Question de Mme CERISIER-ben GUIGA Monique (Français établis hors de France - SOC) publiée le 21/01/1999

Mme Monique Cerisier-ben Guiga appelle l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur le changement de statut de l'école franco-sénégalaise de Fann et Dial Diop à Dakar. En effet, ces écoles sont menacées de profonds bouleversements qui risquent d'en changer la philosophie. Créées sur la base d'une convention entre l'Etat français et l'Etat sénégalais, elles ont été, depuis près de trente ans, une référence de notre système éducatif en matière de coopération et de l'application de programmes scolaires biculturels. Les frais de scolarité des établissements du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) sont souvent hors de portée des familles françaises de Dakar. L'école franco-sénégalaise est une formule bien adaptée à leurs enfants. Elle lui demande de bien vouloir l'informer des projets de l'Etat Français relatifs à cette école et de l'avenir des enfants français qui y sont aujourd'hui scolarisés.

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Réponse du ministère : Coopération publiée le 01/04/1999

Réponse. - Les écoles franco-sénégalaises de Fann et Dial Diop de Dakar ont été ouvertes à la rentrée d'octobre 1972 à la fois pour répondre à la forte demande de scolarisation d'enfants sénégalais et pour regrouper les enfants français dispersés dans plusieurs écoles de Dakar. La scolarisation ainsi conçue était reconnue par les deux pays, avec la volonté de faire cohabiter pendant tout le cycle primaire des enfants des deux communautés. L'objectif, à l'époque, était de faire de cette expérience un " modèle " ayant vocation à s'étendre au système scolaire sénégalais. Le statut des deux écoles pilotes relève d'un avenant aux accords de coopération signés en 1972 entre la France et le Sénégal : celui-ci fixe le quota des élèves de nationalité française à 50 % et la contribution de la France à 60 % des effectifs du corps enseignant, la direction pouvant être indifféremment sénégalaise ou française. Ce système a donné satisfaction pendant de nombreuses années, mais l'évolution divergente des systèmes éducatifs sénégalais et français fait que le fonctionnement actuel des écoles franco-sénégalaises répond de moins en moins à la philosophie initiale ayant présidé à leur création : sur le plan pédagogique tout d'abord, les statuts prévoyaient que l'enseignement dispensé, défini d'un commun accord entre les deux gouvernements, permette une reconnaissance de plein droit dans l'un ou l'autre système. Or l'organisation scolaire est aujourd'hui profondément différente dans les deux pays : la durée du cycle primaire est de six ans au Sénégal contre cinq en France ; bien plus, le passage en classe de sixième est automatique en France, alors qu'il demeure très sélectif au Sénégal (environ 25 % d'admis). Cette organisation différente a des implications directes sur le contenu de l'enseignement, puisqu'un passage sélectif au collège entraîne de la part des maîtres une préparation intensive s'exerçant parfois au détriment de l'acquisition de méthodes et repères tels que préconisés dans les textes officiels français. Elle peut créer des situations paradoxales : tel élève non admis dans un établissement sénégalais en raison de son échec à un examen d'entrée en sixième, pourrait l'être automatiquement dans un établissement français. Sur le plan administratif ensuite, les enseignants français et sénégalais exerçant dans les écoles de Fann et Dial Diop ont des statuts et des rémunérations différents ; les enseignants français sont soumis à une double tutelle pédagogique et il leur est parfois difficile d'appliquer les textes français de la nouvelle politique pour l'école (conseils d'école, de maîtres et de cycle, projet d'école, livret scolaire n'existent pas systématiquement). Sur le plan de l'équité enfin, il convient de rappeler que la scolarisation des enfants dans l'une des deux écoles constitue un privilège pour les familles, qu'elles soient sénégalaises ou françaises. Les premières bénéficient d'un environnement matériel favorable (863 millions CFA sont dépensés chaque année - dont 750 à la charge de la France - pour les deux écoles, qui scolarisent 990 élèves : cela représente un coût unitaire vingt fois supérieur à celui d'un élève du même cycle d'enseignement au Sénégal. La France comme le Sénégal interviennent fortement pour maintenir la qualité de ces écoles, par des subventions de fonctionnement, mais surtout par la mise à disposition d'enseignants - dont 24 assistants techniques à la charge de notre pays). Les secondes bénéficient de l'absence totale de frais d'écolage alors que le système de bourse en vigueur dans les établissements de l'AEFE ne couvre généralement pas ceux-ci dans leur intégralité. Au total, après plus d'un quart de siècle de fonctionnement des deux écoles franco-sénégalaises, il faut bien constater que cette expérience n'a pu être étendue à l'ensemble du système éducatif national (la contrainte budgétaire explique largement cette situation). En outre, les moyens mobilisés par la France, notamment en ce qui concerne l'assistance technique, ne correspondent plus aux orientations de la coopération française qui intervient désormais dans le cadre de projets. Il n'est pas également de bonne gestion que l'aide publique au développement serve, même partiellement, à financer la scolarisation d'enfants français (la moitié des effectifs des deux écoles), alors que l'AEFE dispose à cet effet d'un budget dûment approuvé par le Parlement. Il apparaît donc nécessaire de faire évoluer les écoles franco-sénégalaises sur tous les plans, financier, administratif et pédagogique. Le ministère des Affaires étrangères mesure cependant pleinement le capital humain investi dans cette expérience originale et le souci des familles d'assurer l'éducation de leurs enfants dans la continuité : l'évolution sera donc progressive et concertée. Ainsi le renouvellement de la totalité des postes d'assistants techniques a-t-il été accepté. Ce n'est donc pas avant la rentrée d'octobre 2000 que des modifications du dispositif interviendront : ces modifications résulteront de propositions concrètes élaborées dans le cadre des discussions menées par les services de la coopération française au Sénégal avec les autorités nationales et en concertation avec les parents d'élèves. Ce département a toujours manifesté la plus grande attention pour les deux écoles franco-sénégalaises et il en soutiendra la nécessaire évolution avec le souci prioritaire de maintenir la qualité de leur enseignement et leur caratère biculturel.

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