Question de M. DESCOURS Charles (Isère - RPR) publiée le 03/03/1999

M. Charles Descours interroge M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale pour savoir quelle est la conduite à tenir, pour un médecin, en présence d'un mineur ou de l'un de ses parents, qui oppose un refus de se soumettre à une vaccination obligatoire. Faut-il, dans ce cas, considérer, en application de l'article 16-3 du code civil, qu'ilo existe un droit au refus de soins (Cass. Civ. 2e, 19 mars 1967) dans des situations où la vaccination est obligatoire ?

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Réponse du ministère : Ville publiée le 28/04/1999

Réponse apportée en séance publique le 27/04/1999

M. Charles Descours. Monsieur le ministre délégué à la ville, vous faites presque un one man show en remplaçant
votre collègue M. Bernard Kouchner ! Celui-ci accueille en ce moment même des réfugiés kosovars à l'aéroport de
Lyon-Satolas pour les confier au département de l'Isère, opération pour laquelle le conseil général a proposé, hier, de
voter une enveloppe de 1,5 million de francs.
Je regrette l'absence de M. Kouchner, puisque, sur quatre questions, une seule concernait votre département
ministériel et les trois autres s'adressaient à lui.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. C'est cela la solidarité gouvernementale !
M. Charles Descours. Nous sommes au demeurant ravis de vous voir parmi nous, monsieur le ministre !
C'est donc à vous que je m'adresse, en complétant ma question initiale, qui était de savoir quelle était la conduite à
tenir par un médecin en présence d'un mineur, ou de l'un de ses parents, qui refuse de se soumettre à une vaccination
obligatoire. Faut-il considérer dans ce cas, en application de l'article 16-3 du code civil, qu'il existe un droit au refus de
soins, comme semble le suggérer une décision de la Cour de cassation en date du 19 mars 1967 ?
Comme j'en ai d'ailleurs averti, par courtoisie, monsieur le secrétaire d'Etat, je vais donc ajouter un autre volet à ma
demande.
En effet, la décision prise par M. Kouchner de suspendre la vaccination contre l'hépatite B dans les collèges,
vaccination non obligatoire mais recommandée, et qui est maintenue pour les nourrissons, a entraîné une suspicion non
seulement à l'égard de la vaccination contre l'hépatite B, mais aussi, comme c'est souvent le cas en ce genre d'affaires
- et M. Kouchner le sait mieux que quiconque - une suspicion à l'égard de l'ensemble des vaccinations.
Aussi constatons-nous une chute des vaccinations anti-diphtérie-tétanos - poliomyélite de 15 % entre 1997 et 1998, M.
Kouchner ayant pris sa décision le 1er octobre 1997. Il est certain qu'aujourd'hui un certain nombre d'enfants ne sont
plus vaccinés contre des maladies que nous avions cru disparues de notre pays, comme la diphtérie, ou presque
disparues, comme le tétanos ou la poliomyélite.
Evidemment se pose le problème de la responsabilité pénale des médecins. Mais, au-delà, je voudrais rappeler au
Gouvernement qu'il est responsable de la santé publique et que la décision prise par M. Kouchner à l'égard de la
vaccination contre l'hépatite B peut entraîner à moyen terme des conséquences graves pour les jeunes adolescents.
Je voudrais savoir quelles conséquences en tirera M. Kouchner. Je vous remercie, monsieur le ministre, de lui
transmettre cette seconde partie de ma question. Au cas où il ne me répondrait pas d'une manière ou d'une autre, je lui
poserais de nouveau cette question à l'occasion d'une prochaine séance de questions orales. On pourra peut-être éviter
qu'il ne se fasse encore remplacer par vous, monsieur Bartolone ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, à votre question précise, je répondrai de
manière tout aussi précise.
L'article 16-3 du code civil, qui fonde le droit au refus de soins, ne peut être invoqué dans ces circonstances, en
application de la règle de droit : « les lois spéciales dérogent aux lois générales ».
En effet, le droit de la santé publique limite la liberté corporelle des personnes en rendant obligatoires certaines
vaccinations ; il s'agit des articles L. 6, L. 7, L. 7-1, L. 8 et L. 215 du code de la santé publique concernant,
respectivement, l'obligation de vaccination antidiphtérique, antitétanique, antipoliomyélitique, antityphoparatyphoïdique
et antituberculeuse, et de l'article L. 10 relatif aux vaccinations professionnelles. Le Conseil d'Etat a constamment
rejeté les recours contre ces obligations vaccinales, fondés sur la prétendue violation des libertés publiques qu'elles
constitueraient.
En vertu du devoir d'information prévu par l'article 35 du code de déontologie, devoir qui, selon la jurisprudence récente
de la Cour de cassation, pèse aussi bien sur le médecin prescripteur que sur celui qui réalise la prescription, un
médecin confronté à un tel refus doit informer son patient, outre des risques qu'il prend pour sa santé ou qu'il fait
prendre à son enfant, de ses responsabilités et des sanctions auxquelles il s'expose.
Les dispositions du code de la santé publique font peser l'exécution des obligations vaccinales sur les parents, les
tuteurs, les personnes qui ont le droit de garde ou les personnes titulaires de l'autorité parentale, qui sont tenues
personnellement responsables de cette exécution. Le médecin devra alors leur rappeler qu'il existe des sanctions en
cas d'infraction à ces obligations.
Tout d'abord, le décret n° 73-502 du 21 mai 1973 prévoit une amende et/ou une peine d'emprisonnement pour ceux qui
commettront une contravention à certaines dispositions du code de la santé publique, notamment aux articles L. 6 à L.
8.
L'article L. 217 du même code prévoit également des sanctions pénales pour quiconque refuse de se soumettre ou de
soumettre ceux sur lesquels il exerce une autorité parentale, ou dont il assure la tutelle, à la vaccination obligatoire
antituberculeuse.
Ensuite, une réduction des allocations familiales ou de l'allocation pour jeune enfant intervient lorsque, à l'occasion des
visites médicales obligatoires des neuvième et vingt-quatrième mois de l'enfant, les certificats de santé, dont une partie
porte sur l'exécution des vaccinations obligatoires, ne sont pas remplis ou ne le sont pas dans les délais prescrits ;
cela résulte des articles L. 6 à L. 8 et L. 164 du code de la santé publique, ainsi que des articles L. 534-2 et R. 534-4
du code de la sécurité sociale.
Enfin, la justification de l'exécution des obligations vaccinales doit être fournie lors de l'admission dans toute école,
garderie, colonie de vacances ou autre collectivité d'enfants, et le Conseil d'Etat estime que l'absence de ces
vaccinations justifie le refus d'inscription de l'enfant - ou son exclusion - dans un établissement scolaire ou d'éducation
public ou privé.
Ainsi, le médecin confronté à ce refus est tenu d'informer son patient de l'intérêt de la vaccination, de ses obligations et
des sanctions qui les accompagnent. Le patient ne peut, dans ce cas, se prévaloir du droit au refus de soins.
En ce qui concerne la seconde partie de votre question, monsieur le sénateur, j'en informerai bien entendu M. Bernard
Kouchner, afin qu'il puisse y répondre de manière précise.
En tant que spécialiste des problèmes de santé et de protection sociale, vous savez que nous sommes confrontés là à
une situation très difficile. Si M. le secrétaire d'Etat à la santé n'avait pas arrêté des mesures tirant les conséquences
de certaines informations qui avaient été portées à sa connaissance, concernant une vaccination précise, on aurait pu
le lui reprocher. Il a donc adopté une position d'attente. Cependant, si les chiffres que vous avez avancés sont
confirmés, des précisions seront apportées, afin que le message de santé publique que M. Bernard Kouchner a eu
l'occasion de délivrer à propos d'un risque sanitaire ne vienne pas amoindrir la nécessaire protection qui est due à la
population, notamment aux plus jeunes, et qu'assurent les différentes obligations vaccinales.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. S'agissant de la chute de la vaccination contre l'hépatite B qu'on a enregistrée à la suite de la
décision de M. Bernard Kouchner relative aux collégiens, je précise qu'elle a en fait concerné toute la population. Or on
sait quelles sont les conséquences à moyen et à long terme d'une hépatite B. En outre, on a également constaté une
chute de la vaccination contre l'hépatite A.
Je crois que M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale doit tenir compte de cette réaction, et je suis prêt à
en discuter avec lui, à l'occasion d'une audition par notre commission des affaires sociales ou en tout autre contexte.
Par ailleurs, je souhaiterais que, devant les rumeurs qui, de façon récurrente, mais plus particulièrement depuis
quelques mois, agitent notre pays, M. Kouchner fasse diffuser la réponse très précise qu'il m'a apportée par votre voix,
monsieur le ministre, auprès de tous les médecins, pédiatres ou généralistes, qui sont chargés des vaccinations pour
leur rappeler leurs droits et obligations en la matière ainsi que ceux et celles des parents : cela éviterait que ne
s'engagent parfois des dialogues un peu désagréables entre le médecin et certains parents.
D'ailleurs, en cas de refus de vaccination, il conviendrait sans doute de prévoir la possibilité, pour le médecin, d'avertir la
direction départementale des affaires sanitaires et sociales. Au demeurant, pour que les enfants concernés se voient
refuser l'entrée des établissements scolaires, il faut bien que le médecin ait informé une autorité du refus de la
vaccination opposé par les parents ou les tuteurs.

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