Question de M. RENAR Ivan (Nord - CRC) publiée le 12/12/1997

Question posée en séance publique le 11/12/1997

M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à
Mme la ministre de la jeunesse et des sports.
Une fois de plus - une fois de trop ! - une vie d'adolescent a été fauchée, victime de la délinquance et de la violence. Cela
est d'autant plus insoutenable que la victime comme les meurtriers appartiennent au même monde, celui de la jeunesse. Le
drame est double : un jeune est mort et c'est un autre jeune qui l'a tué.
Il serait injuste d'identifier la jeunesse à la violence. Cela étant, la montée de ce phénomène chez les jeunes inquiète. Elle
interpelle !
Mais comment également ne pas s'interroger sur les raisons de cette perte des valeurs les plus essentielles, de cette
incivilité poussée parfois à l'extrême, jusqu'à la négation de l'être humain ?
Souvent, à l'origine de la violence se trouve la souffrance sociale. Accablé de chômage, de pauvreté, d'injustices, de
difficultés, d'angoisses, le jeune en attente d'âge d'homme peut se prendre à douter de tout, à douter de soi.
Quand la famille, l'école, le travail perdent leur rôle de socialisation, il ne reste que la rue, où ne règne que le rapport de
force, sans repères, sans interdits.
Comment ne pas voir dans ce rejet de l'autre le reflet, la conséquence de sa propre exclusion ?
Comment ne pas voir dans la négation de la dignité d'autrui une vengeance à sa propre dignité bafouée ?
Cela n'excuse pas l'inexcusable, mais cela doit nous aider à comprendre pour agir. La violence prend naissance à la racine
de la société.
Les jeunes, quand on les interroge, parlent souvent de la société comme d'un monde sans pitié. Comment créer un monde
humain qui respecte le genre humain ? La question nous est posée à tous.
Des premières mesures immédiates ont été prises par le Gouvernement. Il fallait le faire ; la police et la justice doivent
pouvoir faire leur travail.
Mais le plus dur reste à accomplir : donner une autre place et un autre rôle à la jeunesse dans notre société ; offrir un
nouvel horizon aux jeunes, autre que les murs du quartier, de la cité, autre que le chômage, que le mépris et la peur de
l'avenir ; créer les conditions d'une nouvelle citoyenneté, faite de droits et de devoirs, bien évidemment, mais aussi de
dignité, de respect pour soi-même et pour les autres.
La tâche n'est pas simple, les recettes toutes faites n'existent pas. Mais des notes d'espoir existent. Je les vois dans ces
réactions, toutes générations confondues, après le drame de Vénissieux. Je les ai vues, dimanche soir, sur France 3, dans
le beau film de Bernard et Nils Tavernier, qui montrait bien que c'est dur, mais qu'on peut en sortir.
Vous avez déclaré lors de votre nomination, madame la ministre, que vous seriez tout autant la ministre de la jeunesse que
la ministre des sports.
J'aimerais que vous nous fassiez part de vos réflexions sur ce sujet, mais aussi de vos intentions et de celles du
Gouvernement. Quel message envoyez-vous à la jeunesse ?

- page 5184


Réponse du ministère : Jeunesse publiée le 12/12/1997

Réponse apportée en séance publique le 11/12/1997

M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de
souligner d'emblée que, si les jeunes sont responsables d'actes de violence, ils sont, dans leur majorité, les premières
victimes de cette violence.
Dans toutes les rencontres locales avec la jeunesse auxquelles j'ai participé - je le dis avec une certaine émotion - c'est
cette angoisse devant l'insécurité de la vie en général - demain pourra-t-on se former, pourra-t-on trouver un emploi ? - et
surtout cette angoisse devant la violence à l'école, au lycée, dans le quartier, qui revenait dans la bouche de la plupart des
jeunes, notamment des lycéens.
Vous le savez, le Gouvernement, prenant à bras-le-corps ce problème dramatique, a engagé plusieurs plans qui se
traduisent par des mesures concrètes. Je n'en retiendrai que deux : le plan mis en oeuvre sur l'initiative du ministre de
l'éducation nationale et auquel se sont joints le ministre de l'intérieur, la ministre de la justice, le ministre de la défense et la
ministre de la jeunesse et des sports ; plus récemment, le plan, engagé par le ministre des transports, de lutte contre la
violence qui, dans les cités, prend pour cible les transports urbains.
Mais allons un peu plus loin.
Dans leur grande masse, les jeunes sont prêts à s'investir pour agir eux-mêmes contre ces violences. A cet égard, quelles
sont leurs propositions ?
Ils veulent, tout d'abord, qu'on les aide à créer des associations, à accéder à des espaces où ils puissent se rassembler,
construire des projets, avoir des contacts avec les autres générations. Le mouvement associatif en charge des jeunes est
en plein renouveau. Les jeunes demandent au Gouvernement qu'il libère la route pour leur permettre d'agrandir les
associations et de créer des liens nouveaux dans les quartiers.
En deuxième lieu, ils disent avoir des droits mais aussi des devoirs, et ils veulent en discuter avec les adultes. Lors de la
rencontre nationale de Marly, ils ont discuté, par exemple, avec M. Claude Allègre des règlements intérieurs. Le
règlement intérieur doit-il être une chose imposée, à laquelle on leur demande de souscrire quarante-huit heures après leur
arrivée au collège ou au lycée, ou peut-il être une charte de vie dont on peut discuter pendant une semaine avec les
adultes, les enseignants, le personnel ? Dans cette seconde hypothèse, ils se disent prêts à s'investir et à respecter une telle
charte.
Une autre proposition, également adoptée lors de la rencontre nationale, serait qu'une fois par semaine on consacre, dans
chaque classe, une heure à discuter avec des adultes, le professeur principal ou un spécialiste des problèmes qui les
préoccupent, au premier rang desquels ils placent la violence, mais aussi la santé, la sexualité ou le sida.
Voilà qui témoigne encore de leur désir de s'investir dans la lutte contre la violence !
Bien évidemment, le fond de cette violence - même si cela ne l'excuse pas, cela peut l'expliquer - c'est, vous l'avez dit, la
profonde crise sociale et morale que connaissent nombre de familles dans certains quartiers.
Le message que nous devons envoyer à ces jeunes, c'est un message d'espoir, mais un espoir qui se traduise dans des
actes. C'est le cas des emplois-jeunes.
Au début des rencontres pour la jeunesse, au mois de juin, aucun jeune ne me posait des questions sur l'emploi parce
qu'ils n'avaient même pas l'espoir qu'une ministre soit capable de leur répondre sur une telle question, tellement ils avaient
été déçus par les précédents gouvernements !
A partir du moment où nous avons mis en oeuvre les emplois-jeunes, les questions sur l'emploi, puis sur la formation et sur
le logement sont réapparues et, finalement, les jeunes nous ont dit qu'ils avaient envie de nous faire confiance, que si,
réellement, ces rencontres étaient suivies d'actes, ils retrouveraient leur envie de s'en mêler, de faire preuve d'une certaine
citoyenneté.
En conclusion, je dirai que l'un des messages les plus applaudis lors de la rencontre nationale de Marly-le-Roy a été le
message, délivré notamment par le Premier ministre, sur la citoyenneté, le retour à l'instruction civique, les droits des
jeunes et leur prise de responsabilités dans la vie publique et dans la vie associative. (Applaudissements sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialiste.)

- page 5184

Page mise à jour le