Question de Mme BIDARD-REYDET Danielle (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 19/02/1999

Question posée en séance publique le 18/02/1999

M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
L'émotion suscitée par l'enlèvement, dans des conditions inacceptables, du responsable du parti des travailleurs du
Kurdistan, M. Abdullah Öcalan, est très forte. Portée évidemment par la communauté kurde, qui manifeste sa colère et
son désespoir, elle est partagée par tous ceux qui sont soucieux du respect du droit international. Et l'attitude des
services de sécurité du consulat d'Israël à Berlin est loin d'avoir apaisé la situation.
Le peuple kurde, jusqu'alors oublié de l'Histoire, subit depuis des décennies une répression particulièrement sanglante.
Quelles que soient les réserves portées dans le passé sur les méthodes du PKK, c'est aujourd'hui le problème de la
recherche d'une solution pacifique et politique à la question kurde qui est posé. Celle-ci est malheureusement étouffée
en Turquie. En témoignent, ces derniers jours, l'ouverture d'une procédure d'interdiction du parti de la démocratie et du
peuple, ainsi que les mesures d'intimidation et même d'emprisonnement prises à l'égard de journalistes et de
démocrates. Hier, le défenseur turc d'Abdullah Öcalan a été arrêté et ses avocats allemand et néerlandais ont été
refoulés à la frontière.
L'appartenance de la Turquie au Conseil de l'Europe et à l'OTAN ne doit pas la dispenser du respect des règles
élémentaires de dignité à l'égard de la personne humaine. Construire l'Europe, c'est affirmer les valeurs démocratiques
qui sont les siennes.
Quelles initiatives concrètes la France et l'Union européenne entendent-elles prendre pour exiger le respect scrupuleux
du droit de la défense par les autorités turques ?
La France va-t-elle demander que la peine capitale, interdite par la Convention européenne des droits de l'homme,
signée par la Turquie, soit exclue à l'égard de M. Öcalan ?
La France va-t-elle soutenir la présence d'observateurs internationaux lors du procès ?
Enfin, plus fondamentalement, quelle action la France et l'Union européenne prévoient-elles de mener en faveur du
règlement politique de la question kurde et, plus généralement, des droits de l'homme en Turquie ? (Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 19/02/1999

Réponse apportée en séance publique le 18/02/1999

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, M. Abdullah Ocalan, chef du parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, qui se trouvait au
Kenya, où il a été arrêté...
M. Henri de Richemont. Enlevé !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. ... est maintenant en Turquie, incarcéré par les autorités turques.
Depuis le 16 février, des manifestations de sympathisants ou de militants du PKK se sont produites dans plusieurs
pays européenns, avec parfois des conséquences tragiques.
En France, les locaux diplomatiques et consulaires ont été visés. Des actes de violence ont été commis.
Toutes les mesures ont été prises, en France, pour assurer la protection des locaux visés et prévenir de telles actions,
car nous ne pouvons pas tolérer la violence et les actes illicites.
Comme elle l'a dit dès le 16 février dernier, par la voix d'Hubert Védrine - dont je vous prie d'excuser l'absence, mais il
est aux Etats-Unis avec le Président de la République - la France attend de la Turquie qu'elle accorde à M. Ocalan
toutes les garanties dont un pays démocratique et un Etat de droit, membre du Conseil de l'Europe, comme vous le
soulignez, doit entourer la procédure qui va être engagée.
La France et ses partenaires de l'Union européenne ont toujours condamné les actes de terrorisme commis par le PKK.
Mais M. Ocalan a droit à un procès équitable, qui respecte les droits de la défense et se déroule dans la transparence.
Nous l'avons dit et nous le répéterons aux Turcs.
Quant à une approche européenne que vous avez appelée de vos voeux, vous savez que les relations avec la Turquie ne
suscitent pas toujours un consensus entre les Quinze, et c'est une litote. Nous allons parler de ces questions à quinze
très prochainement, dès lundi prochain, au conseil « affaires générales ».
S'agissant du règlement de la question kurde, la position de la France se résume en deux points, avant un plus ample
débat.
D'une part, il ne faut pas confondre la question kurde et le PKK.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Cette organisation a commis des actes de terrorisme que les pays de l'Union
européenne ont condamnés. Elle fait l'objet, en France même, d'une procédure judiciaire pour extorsion de fonds.
D'autre part, la France, comme l'Union européenne, a constamment abordé la question kurde avec les autorités turques
de façon très franche, très nette, mais dans le cadre des relations politiques. Ce problème doit être traité par un
véritable dialogue, qui permettrait d'accorder aux Kurdes des droits culturels, dans le respect de l'intégrité territoriale de
la Turquie ainsi que des Etats voisins.
Telle est la position que nous défendrons lundi prochain. (Applaudissements.)
M. Dominique Braye. Bravo !

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