Etat va-t-il inscrire les financements nécessaires à cet effet ? Enfin, concernant l'aménagement de l'A 41 entre Cruseilles et Genève, rendu encore plus urgent et plus nécessaire par la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, a-t-il de nouvelles informations sur la position du Conseil d'Etat ? Avant d'engager l'argent public sur de nouvelles priorités, il souhaiterait savoir ce qu'il compte faire pour que l'Etat tienne d'abord les engagements pris, notamment en Haute-Savoie, dans le cadre du contrat de plan qui s'achève ?

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 19/05/1999

Réponse apportée en séance publique le 18/05/1999

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la politique des transports en
Haute-Savoie et vous faire part de mon inquiétude, qui est aussi celle de nombreux élus de mon département.
Après la catastrophe routière du tunnel du Mont-Blanc, la question, avec ses corollaires, se pose une nouvelle fois de la
politique de diversification des modes de transport - c'est, bien sûr, le ferroutage - mais aussi et surtout de la politique
de modernisation, de mise en sécurité et de développement des infrastructures routières et autoroutières.
A toujours laisser le trafic routier se concentrer sur quelques axes limités qui deviennent vite des points noirs pour les
populations riveraines et pour les usagers, une catastrophe peut malheureusement en cacher une autre. Transférer le
trafic du tunnel du Mont-Blanc sur le tunnel du Fréjus n'y changera rien.
En réalité, c'est bien un redéploiement harmonieux du trafic sur tout le territoire qui doit être envisagé, non seulement
pour résoudre le problème de la sécurité, mais aussi pour permettre à d'autres secteurs enclavés de sortir de leur
asphyxie économique.
Aussi se pose la question de savoir si l'Etat a les moyens financiers nécessaires pour à la fois résoudre les problèmes
de sécurité et encourager le développement économique.
On peut en douter, alors que l'enveloppe de 105 milliards de francs annoncée par l'Etat pour le prochain contrat de plan
Etat-région sur sept ans ne représente même pas, en proportion, l'équivalent de l'enveloppe financière engagée sur cinq
ans dans le plan actuel, a fortiori si l'Etat s'engage sur de nouvelles priorités, comme les transports urbains ou le
ferroviaire, qui n'y figuraient pas jusqu'à présent.
En Rhône-Alpes, faute de crédits suffisants, l'Etat n'a pas pu tenir tous les engagements pris dans le dernier contrat de
plan, à l'occasion duquel 4,5 milliards de francs devaient être engagés. En définitive, 2,2 milliards de francs seulement
ont été dépensés, en tenant compte des programmes spécifiques hors contrat de plan. C'est autant qu'il vous faudra
reconduire dans le prochain plan.
Je prendrai troix exemples pour illustrer cette situation en Haute-Savoie, exemples qui sont également l'objet de ma
triple question.
Tout d'abord, il s'agit de la liaison Annecy-Faverges, sur la RN 508, qui aurait dû être réalisée durant l'actuel contrat de
plan. La région Rhône-Alpes avait débloqué 60 millions de francs, mais l'Etat n'a jamais apporté l'équivalent. Peut-on
espérer que l'Etat tienne enfin sa parole ? Si oui, quand les travaux du tronçon Faverges-Ugine seront-ils engagés ?
Ensuite, après l'annulation du projet de l'A 400 par le Conseil d'Etat, le désenclavement du Chablais se révèle une
urgente priorité. Financer la réalisation d'une deux fois deux voies entre Annemasse et Saint-Gingolph au seul titre du
contrat de plan serait de la poudre aux yeux tant les crédits sont notoirement insuffisants, car, à ce rythme, il faudrait
vingt ans pour y parvenir. Or l'économie locale ne peut plus attendre. Le développement économique et touristique exige
d'urgence une liaison digne de ce nom avec le réseau autoroutier. L'Etat va-t-il inscrire les financements nécessaires à
cet effet ?
Enfin, concernant l'aménagement de l'A 41 entre Cruseilles et Genève, rendu plus urgent et plus nécessaire par la
fermeture du tunnel du Mont-Blanc, avez-vous de nouvelles informations sur la position du Conseil d'Etat ?
Avant d'engager l'argent public sur de nouvelles priorités, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, ce que vous
comptez faire pour que l'Etat tienne d'abord les engagements qu'il a pris dans le contrat de plan qui s'achève et si le
désenclavement du Chablais, certes par le fer, mais surtout par la route, reste bien une priorité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je répondrai tout d'abord aux
interrogations d'ordre général que vous avez formulées concernant l'enveloppe financière du prochain contrat de plan.
Vous faites erreur, monsieur le sénateur, quand vous dites qu'elle est inférieure à celle qui a été prévue dans le contrat
précédent. Même au terme d'une simple règle de trois sur sept-sixièmes - je vous le rappelle, le contrat précédent a été
allongé d'une année - la somme de 105 milliards de francs est supérieure à celle qui serait ainsi obtenue. Il ne s'agit
donc pas d'une enveloppe plus faible, bien au contraire.
J'en viens aux questions précises que vous avez posées, soucieux que vous êtes d'une meilleure répartition des flux
routiers.
A ma demande, M. Brossier a procédé à une analyse multimodale des problèmes de déplacement dans les Alpes et de
franchissement du massif. Son rapport conclut à la nécessité d'un rééquilibrage des flux de déplacement entre les
différents modes, compte tenu de la croissance prévisible du trafic, notamment de marchandises. A l'évidence, pour
aller de la France vers l'Italie, il faut traverser les Alpes !
La catastrophe du tunnel du Mont-Blanc ne fait que confirmer et rendre plus urgent ce rééquilibrage des flux entre les
différents modes et les points de franchissement du massif alpin.
J'ai donc demandé à M. Brossier d'approfondir cet aspect de son rapport pour aboutir à un ensemble de propositions à
mettre en oeuvre à court et à moyen terme.
J'attire à mon tour votre attention, monsieur le sénateur, sur la complexité d'un problème qui implique les trois pays
frontaliers, les huit pays signataires d'un traité international dit « convention alpine », et l'Union européenne, qui a
d'ailleurs elle-même adhéré à cette convention. Le traité prévoit notamment la réduction des nuisances et des risques
dans le secteur du transport interalpin. Une solution satisfaisante dépend donc non pas uniquement de la France, mais
de l'ensemble des pays concernés.
Pour ce qui me concerne, et dès le conseil des ministres des transports de l'Union européenne du 29 mars dernier, j'ai
proposé à mes collègues européens de réaffirmer l'absolue nécessité de maîtriser les flux de circulation. Vous
connaissez les mesures qui ont été prises afin d'éviter un simple report du trafic du tunnel du Mont-Blanc vers le tunnel
du Fréjus.
Les échanges commerciaux étant porteurs de croissance économique, il s'agit non pas de les freiner, mais de les
organiser et de fixer les règles de fonctionnement du marché des transports qui permettent une sécurité maximale et
qui prennent en compte la traversée de cette zone sensible.
Nous devons également soutenir plus fermement et de manière plus décisive le développement du transport ferroviaire
et des transports combinés, plus sûrs et plus économes de notre environnement. Cela implique le développement de
l'interopérabilité et l'amélioration des infrastructures afin de mettre en place un véritable réseau européen du fret, réseau
en faveur duquel j'agis au sein de la Communauté européenne.
Au plan national, j'ai également pris les mesures que l'urgence imposait, notamment les mesures de prévention des
risques compte tenu du report de trafic du tunnel du Mont-Blanc vers celui du Fréjus. Ainsi, une régulation du trafic a
été mise en place pour assurer un espacement suffisant entre les poids lourds dans le tunnel. De même, des
restrictions ont été apportées à la circulation des matières dangereuses. Enfin, j'ai demandé à la SNCF d'aider à
l'acheminement du fret à travers les Alpes, en liaison avec les opérateurs de transport combiné, ce qu'elle a fait sans
délai.
S'agissant de la réalisation de la déviation de Marlens sur la RN 508, entre Faverges et le département de la Savoie,
l'opération est inscrite au contrat entre l'Etat et la région Rhône-Alpes pour un montant de 120 millions de francs, dont
50 % sont à la charge de l'Etat et 50 % à celle de la région. La déclaration d'utilité publique a été prise à l'automne
1997, quelques mois après mon arrivée au Gouvernement. Je puis vous indiquer, monsieur le sénateur, que le projet
technique devrait être approuvé au premier semestre 1999, ce qui permettra aux travaux de ne subir aucun retard.
Toutefois, le retard accumulé dans l'exécution des contrats de plan Etat-régions par les deux gouvernements
précédents ne permettra pas d'honorer la totalité des engagements pris en 1994. Et cela est vrai sur l'ensemble du
territoire, puisque nous allons à peine atteindre les 80 %. Votre interrogation est fondée, monsieur le sénateur, mais
nous ne pouvons pas rattraper en deux ans le retard qui a été pris !
En 1997 et en 1998, le Gouvernement a donné la priorité à la poursuite des opérations inscrites à l'actuel contrat de
plan quand les travaux étaient déjà engagés. Cette position a été reconduite en 1999, ce qui ne donne pas la possibilité
de lancer, dans l'immédiat, de nouvelles opérations d'envergure comme celle de Faverges. Cependant, la réinscription
de cette opération sera examinée lors de la préparation du prochain contrat de plan Etat-région.
Pour ce qui concerne le désenclavement du Chablais, j'ai chargé le préfet de la Haute-Savoie, en mars 1998, à la suite
de l'annulation du projet de l'autoroute A 400 par le Conseil d'Etat - nous avons tout à l'heure eu l'occasion d'aborder
cette question de risque d'insécurité juridique - de conduire une consultation pour rechercher les solutions appropriées,
car il faut bien sortir de ce problème d'enclavement.
Une première phase de la consultation, fondée sur une étude intermodale des déplacements dans le Chablais, a permis
de faire apparaître les fonctions prioritaires à assurer.
Une deuxième phase a permis de définir un schéma d'aménagement qui recueille le quasi-consensus de la part des
élus et des représentants du milieu socio-économique. Cette consultation s'est conclue par une réunion plénière tenue
par le préfet le 14 décembre 1998.
Dans le schéma d'aménagement proposé, deux fonctions majeures et prioritaires ont été mises en évidence. Il s'agit,
d'une part, d'améliorer le raccordement de l'agglomération de Thonon-les-Bains-Evian vers l'ouest, à la fois sur le réseau
autoroutier et sur les réseaux ferroviaires et à grande vitesse. Il s'agit, d'autre part, d'assurer le contournement du pôle
Thonon-les-Bains-Evian jusqu'à l'entrée d'Evian.
Une fonction consistant à améliorer la liaison vers l'est avec la Suisse a également été identifiée.
Un nouveau mandat sera donc donné au préfet de la Haute-Savoie aux fins, d'une part, d'intégrer ce schéma dans les
autres démarches engagées et, d'autre part, de poursuivre les négociations sur le volet routier avec le conseil général et
les collectivités locales de la Haute-Savoie. Ce mandat permettra de rechercher des cofinancements et de définir les
maîtrises d'ouvrage des opérations d'aménagement.
Enfin - à question longue, réponse longue - vous avez également évoqué l'aménagement de l'autoroute A 41 entre
Saint-Julien-en-Genevois et Villy-le-Pelloux.
L'évolution du contexte juridique résultant notamment de l'interprétation du droit communautaire nécessite de procéder à
un examen approfondi de tous les termes de la concession et des actes qui l'entourent. C'est à cet examen attentif que
procède actuellement le Gouvernement.
Le lancement en grande masse des travaux suppose au préalable que la concession soit officiellement formalisée par la
publication du décret approuvant le cinquième avenant relatif à l'autoroute A 41. C'est pourquoi, par lettre du 28 mai
1998, j'ai demandé au président de la Société des autoroutes et tunnel du Mont-Blanc d'attendre l'issue de cette
procédure avant de poursuivre les travaux de cette autoroute.
Ces mesures de précaution ne signifient en aucune manière, je vous le confirme, monsieur le sénateur, l'abandon du
projet, dont le principe n'est pas remis en cause.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je tiens à remercier M. le ministre des réponses qu'il a bien voulu nous apporter sur des
questions à la fois complexes et précises.
Je salue sa volonté de ne pas retarder les choses, en souhaitant simplement que cette volonté se traduise très
rapidement dans les faits. C'est que, monsieur le ministre, ces dossiers sont vitaux pour la Haute-Savoie. Si notre
département est l'un des plus dynamiques du point de vue économique, c'est aussi parce que nous avons su le doter
d'axes de communication performants. Or, mais vous le savez mieux que quiconque, être à l'écart des grands axes de
communication, c'est aussi être à l'écart du développement économique, et donc de l'emploi.

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