Question de M. LEPELTIER Serge (Cher - RPR) publiée le 11/02/1999

M. Serge Lepeltier appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les difficultés qui peuvent apparaître entre, d'une part, la promotion d'une politique des déchets visant à freiner les tendances à la mise en décharge et à l'incinération, à accélérer le recyclage et le tri et, d'autre part, les réticences du monde agricole et des industries agro-alimentaires à utiliser des composts issus des déchets ménagers et assimilés. Alors que les consommateurs sont légitimement et d'une façon croissante sensibles aux impacts environnementaux, à la qualité des produits qui leur sont proposés, on observe, en effet, une défiance dans le traitement biologique des déchets et dans l'utilisation de fertilisants issus de ce traitement. L'exemple de l'épandage agricole concernant les boues de stations d'épuration ou d'autres déchets industriels et de l'évolution de la réglementation, avec le décret nº 97-1133 du 8 décembre 1997, est à cet égard significatif, même si l'on constate maintenant l'émergence d'un relatif consensus sur l'acceptation de l'épandage, dès lors que toutes les mesures sont prises pour minimiser les risques sanitaires. Concernant précisément les composts, il apparaît clairement que des mesures doivent être prises, de nature notamment à favoriser une cohérence réglementaire d'ensemble et à améliorer les normes techniques existantes. C'est pourquoi il lui demande quelles initiatives elle compte prendre en ce domaine afin de concilier la contradiction entre une politique des déchets qui se donne pour objectif la valorisation agricole et les diverses incertitudes qui freinent l'utilisation des composts.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 10/03/1999

Réponse apportée en séance publique le 09/03/1999

M. Serge Lepeltier. Voilà quelques mois, vous avez annoncé, madame la ministre, que certaines inflexions ou
réorientations seraient données à la politique des déchets en vue, d'une part, de réduire, notamment par le tri, la
quantité de déchets à la source et, d'autre part, de valoriser ces déchets.
S'agissant de l'accent qui a été mis sur la filière de la valorisation agricole et du compostage, je souhaiterais, madame
la ministre, attirer tout particulièrement votre attention sur la contradiction qui existe - elle pourrait, à terme, bloquer
totalement le système - entre l'objectif que vous affichez, qui est, je le crois, parfaitement louable, utile et intéressant,
et les multiples incertitudes qui pèsent, en pratique, sur l'utilisation des composts.
Je veux parler d'abord de la défiance manifeste d'un certain nombre de parties prenantes de la filière alimentaire, qu'il
s'agisse du monde agricole lui-même, d'opérateurs agroalimentaires, de distributeurs, mais aussi des consommateurs,
qui, très légitimement, sont de plus en plus exigeants sur la qualité des produits qui leur sont proposés. L'exemple de
l'épandage des boues de stations d'épuration me paraît significatif et se rapproche des problèmes que l'agriculture peut
rencontrer avec les composts.
Ainsi, le renforcement de l'encadrement réglementaire, avec, d'une part, le décret du 8 décembre 1997 et, d'autre part,
l'arrêté du 8 janvier 1998, n'a pas permis, au moins dans un premier temps, de lever toutes les interrogations et vous a
conduit, au début de l'année dernière, à mettre en place, conjointement avec le ministre chargé de l'agriculture, le
comité national sur les boues.
La confiance dans le traitement biologique des déchets et dans l'utilisation de fertilisants issus de ce traitement est au
coeur du débat.
Lors de votre communication au conseil des ministres du 26 août dernier, vous avez évoqué, madame la ministre, la
mise en place d'un cadre technique et réglementaire rénové pour la valorisation biologique des déchets, ainsi que votre
souci de l'information. Je souhaiterais donc, aujourd'hui, que vous nous précisiez vos intentions à ce sujet.
Comment pensez-vous revaloriser, en quelque sorte, l'image même des composts ? Quelles dispositions comptez-vous
prendre pour faire évoluer les normes techniques et sécuriser l'ensemble des partenaires concernés ?
Cependant, de nouvelles normes techniques ne risquent-elles pas, par ailleurs, de rendre obsolètes de nombreux et
récents systèmes de traitement des déchets, pour lesquels de gros investissements ont été réalisés ?
Comment une collectivité locale, une entreprise, peuvent-elles être assurées de pouvoir, à long terme, valoriser leurs
composts ? Si elles n'ont pas cette assurance, comment peuvent-elles développer un concept de valorisation agricole ?
Pouvez-vous enfin, madame la ministre, nous apporter des garanties sur l'indispensable transparence qui doit prévaloir
en ces domaines et les mesures que vous envisagez de mettre en oeuvre pour renforcer les débouchés, comme
l'attribution de labels aux composts de qualité ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, la
question de la valorisation biologique des déchets et de la sécurité alimentaire des produits issus de l'agriculture est
primordiale. La promotion de la valorisation des déchets en agriculture qu'il faut mener ne peut se faire que dans le strict
respect des conditions de sécurité alimentaire. Cela implique de rompre avec l'image ancienne des composts urbains
qui recouvraient des produits de qualité variable, parfois franchement mauvaise.
Il convient de rappeler que la mise sur le marché des composts en agriculture est soumise aux conditions et critères
définis par la loi du 13 juillet 1979 sur le contrôle des matières fertilisantes : critères d'innocuité à l'égard de l'homme,
des animaux et de l'environnement et critères d'efficacité.
Plusieurs initiatives ont été prises tant pour assurer la qualité des produits que pour promouvoir une valorisation saine
des déchets en agriculture.
Un groupe de travail visant aux conditions d'homologation de matières fertilisantes à base de produits résiduaires
propose de définir des critères homogènes et applicables à toutes les matières fertilisantes. Ces critères portent tant
sur les apports maximaux en éléments organiques que sur la présence d'agents biologiques.
La révision, en 1999, de la norme en vigueur - NFU 44051 - s'appuiera, en toute logique, sur les travaux de ce groupe et
reprendra les mêmes valeurs limites.
Ces initiatives doivent s'accompagner de la promotion de démarches « Qualité » appliquées aux filières de valorisation
biologique des déchets. C'est ainsi que les aides financières de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie, l'ADEME, aux investissements et opérations de compostage sont assujetties à la mise en place d'un club «
Qualité » associant utilisateurs et producteurs de matières organiques. Des dispositifs incitatifs sont à l'étude, visant à
soutenir l'établissement de plans d'action « Qualité » pendant les premières années de montée en puissance des
installations de compostage.
Enfin, l'ADEME participe à plusieurs programmes de recherche qui feront progresser la connaissance scientifique dans
ce domaine : programme européen QUALORG, programme AGREDE - agriculture, épandages de déchets et
environnement - de l'Institut national de la recherche agronomique.
L'ensemble de ces initiatives permettra, à terme, la mise en place des filières de valorisation biologique, de haute
qualité environnementale, qui devront assurer la redéfinition des critères de qualité d'un produit, le respect de ces
critères et une traçabilité des opérations de collecte, de traitement et d'épandage. Le véritable défi consiste non pas
seulement à assurer l'innocuité, mais aussi à reconquérir la confiance des agriculteurs et des industries
agroalimentaires, par la démonstration de l'efficacité agronomique des produits.
J'ai le sentiment que s'exprime depuis de nombreux mois une opposition idéologique aux matières fertilisantes
valorisant des déchets, quelles que soient les qualités de ces matières par ailleurs. Je souhaite que l'on établisse, en
partenariat avec toutes les parties concernées, les experts, les consommateurs, la profession agricole, la grande
distribution, les associations de protection de l'environnement,... une norme « produit » qui soit seulement édictée en
fonction de critères de risques et de qualité, quelle que soit l'origine de ces matières fertilisantes, et non pas sous le
coup de telle ou telle crainte passionnelle, voire intentionnelle. Il nous faut travailler avec sérieux, avec rigueur
scientifique, dans la transparence pour arriver à une solution satisfaisante pour tous et notamment pour tous les élus
qui développent un effort tout particulier, qu'il s'agisse du compostage des déchets ménagers ou de l'épuration des
eaux, qui s'assurent de la qualité des boues produites dans leur station et qui s'étonnent, souvent à juste titre, de
l'existence de telles craintes, rarement adossées à de véritables arguments scientifiques.
M. Serge Lepeltier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, qui répond à la crainte des élus locaux.
Je voudrais simplement, vous rejoignant tout à fait sur ce point, insister sur le fait que nous pâtissons quelquefois de
l'image ancienne des composts urbains. Or les collectivités locales ont fait, depuis maintenant de nombreuses années,
et font actuellement de gros efforts en la matière.
Vous avez évoqué une opposition d'ordre idéologique. Nous devons essayer de faire en sorte, les uns et les autres,
qu'elle soit dépassée parce que, sur le terrain, comme je le disais dans mon propos, le côté passionnel qui est mis
dans l'appréciation du problème bloque complètement le système.
Je voudrais insister sur l'urgence des mesures à prendre et, vous l'avez dit, sur les critères homogènes à trouver. Nous
devons en effet travailler sur des critères homogènes. Mais ce qui serait encore plus important, ce serait de donner des
garanties à long terme aux collectivités locales et aux agriculteurs. Nous entendons souvent exprimer la crainte
suivante : « Comment puis-je épandre sur mon terrain des résidus de boues de station d'épuration ou des composts
alors que la réglementation risque, dans deux ou trois ans, de changer, rendant impossible la commercialisation de
mes propres produits agricoles ? »
Je suis moi-même, en tant que maire, confronté à cette situation puisque, pour les boues provenant de ma station
d'épuration, je suis dans l'impossibilité, alors que je respecte la loi, d'établir des plans d'épandage, qui pourraient me
permettre de valoriser mon produit, qui est conforme aux normes.

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