Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 22/01/1999

Mme Hélène Luc demande à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie de bien vouloir l'informer des évolutions qu'il envisage d'impulser dans l'enseignement professionnel afin que celui-ci constitue véritablement une voie de la réussite en termes d'orientation, de contenu et de débouchés. Ainsi que le souligne le rapport qu'elle a présenté au nom de la Commission des affaires culturelles du Sénat le 27 novembre dernier, cet enseignement doit avoir vocation à assurer une insertion professionnelle de qualité tout en favorisant la poursuite éventuelle d'études ainsi que l'adaptabilité à l'emploi et aux changements de technologies. C'est pourquoi elle souhaite connaître la suite qu'il réservera aux avis et propositions contenus dans ce rapport et la politique qui en résultera en termes de décisions et de moyens nouveaux pour l'enseignement professionnel.

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 31/03/1999

Réponse apportée en séance publique le 30/03/1999

M. le président. La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 429, adressée à M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, dans les messages télévisés diffusés actuellement sur l'enseignement
professionnel, Aimé Jacquet exprime l'apport original de cette formation, en rappelant trois de ses acquis : un diplôme,
un métier, un emploi.
Cette formule s'inscrit pleinement dans la question que je pose aujourd'hui, qui s'appuie sur les analyses, avis et
propositions émises dans le rapport du budget de l'enseignement technique que j'ai présenté à notre assemblée au nom
de la commission des affaires culturelles, devant vous, monsieur le ministre, le 27 novembre dernier.
La question-clé qui demeure compte tenu du caractère positif de l'enseignement professionnel, enseignement dont ont
déjà bénéficié des centaines de milliers de jeunes et qui s'est adapté à des évolutions technologiques et pédagogiques
très importantes, est celle-ci : comment faire réellement de cet enseignement une voie pleine et entière de réussite ?
Cette réussite est nécessaire en termes d'orientation et d'affectation, de telle sorte que les élèves qui s'y engagent ne le
fassent pas par échec ou par défaut, mais par choix positif. Trop de jeunes, à chaque rentrée - j'en témoigne pour le
Val-de-Marne et même pour l'ensemble de l'académie de Créteil, notamment en Seine-Saint-Denis - n'ont pas, en dépit
du dispositif SOS rentrée, d'affectation, ou n'en ont pas dans la section choisie par manque de places ou de création
dans des spécialités pourtant souvent porteuses.
La question de ce qui se passe en amont de la formation est importante.
Cette réussite est aussi nécessaire en termes de contenu pour permettre à cet enseignement d'assurer à la fois la
qualification et la poursuite d'études par un équilibre entre la formation générale et professionnelle, cette dernière ayant
obligation d'intégrer toutes les mutations technologiques et de développer toutes les synergies et alternances
souhaitables avec les acteurs de la vie économique.
Des propositions d'évolution sont formulées dans la charte des lycées. Celle-ci inclut, je le souligne ici, un volet social
concernant un statut et des aides financières pour les lycéens professionnels, souvent issus de familles aux bas
revenus.
Cet ensemble est soumis à la concertation. Quelles informations, monsieur le ministre, pouvez-vous me donner à ce
sujet ?
Enfin cette réussite est nécessaire en termes d'insertion professionnelle, ce qui appelle l'adaptation permanente de
l'enseignement professionnel aux mutations des emplois et des métiers.
Comment le conseil national « éducation - économie - emploi », qui a été annoncé, va-t-il y contribuer ? Comment
envisagez-vous de faire évoluer l'équilibre et la cohérence des filières entre elles et le développement des passerelles
pour permettre à de nombreux jeunes de s'adapter en cours de carrière ou de poursuivre leur formation au mieux de
leurs talents ?
Tel est, monsieur le ministre, brossé à grands traits, le rappel des questions importantes concernant l'amélioration de la
qualité - et les moyens correspondants qui doivent en résulter - pour cet ordre d'enseignement. Celui-ci ne doit pas être
minoré dans les préoccupations de la nation vis-à-vis de son système éducatif, bien au contraire, car c'est une voie qui
doit être traitée à égale dignité par rapport aux autres.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que le soulignait Mme Luc dans son rapport pour avis sur les crédits de
l'enseignement technique pour 1999, j'ai effectivement la volonté de faire de l'enseignement professionnel la priorité des
priorités en ce qui concerne l'enseignement secondaire.
Comme elle, j'estime que cet enseignement est une voie exceptionnelle de réussite. Il a vocation à assurer une
insertion professionnelle de qualité tout en permettant la poursuite d'études, si nécessaire, et une adaptation continue à
l'emploi.
La voie professionnelle est une voie de formation à égale dignité avec la voie générale et la voie technologique et le
service public de l'enseignement professionnel constitue la référence majeure de ce secteur.
L'enseignement professionnel dispose aujourd'hui d'un potentiel considérable. Il est constitué de 1 800 lycées
professionnels, dont l'équipement est de grande qualité la plupart du temps, grâce à l'investissement des régions.
Ces établissements accueillent 708 400 élèves, dont 45 % de filles, et l'enseignement y est dispensé par 53 200
professeurs de lycées professionnels.
Les effectifs de l'enseignement professionnel continuent à croître, pas assez vite toutefois. Son offre de formation est
extrêmement variée et efficace sur le plan de l'insertion. Je rappelle - c'est assez intéressant - que, en 1997-1998, 350
diplômes différents ont été préparés par plus de 538 000 élèves en CAP et en BEP, dont 163 881 en baccalauréat
professionnel.
Cinq ans après la sortie du système éducatif, seuls 6 % des brevetés ou des titulaires d'un baccalauréat professionnel
sont au chômage. Il s'agit donc d'une voie exceptionnelle d'insertion.
L'enseignement professionnel doit être revalorisé, mieux connu et sans doute aussi un peu rénové, afin que les
meilleures initiatives soient étendues à l'ensemble de l'enseignement professionnel. Personnellement, je compte sur
l'ensemble de la représentation nationale, des élus, des professionnels, pour contribuer à cette rénovation et à cette
reconnaissance de l'enseignement professionnel, qui est sans doute l'une des meilleures parties de notre
enseignement.
Comme vous le savez, à la suite d'une table ronde animée par le recteur Marois, a été définie une charte de
l'enseignement professionnel. Evidemment, personne n'en parle puisqu'un consensus général s'est dégagé : les
syndicats, le MEDEF, la CGPME, tout le monde est d'accord sur cette charte. Mais inutile de vous dire que le sujet n'a
fait que trois lignes dans les journaux, alors que, s'il y avait eu une bataille acharnée, on ne parlerait que de cela !
Cette charte est fondée sur le principe d'une intégration de la formation générale et de la formation professionnelle et
d'une intégration généralisée des périodes en entreprise, l'ensemble faisant l'objet d'un contrat de dimension
pédagogique.
C'est le lycée professionnel qui met en oeuvre l'enseignement intégré, en partenariat avec les professions.
Une rénovation des diplômes a été entreprise avec, notamment, la mise en place systématique de la validation
diplômante des acquis professionnels, qui permettra véritablement d'organiser un va-et-vient entre l'école et l'entreprise
et, et surtout, de susciter l'espoir tout au long de la vie.
Par ailleurs, nous avons entamé une réflexion - vous l'avez évoquée - sur le statut des élèves des lycées professionnels
puisque la plupart d'entre eux ont un âge qui fait qu'ils sont déjà insérés dans la société et qu'ils ont parfois une famille.
Enfin, nous avons lancé une campagne - vous y avez également fait allusion - à laquelle l'ancien entraîneur de l'équipe
de France de football a apporté gratuitement son concours.
La mission E 3 - éducation, emploi, économie - qui va être mise en place, et qui n'est pas un simple conseil, va
permettre l'adaptation de l'offre de formation à l'environnement économique. Cette adaptation, qui, malheureusement, n'a
pas été réalisée jusqu'à présent, ne sera pleinement efficace que lorsque nous aurons mis en place des processus de
déconcentration, avec la vie des bassins de formation et des bassins d'éducation, car l'éducation nationale continue
d'être un mille-feuille sans cohérence verticale.
Aujourd'hui, l'enseignement professionnel - j'insiste sur ce point - ne manque pas de moyens, même si c'est
l'enseignement type pour lequel on ne cesse d'en demander davantage. Ce dont il manque, en réalité, c'est d'une
reconnaissance pleine et entière de la part de l'ensemble du pays. Il souffre de l'intellectualisme parisien, qui veut que
tout ce qui touche aux professions, aux métiers industriels, ne soit pas reconnu. C'est là une difficulté propre à tous les
pays latins puisque, vous le savez, le parlement italien débat en ce moment même d'une loi destinée à faire démarrer
l'enseignement professionnel.
Nous devrions probablement pouvoir attirer dans l'enseignement professionnel un tiers des élèves, voire plus. Il
conviendra toutefois de veiller à ne pas trop privilégier l'enseignement professionnel du tertiaire, qui, s'il est une bonne
chose dans certains secteurs, pose de petits problèmes d'insertion dans d'autres. Il faudra également veiller à ce que
l'insertion dans le tissu local soit bien assurée.
De ce point de vue, la collaboration avec les élus est absolument indispensable. C'est pourquoi il y aura, dans chaque
académie, des conseils de l'enseignement professionnel, avec un délégué et des élus, de façon à assurer une meilleure
intégration.
Nous avons un instrument qui est meilleur que celui de nos principaux concurrents. A nous de le valoriser.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Vous avez exprimé des positions qui traduisaient une volonté de faire évoluer positivement l'enseignement professionnel
pour le rendre toujours mieux à même de former efficacement les lycéens qui s'y destinent.
Aussi, vous comprendrez qu'avec les élèves, les enseignants et les familles nous en attendions avec impatience les
premières traductions, et ce dès la prochaine rentrée.
Vous venez de parler des sections qui ne mènent pas toujours à une profession. C'est vrai, il faut remédier à cette
lacune, mais je préfère encore un jeune dans une section qu'il a demandée et qui ne forme pas nécessairement à un
métier, qui reste donc à l'école, qui fait quelque chose, à un jeune dans la rue.
J'insiste pour que des décisions concrètes soient prises dès la prochaine rentrée scolaire. Des régulations devront être
opérées. Il faudra créer, en nombre suffisant et avec les capacités attendues, les nouvelles sections nécessaires.
Autrement dit, c'est dès maintenant que les recteurs doivent s'occuper de cette question.
D'ici là, une concertation avec tous les partenaires concernés devra être conduite, afin que les nouveaux projets
recueillent l'adhésion et l'engagement de tous. Il y va de la réussite de l'enseignement professionnel.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que cet enseignement professionnel manquait non pas de moyens mais de
reconnaissance. S'il est essentiel, c'est vrai, qu'il soit reconnu comme une voie à part entière de la réussite scolaire, il
convient tout de même - je suis moins optimiste que vous - qu'il soit doté de moyens supplémentaires.
Je me réjouis de la création des conseils d'enseignement de la formation professionnelle départementaux. Je vous
demanderai, le moment venu, monsieur le ministre, de déterminer comment vous pouvez informer le Sénat, ou du moins
sa commission des affaires culturelles, sur vos projets et sur leur concrétisation.

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