Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE) publiée le 25/12/1997

M. Rodolphe Désiré attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer sur les graves incidents qui se sont déroulés entre les marins pêcheurs martiniquais et des garde-côtes de l'île de Sainte-Lucie le 10 avril 1997. Depuis plus de dix ans, des incidents de plus en plus graves et regrettables entre pêcheurs martiniquais ou guadeloupéens et les garde-côtes des Etats voisins (îles d'Antigue, Dominique et Sainte-Lucie) émaillent l'actualité et ne trouvent aucune solution durable compte tenu de la complexité des problèmes posés par la délimitation des eaux territoriales de la zone. Il ressort des accords conclus avec Sainte-Lucie sans que ni Martiniquais ni Guadeloupéens n'aient été consultés (décret du 18 mai 1981 sur la délimitation des espaces maritimes) que les espaces marins de la Martinique et la Guadeloupe se trouvent enclavés par les eaux territoriales des Etats voisins. Dès lors, les pêcheurs de ces départements se trouvent gravement lésés notamment en matière de pêche sur les bancs de poissons migrateurs et si aucun accord de coopération ne devait intervenir pour trouver une solution avec les pays voisins, l'avenir de leur profession sera gravement compromis. Plus grave est le sentiment d'hostilité qui s'accentue à Sainte-Lucie vis-à-vis de la France et de la Martinique pour cause de non-réciprocité en matière de visas de séjour, les Martiniquais pouvant se rendre à Sainte-Lucie sans visa mais la réciproque n'étant pas valable. De plus, les rigueurs imposées par la nouvelle loi Debré sur l'immigration qui a récemment fait renvoyer chez eux des Saint-Luciens hospitalisés accroissent encore le sentiment de discrimination négative éprouvé par les Saint-Luciens. Il rappelle qu'il ne faut pas oublier que l'histoire de Sainte-Lucie et l'histoire de France sont étroitement imbriquées. Sainte-Lucie était une possession française jusqu'en 1815. Sa population, de même origine que la population de la Martinique avec qui elle a longtemps constitué une même province, ne peut comprendre qu'un tel sort lui soit réservé. C'est ce qui explique que les tolérances admises jusqu'à ce jour, notamment en matière de pêche, ne soient plus de mise pour les Saint-Luciens. Compte tenu de ces liens historiques entre Sainte-Lucie et la France (les jeunes Martiniquais qui rejoignaient le général de Gaulle jusqu'en 1943 étaient d'abord accueillis à Saint-Lucie pour être ensuite dirigés sur le front), le fait de laisser les accords de pêche à la seule compétence européenne n'est pas acceptable. Il rappelle qu'à plusieurs reprises ces dernières années, il a demandé au gouvernement français d'engager des pourparlers pour signer un traité avec les pays de l'OECS (Organisation économique des Etats de la Caraïbe Sud) en matière de coopération économique et culturelle et de lutte contre le trafic de stupéfiants, propositions restées jusque-là sans écho. Il persiste à penser qu'un traité de coopération spécifique avec Sainte-Lucie, aussi bien d'Etat à Etat que transfrontalière et impliquant les autorités martiniquaises de manière précise, est vital pour la Martinique. Par ailleurs sur le plan de notre représentation diplomatique à Sainte-Lucie, il est souhaitable qu'un service spécifique concernant la région Martinique soit mis en place à l'ambassade de France à Castries pour faire en sorte que les relations entre les deux îles soeurs débouchent sur les liens solides, rentables et favorables à leurs intérêts mutuels. Il demande enfin à M. le ministre ce qu'il compte faire pour que les négociations sur ; l'exploitation en commun des zones de pêche soient entamées avec Sainte-Lucie et la Dominique afin de mettre fin à ces incidents regrettables avant que la situation ne se détériore davantage.

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Réponse du ministère : Outre-mer publiée le 26/02/1998

Réponse. - Le Gouvernement a mis la coopération régionale à partir des départements d'outre-mer au rang de ses priorités, ainsi que l'a indiqué le Premier ministre dans son discours de politique générale du 19 juin 1997. Le Gouvernement est conscient des difficultés que rencontrent les marins-pêcheurs de la Martinique dans leurs relations avec les autorités des pays voisins et notamment Antigue, Dominique et Sainte-Lucie et entend prendre les mesures nécessaires pour y remédier et assurer les conditions du développement de ce secteur économique capital pour les départements français d'Amérique. Des instructions ont d'ores et déjà été données pour promouvoir la négociation d'accords de pêche avec les Etats voisins, qui sont le meilleur moyen de parvenir à satisfaire les revendications légitimes des marins-pêcheurs de Martinique, comme ceux de la Guadeloupe, en posant le cadre d'une coopération dont tout montre aujourd'hui la nécessité et l'intérêt. De tels accords relèvent toutefois sans ambiguïté, en vertu de l'article 210 du Traité de Rome et de la résolution du Conseil du 3 novembre 1976, de la compétence exclusive de la Commission européenne. Le Gouvernement a donc saisi la Commission afin qu'elle relance le plus rapidement possible les discussions avec les Etats de la Caraïbe, au premier rang desquels Antigue, Barbade et Sainte-Lucie aux fins de la conclusion d'un accord de pêche. Bien que ces accords, qui ne nécessitent pas l'établissement de délimitation des espaces maritimes, puissent être négociés avec les autorités de chaque Etat concerné, il n'est pas exclu d'envisager une négociation plus globale, rassemblant plusieurs Etats. L'OECS pourrait constituer dans ces conditions un interlocuteur privilégié. S'agissant des régimes de circulation entre Sainte-Lucie et la Martinique, la délivrance de visa de court séjour est effectuée par les services consulaires de l'ambassade de France à Sainte-Lucie, après consultation préalable du préfet. Le délai prévu pour cette consultation sera prochainement limité à 7 jours afin de faciliter les échanges entre Sainte-Lucie et les départements français d'Amérique, dans l'esprit de la remarque faite par l'honorable parlementaire. Plus généralement, le Gouvernement s'attache à développer la coopération régionale dans le bassin Caraïbe et les relations avec l'organisation des Etats de l'OECS. S'agissant en particulier de la coopération avec Sainte-Lucie, il convient naturellement d'aller au-delà des accords et conventions qui ont d'ores et déjà été conclus : convention sur la délimitation des espaces maritimes du 18 mai 1981 et accord de coopération culturelle, scientifique et technique signé le 5 décembre 1987. Cet effort s'inscrit toutefois dans un ensemble régional. La politique de coopération conduite par la France en direction des Etats des petites Antilles prend appui sur un large dispositif qui mobilise des moyens d'intervention variés : ambassade et mission de coopération à Castries qui couvrent l'ensemble des pays de l'OECS, poste d'expansion économique, agence de la Caisse française de développement à Fort-de-France. Par ailleurs, les actions financées par le Fonds interministériel pour la Caraïbe (FIC) associent partenaires étrangers et départements français d'Amérique. Le bilan des opérations effectuées et l'évolution en cours des structures d'intégration régionale et notamment l'adhésion de la France au titre de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane à l'Association des Etats de la Caraïbe (AEC) ratifiée par l'Assemblée nationale le 18 décembre 1997 appellent une réflexion nouvelle sur l'adaptation du dispositif de coopération régionale, à laquelle les élus seont associés. Le Gouvernement s'attachera à faire évoluer le dispositif de notre coopération pour offrir à nos voisins, au premier rang desquels Sainte-Lucie, un partenariat actif, guidé par les principes du codéveloppement. En ce qui concerne le problème spécifique de la lutte contre la drogue, une coopération active existe au niveau régional, notamment grâce aux actions de formation réalisées par le Centre interministériel de formation anti-drogue (CIFAD) de Fort-de-France. Par ailleurs, un projet d'accord franco-américain est en cours d'élaboration afin de lutter contre le trafic de drogue par voie maritime dans les Caraïbes. ; 18 décembre 1997 appellent une réflexion nouvelle sur l'adaptation du dispositif de coopération régionale, à laquelle les élus seont associés. Le Gouvernement s'attachera à faire évoluer le dispositif de notre coopération pour offrir à nos voisins, au premier rang desquels Sainte-Lucie, un partenariat actif, guidé par les principes du codéveloppement. En ce qui concerne le problème spécifique de la lutte contre la drogue, une coopération active existe au niveau régional, notamment grâce aux actions de formation réalisées par le Centre interministériel de formation anti-drogue (CIFAD) de Fort-de-France. Par ailleurs, un projet d'accord franco-américain est en cours d'élaboration afin de lutter contre le trafic de drogue par voie maritime dans les Caraïbes.

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