Question de M. SÉRUSCLAT Franck (Rhône - SOC) publiée le 25/03/1999

M. Franck Sérusclat interroge Mme le ministre de la culture et de la communication sur le fort développement de la distribution, comme de la vente, de copies numériques musicales. Sa conséquence est un trafic illicite de milliers d'unités, en infraction au code de la propriété intellectuelle qui réprime pénalement la distribution, la diffusion et la revente de copies autres que celles effectuées par le copieur pour son seul usage privé. Ces copies s'effectuent soit à partir du support physique original, compact disque, soit à partir du téléchargement en ligne par Internet sur le disque dur d'un ordinateur ; elles ont une qualité identique à l'original, non dégradables et sont souvent réalisées sur des supports informatiques vierges vendus moins de dix francs l'unité, grâce à des graveurs de disques compacts qui ne coûtent que quelques milliers de francs ; elles sont alors souvent revendues trente à quarante francs. L'impact de ce trafic sur les ventes de disques émeut les professionnels de la musique, d'autant plus qu'il se répercute sur la rémunération des artistes-interprètes, des auteurs-compositeurs, des éditeurs et des producteurs phonographiques. En 1998, le marché du format court de disques a d'ailleurs baissé. Il lui demande, en conséquence, quelles mesures elle entend prendre pour mettre un terme à ces pratiques.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 24/06/1999

Réponse. - Les comportements illicites constituent une grave menace pour la création et la production de biens culturels et la lutte contre de tels comportements est une préoccupation majeure du gouvernement français. En effet, l'émergence de nouvelles techniques de reproduction et de communication donne une dimension nouvelle à la contrefaçon : elles facilitent la diffusion illégale des uvres ainsi que la fabrication et la diffusion de copies ne présentant pas de différence de qualité par rapport aux exemplaires licitement mis sur le marché ou diffusés sur les réseaux et qui sont reproductibles à l'infini sans perte de qualité. Ce problème se trouve très clairement posé en matière d' uvres musicales ainsi que le souligne l'honorable parlementaire. D'ores et déjà, la France est dotée d'un dispositif législatif et réglementaire répressif assurant un haut niveau de protection de la propriété littéraire et artistique dont la mise en uvre est assurée par les ayants droit, les sociétés de perception et de répartition des droits et les organismes professionnels habilités à constater la matérialité des infractions. Cependant, l'harmonisation des législations européennes est indispensable et sera assurée par la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. Ce texte, outre le haut niveau de protection qu'il consacre, donne une place centrale à la mise en uvre et à la protection juridique des mesures techniques visant à sécuriser la diffusion des uvres ainsi qu'à permettre l'information sur les droits. Le gouvernement français soutient ce projet de directive et encourage les titulaires de droit à mettre au point les solutions techniques permettant la protection la plus efficace contre la contrefaçon et participe à l'élaboration d'identifiants numériques normalisés, reconnus internationalement, aux côtés des ayants droit et de l'association française de normalisation (AFNOR). En outre, le Gouvernement français vient de marquer son soutien à la proposition de la Commission européenne, exprimée dans le livre vert sur la contrefaçon et la piraterie, d'un renforcement des moyens juridiques et pratiques sur le plan communautaire pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle, en particulier dans le contexte numérique. Les actes de contrefaçon sont cependant à distinguer de la copie effectuée pour l'usage strictement privé du copiste qui est, quant à elle, autorisée par les dispositions du code de la propriété intellectuelle. Compte tenu de la qualité parfaite de la copie numérique qui fait courir aux ayants droit le risque d'un préjudice bien supérieur à celui engendré par la copie analogique, le projet de directive modifié par le Parlement prévoit que la mise en place d'un droit à rémunération pour copie privée numérique doit être envisagée jusqu'à ce que le développement de moyens techniques efficaces permette aux titulaires de droit d'assurer la protection effective de leurs uvres et l'exercice d'un droit exclusif. Enfin, l'exception de copie à usage strictement privé du copiste ne peut pas servir de fondement aux commerces qui proposent en libre service l'utilisation des graveurs de compact disques vierges à des clients venant par exemple faire copier des phonogrammes. En effet, même si cela n'a pas encore été jugé en matière de copie privée numérique, la responsabilité du commerçant pourrait être reconnue comme cela a été décidé dans un cas analogue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 7 mars 1984 relatif aux libres services de reprographie. Les prochains Etats généraux du disque qui seront organisés en juin prochain permettront de faire un point précis avec les professionnels sur ces différents sujets fondamentaux pour une diffusion bien maîtrisée des uvres sur les réseaux et leurs prolongements.

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