Question de M. DUPONT Ambroise (Calvados - RI) publiée le 16/12/1997

M. Ambroise Dupont appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences de la mise en culture du maïs transgénique sur le territoire français. Le Gouvernement vient d'autoriser la culture d'une variété de maïs génétiquement modifiée pour résister aux insectes. Certes, différents comités scientifiques ont réaffirmé son innocuité mais bien des incertitudes demeurent sur un sujet aussi délicat qui touche à la fois notre santé et notre environnement. La question se pose, en effet, d'évaluer si, enrichi par de nouveaux gènes, le patrimoine des plantes ne serait pas susceptible de connaître en milieu naturel des évolutions imprévues et de transmettre à d'autres espèces, végétales ou animales, des propriétés indésirables. La récente décision du Gouvernement de surseoir à l'autorisation de nouvelles plantes transgéniques contenant des gènes de résistance aux antibiotiques montre combien il est nécessaire de considérer les effets induits par ces produits avant toute mise sur le marché. Par ailleurs, concernant l'étiquetage, il s'interroge sur les moyens de certifier la présence ou l'absence d'organismes génétiquement modifiés alors que certains producteurs étrangers, qui exportent vers l'Europe, refusent de séparer leurs variétés transgéniques des variétés normales (pour le soja, par exemple). Regrettant que le Gouvernement organise un débat national sur ce sujet après avoir pris sa décision, il lui demande quelles dispositions il compte prendre pour ne pas se cantonner à un débat d'experts, et éclairer les consommateurs de manière impartiale.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 14/01/1998

Réponse apportée en séance publique le 13/01/1998

M. Ambroise Dupont. Le Gouvernement vient d'autoriser la mise en culture du maïs transgénique sur le territoire
français, après que différents comités scientifiques ont réaffirmé sont innocuité.
Vous avez voulu agir dans un souci de cohérence, monsieur le ministre, puisque l'importation de ce maïs en provenance
des Etats-Unis était déjà autorisée, ce qui créait évidemment une distorsion de concurrence pour les producteurs français.
Cependant, bien des incertitudes demeurent sur un sujet aussi délicat, qui touche à la fois à notre santé et à notre
environnement.
Ainsi, le maïs transgénique contiendrait un gène marqueur de résistance aux antibiotiques. N'y a-t-il pas là un problème,
alors même que l'on est de plus en plus préoccupé par le développement des résistances aux antibiotiques ? Et qu'en
sera-t-il des produits issus d'animaux ayant été nourri avec ces plantes transgéniques ?
La récente décision du Gouvernement de décréter un moratoire sur les autres plantes génétiquement modifiées, comme le
colza ou la betterave, montre combien il est nécessaire de considérer les effets induits par ces produits avant toute mise
sur le marché ; c'est pourquoi j'approuve cette décision.
L'étiquetage est un autre problème. Les consommateurs ont le droit de savoir si les produits qu'ils achètent contiennent ou
non des organismes génétiquement modifiés, des OGM. Or, malgré la directive communautaire rendant l'étiquetage
obligatoire depuis le 1er novembre dernier, le plus grand flou règne, car les décrets d'application n'ont toujours pas été
publiés.
Par ailleurs, comment sera-t-il être possible de certifier la présence ou l'absence d'OGM alors que certains producteurs
étrangers qui exportent vers l'Europe refusent de séparer leurs variétés transgéniques des variétés normales ? C'est le cas
du soja, par exemple.
Vous nous annoncez maintenant un débat national sur le sujet, alors que votre décision est prise. N'aurait-il pas été
beaucoup plus judicieux de commencer par là, d'autant que les questions de sécurité alimentaire sont devenues très
sensibles dans l'opinion ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous donner des indications un peu plus précises sur les conséquences d'une
décision qui engage les générations futures.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, alors que la culture des plantes
transgéniques se développe dans le monde, la mise sur le marché de ces plantes en Europe est objet de débats, ainsi que
l'illustre votre question.
Le précédent gouvernement avait décidé, en février dernier, de surseoir à la mise en culture à des fins commerciales de la
première variété de maïs génétiquement modifiée tout en autorisant sa consommation et, par voie de conséquence, son
importation, vous l'avez vous-même précisé.
Le maïs n'ayant pas, en Europe, de forme sauvage avec laquelle il pourrait échanger des gènes, il ne présente donc pas de
risque de nature environnementale. C'est pourquoi, afin de mettre en cohérence l'ensemble du dispositif, le Gouvernement
a récemment décidé d'autoriser la mise en culture du maïs auquel vous faites référence, conformément d'ailleurs aux avis
des différentes institutions scientifiques consultées.
Le problème des plantes génétiquement modifiées ne saurait être abordé à partir de considérations générales. Des plantes
peuvent, bien évidemment, transmettre des gènes à des plantes sauvages : la betterave ou le colza, par exemple. Les
conséquences de ce transfert dépendent du caractère introduit et donc de la nature du gène. C'est pourquoi la seule façon
rationnelle d'aborder la question des plantes génétiquement modifiées est de le faire au cas par cas.
Le principe de précaution doit s'imposer avant toute décision et une autorisation de mise en culture ne peut intervenir que
lorsque les risques de dissémination de gènes dans l'environnement ou les risques sanitaires pour les consommateurs sont
parfaitement maîtrisés.
Certains types de plantes génétiquement modifiées sont testés en plein champ depuis cinq à dix ans. Dans ce contexte,
aucun phénomène inquiétant pour les cultures ou pour l'environnement n'a été observé. Mais, comme vous le soulignez à
juste titre, en vertu du principe de précaution, l'échelle limitée des essais impose de considérer ces conclusions comme
temporaires.
C'est pourquoi, en vue d'essais à plus grande échelle ou de mises sur le marché conditionnelles, est créé un dispositif de
biovigilance.
Ce dispositif a pour objet d'assurer un suivi constant des plantes transgéniques grâce au recueil de paramètres ; leur
analyse permettra de préciser la nature des évolutions éventuelles et conduira à confirmer ou à infirmer les théories
scientifiques actuelles. Le cas échéant, les résultats de la biovigilance nous amèneront à remettre en cause les autorisations
accordées.
S'agissant des consommateurs, ceux-ci sont informés, lorsque des produits contiennent des OGM, conformément aux
dispositions du règlement communautaire sur les « nouveaux aliments ». Pour les produits provenant de pays tiers qui ne
séparent pas les variétés génétiquement modifiées des autres, un étiquetage est prévu en application de ce règlement.
Il est clair que le débat sur les biotechnologies a été trop étroit et trop confidentiel jusqu'à maintenant. Pour prendre en
compte les aspects éthiques, environnementaux et sociaux, de nouvelles formes d'élaboration des décisions doivent être
imaginées.
Les conférences citoyennes de consensus déjà expérimentées dans un certain nombre de pays européens, comme le
Royaume-Uni ou le Danemark, peuvent répondre à la demande de débat public sur des sujets de ce type.
La représentation nationale sera pleinement associée à cette démarche puisque c'est l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques qui a proposé d'organiser un tel débat. L'Office s'est récemment saisi d'une étude
sur la connaissance et l'utilisation des gènes.
Prolongeant ses travaux, l'Office parlementaire organisera au printemps prochain une conférence de consensus ouverte et
transparente. Les conclusions de cette conférence pourront m'amener à prendre des décisions organisationnelles adaptées
au dossier des organismes génétiquement modifiés.
M. Ambroise Dupont. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup de la précision et de la qualité de votre
réponse. Elle fait le point, me semble-t-il, sur ce problème très sensible aux yeux de l'opinion.
Il me paraît important qu'un vaste débat public puisse avoir lieu afin que tous nos concitoyens s'y sentent associés et qu'il
ne concerne pas les seuls scientifiques.
Je persiste cependant à penser que le respect du principe de prudence aurait dû conduire à reporter la décision
d'autorisation de mise en culture du maïs à l'issue de ce débat.
J'aurais aimé que vous nous indiquiez la forme que prendra cette concertation, mais je suppose que nous en connaîtrons
les détails dans un avenir proche. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous apportiez le plus rapidement possible
des précisions à cet égard.
Les consommateurs seront sans nul doute très attentifs au dispositif de « biovigilance » mis en place pour les différents
types de plantes transgéniques autorisés, ainsi qu'à la remise en cause éventuelle des autorisations accordées, en cas de
nécessité. Il s'agit là d'un principe de précaution élémentaire.
Le problème de l'étiquetage est particulièrement aigu. Vous avez bien voulu préciser que les mentions ad hoc devaient
figurer sur les étiquettes des produits concernés. Cependant, ne peut-on craindre que l'abondance d'informations ne nuise
à leur clarté ? Chacun a-t-il bien conscience de la place de ces organismes dans les produits qu'il consomme ? Il faut
impérativement faire cesser le flou qui règne en la matière et assurer l'information claire à laquelle chacun a droit.
Il est évident que cette question ne s'inscrit pas dans un débat idéologique et qu'elle ne doit pas relever d'une sorte de «
grande peur » de l'an 2000 ; l'actualité le prouve : trois manifestants vont être jugés le 3 février et un article d'un grand
quotidien du soir s'interrogeait récemment sur les effets de ces plantes transgéniques.
Il reste que les interrogations qui sont soulevées à ce sujet rejoignent l'intuition, qui n'est peut-être pas fondée mais qui est
largement répandue, selon laquelle beaucoup des possibilités qu'offre aujourd'hui la technique ne se traduise pas
nécessairement par de vrais progrès pour l'homme.
C'est pourquoi il convient, en la matière, d'appliquer pleinement le principe de précaution : le développement durable
trouve là toute sa dimension.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je veux simplement vous préciser, monsieur Dupont,
que le président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques prépare très activement la
conférence citoyenne de consensus qui se tiendra au printemps et que, bien entendu, les représentants du Sénat au sein de
cet organisme seront, s'ils ne le sont déjà, bien entendu, informés des préparatifs de ce qui sera pour nous un moment fort
dans la réflexion sur les OGM.

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