Question de M. GIROD Paul (Aisne - RDSE) publiée le 03/03/1999

M. Paul Girod attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la pénurie de psychiatres praticiens hospitaliers et plus particulièrement dans l'Aisne au centre hospitalier de Prémontré. En effet, le développement actuel de la psychiatrie publique hors les murs de l'hôpital et son application dans les soins apportés à des populations nouvelles (exclus, délinquants sexuels, toxicomanes), sont de plus en plus exigeants en temps médical. Or, la pénurie actuelle de psychiatres et leur inégale répartition sur le territoire national nuit au bon exercice de cette spécialité dans certaines régions et plus particulièrement dans les zones rurales. Le département de l'Aisne est malheureusement frappé de plein fouet par cette situation. Le centre hospitalier de Prémontré, établissement public de santé mentale, gérant la quasi-totalité des secteurs de psychiatrie du département (cinq secteurs sur sept de psychiatrie générale et trois intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile), souffre depuis déjà plusieurs années d'une pénurie structurelle de médecins. Les difficultés de recrutement font que, sur 55,3 postes créés, seulement 27,8 sont pourvus. Dans ces conditions, les fonctions de base de la psychiatrie publique peuvent difficilement être assurées. Il lui demande donc quelles mesures il entend prendre, dans le cadre d'une politique de santé mentale bien gérée, afin de permettre la couverture complète des postes créés et enrayer ainsi ce processus de paupérisation médicale patent.

- page 1242


Réponse du ministère : Ville publiée le 28/04/1999

Réponse apportée en séance publique le 27/04/1999

M. Paul Girod. Ma question s'adressait effectivement à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, mais il
n'est peut-être pas sans intérêt que ce soit M. le ministre délégué à la ville qui réponde, puisqu'elle porte sur les
hôpitaux psychiatriques. Ces hôpitaux, nos concitoyens y ont en effet malheureusement de plus en plus souvent
recours, compte tenu des conditions de la vie moderne, avec ses contraintes et ses familles plus ou moins désunies.
De ce fait, il faut plus de médecins psychiatres. A l'échelon national, leur nombre est relativement important, bien qu'il
soit insuffisant, comme par hasard. Mais, surtout, on enregistre des disparités flagrantes dans les affectations,
certaines zones étant véritablement en situation de déshérence.
Ainsi, l'hôpital psychiatrique de Prémontré, dans l'Aisne, qui couvre cinq secteurs de psychiatrie pour adultes et trois
secteurs de psychiatrie infantile, a un taux de couverture en médecins de l'ordre de 55 %. Si ce taux est satisfaisant -
81 % - pour les praticiens hospitaliers à temps plein, ce n'est que grâce aux postes pourvus par les assistants, qui
représentent plus du tiers des effectifs. En revanche, le taux de couverture tombe à 38,8 % pour les praticiens
hospitaliers à temps partiel, à 50 % pour les adjoints contractuels et à 40 % pour les internes. Cela implique que
l'hôpital n'est plus en état de répondre aux situations d'urgence.
Ma question est toute simple, monsieur le ministre délégué : envisage-t-on, à l'échelon national, une politique
permettant que certaines zones du territoire ne soient pas à ce point en déshérence par rapport à d'autres ?
Ce n'est pas parce qu'un département est rural qu'il faut croire qu'il s'y pose moins de problèmes. Il est donc déplorable
de constater que, jour après jour, l'hôpital de Prémontré perd de son efficacité, perd de sa pertinence. Nous craignons
beaucoup pour la santé de nos concitoyens.
Toute une série de pistes existent, - en particulier je suis donc content d'interroger le ministre délégué à la ville - la mise
en place, au niveau national, de classements de zones prioritaires, comme cela a été fait pour les villes. Peut-être un
seul classement permettrait-il d'éviter que certains départements ne se trouvent dans la situation lamentable de l'Aisne
aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention de M. Bernard
Kouchner sur les préoccupations des psychiatres hospitaliers concernant la démographie médicale hospitalière au
moment où le schéma régional d'organisation sanitaire, le SROS, arrête les grands axes de la politique hospitalière de
santé mentale.
A la suite du rapport du groupe de travail présidé par le professeur Nicolas, et après une longue concertation menée
depuis le printemps avec les syndicats, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et M. le secrétaire d'Etat à la
santé et à l'action sociale ont annoncé des mesures qui visent à améliorer la situation des praticiens hospitaliers et à
compenser la pénibilité dans les activités de soins continus.
Ces mesures consistent en la création de 600 postes d'assistants spécialistes au cours des trois prochaines années.
Le repos compensateur après la garde sera progressivement mis en place dès cette année.
Par ailleurs, le concours de praticien hospitalier va être réformé très prochainement - les décrets vont être soumis au
Conseil d'Etat - pour en simplifier les conditions d'accès et ainsi permettre qu'il soit ouvert à plus de médecins ; les
concours des praticiens hospitaliers à temps plein et à temps partiel seront unifiés.
La demi-journée d'activité d'intérêt général dont bénéficient les praticiens hospitaliers sera élargie à deux demi-journées
afin de leur permettre d'exercer d'autres activités telles que l'enseignement, la recherche, l'accréditation ou encore des
fonctions de responsabilité au sein de réseaux.
Enfin, une prime est instituée pour les praticiens hospitaliers dont l'activité est partagée sur plusieurs établissements.
Toutes ces mesures s'appliquent naturellement aux psychiatres hospitaliers et devraient aider à rendre plus attractive la
carrière hospitalière. En effet, rien ne servirait d'ouvrir des postes si l'on ne trouvait pas de médecins pour les occuper.
M. Charles Descours. Voilà ! C'est cela la question.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. La France compte aujourd'hui environ 11 500 psychiatres, dont plus de 5 000
en secteur public. Elle en comptait 8 500 voilà dix ans. Il est donc difficile de parler de pénurie. Nous formons 176
psychiatres par an, chiffre qui pourrait être augmenté si cela se révélait nécessaire pour assurer le renouvellement des
générations, la décroissance du nombre de psychiatres devant débuter à partir de 2007-2008.
Mais le malaise des psychiatres va sans doute bien au-delà du problème démographique.
La souffrance psychique liée au dysfonctionnement de notre société est de plus en plus manifeste et conduit de plus en
plus souvent à solliciter le psychiatre, qui se retrouve rapidement submergé de tâches multiples.
Par ailleurs, l'attractivité du secteur privé est aujourd'hui plus forte que celle du secteur public sur les jeunes
psychiatres. Il est donc particulièrement important de réfléchir à la redéfinition des tâches de chacun et à leur
articulation. Ce sujet, monsieur le sénateur, a d'ailleurs été au centre des discussions menées dans le cadre des états
généraux.
Martine Aubry et Bernard Kouchner seront particulièrement attentifs aux propositions qui leur seront faites pour que
l'ensemble de notre territoire soit correctement pourvu de ces praticiens qui sont indispensables en termes de santé
publique.
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je tiens tout d'abord à remercier M. le ministre de sa réponse, que j'ai écoutée avec beaucoup
d'attention, mais qui ne m'a semblé correspondre à ma question que dans la dernière phrase.
En effet, vous nous avez longuement parlé, monsieur le ministre, du statut général des médecins hospitaliers
psychiatres, ce qui est fort bien. Vous avez très longuement évoqué l'élargissement du « stock » disponible de
psychiatres en France. Parfait ! Mais vous ne m'avez pas répondu sur le fait que certaines régions se retrouvent avec un
déficit d'effectifs supérieur à 50 %, et c'est cela le vrai problème !
A la fin de votre propos, vous avez évoqué la répartition des praticiens sur l'ensemble du territoire... Très bien !
Mais il faut bien savoir que, pour l'instant, dans certaines régions françaises, la psychiatrie n'est assurée qu'à 50 %.
Ce que je vous demandais, c'est si vous envisagiez des mesures rapides sur un mode plus ou moins contraignant -
affectations prioritaires, définition de zones prioritaires ou toute autre forme - pour faire en sorte que les effectifs
remontent et qu'il soit mis un terme à cette vacance qui est en train de se créer dans un certain nombre de régions
françaises.
J'ai constaté que vous avez beaucoup de bonnes intentions, que les psychiatres vont voir leur cadre d'action et leur
statut améliorés, ce dont tout le monde se réjouira. Mais je voudrais que cela profite d'abord aux régions dans
lesquelles les déficits sont partiellement criants.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Monsieur le sénateur, j'ai bien entendu votre question, y compris le dernier
point que vous avez soulevé. Mais le Gouvernement ne peut pas raisonnablement vous dire d'emblée : voilà comment
nous allons tout d'un coup, d'un seul claquement de doigts, rendre plus attractifs les postes qui n'arrivent pas à être
pourvus.
C'est dans le cadre de la concertation qui est actuellement menée, notamment par M. Kouchner, que nous allons
essayer de définir des règles plus précises pour faire en sorte que des membres des personnels du monde de la santé
occupent des postes qui sont aujourd'hui délaissés dans un certain nombre de départements.
On ne peut parler d'aménagement du territoire de qualité si, pour une fonction aussi essentielle que celle de la santé,
les professionnels ne sont pas au rendez-vous. Cependant, une telle démarche relève de la négociation. Imaginez l'effet
que produirait dans le monde de la santé la définition, brutale et sans concertation, d'un numerus clausus à l'installation
plus draconien !

- page 2399

Page mise à jour le