Question de M. MARINI Philippe (Oise - RPR) publiée le 13/11/1997

M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les attaques injustifiées que subit actuellement l'Ecole nationale des arts et métiers (ENSAM). L'émotion suscitée par la décision brutale de fermeture des centres de Lille et de Cluny est extrême, d'autant que celle-ci semble ne se baser sur aucune preuve matérielle tangible et qu'elle pénalise l'ensemble des étudiants et non pas seulement les éventuels auteurs de bizutage. Le monde industriel s'accorde à reconnaître aux ingénieurs " Arts et métiers " une réputation d'hommes de terrain, habitués au travail en équipe, proches de leurs collaborateurs et à leur écoute. Cette aptitude louée par tous est acquise par leur cursus, mais aussi grâce aux traditions centenaires de cette école. Ces traditions transmises de promotion en promotion ont pour but de faire comprendre et de faire admettre aux jeunes arrivants la nécessité de travail en équipe et la solidarité fraternelle. Cela n'a rien de commun avec le bizutage, tel qu'il est défini par les documents ministériels, qui implique la pratique de sévices portant atteinte à l'intégrité physique, de perversions sexuelles et autres contraintes morales insupportables, ce qui est hautement répréhensible. Or l'amalgame entretenu en ce moment par une campagne de presse scandaleuse, entre les traditions et le bizutage, porte atteinte à la renommée de cette école qui est l'un des fleurons de notre enseignement supérieur. Le préjudice subi est important tant pour les ingénieurs des Arts et métiers que pour les parents des élèves soucieux de l'avenir de leurs enfants, mais aussi pour les élèves scolarisés dont les études se trouvent grandement perturbées. En conséquence, il lui demande selon quelles modalités et dans quels délais, il compte se saisir personnellement du dossier, afin qu'il soit donné à celui-ci des suites conformes à la fois au droit pénal existant, au principe fondamental qu'est la présomption d'innocence, à l'intérêt des élèves qui ont besoin de poursuivre leur scolarité et à la renommée de l'ENSAM.

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Transmise au ministère : Éducation


Réponse du ministère : Éducation publiée le 25/12/1997

Réponse. - Chaque année, le ministère de l'éducation nationale est informé de vexations, d'humiliations, de brimades ou d'actes dégradants imposés à des élèves ou à des étudiants. Ces pratiques de bizutage, présentées par leurs défenseurs comme des rites d'initiation devant souder les promotions entre elles et développer la solidarité entre les élèves, sont contraires aux valeurs et aux lois de la République qui prônent le respect de l'intégrité physique et morale de chacun. Elles ne peuvent perdurer dans une société moderne et ouverte sur l'Europe. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle occulte les pratiques d'intégration parfaitement louables qui sont effectuées dans certains établissements auprès des nouvelles promotions et qui sont fondées sur des valeurs telles que l'amitié partagée, la convivialité ou l'effort au service d'une noble cause. C'est pourquoi, afin de mettre un terme aux actes répréhensibles commis au cours de bizutages, le ministre et la ministre déléguée à l'enseignement scolaire ont décidé de conduire une action forte s'appuyant sur de nouvelles dispositions. Dans un permier temps une instruction ministérielle très ferme a été adressée à l'ensemble des autorités concernées pour les sensibiliser à ce problème et leur rappeler le dispositif pénal existant ainsi que les obligations qui s'imposent à tous les personnels de l'éducation nationale. Sur le terrain, des missions d'inspection ont été diligentées dans un certain nombre d'établissements confrontés à des situations graves ou susceptibles de le devenir, et une campagne nationale a été lancée avec la mise en place d'un numéro Azur à " SOS violences ". Une affiche d'information a été tirée à 30 000 exemplaires et envoyée dans tous les établissements. Au bout d'un mois de fonctionnement, la cellule mise en place au ministère a reçu 327 appels émanant essentiellement de parents d'élèves inquiets ainsi que d'élèves et d'étudiants. La moitié des appels a concerné des formations du second degré : lycées et lycées professionnels, collèges, internats, et l'autre moitié l'enseignement supérieur : écoles d'ingénieurs (dont l'ENSAM), IUT, formations médicales, écoles de commerce, classes préparatoires aux grandes écoles, universités, établissements relevant d'autres ministères (défense nationale, agriculture, santé). Chaque appel fait l'objet d'une fiche transmise immédiatement aux recteurs d'académie concernés, auxquels il a été demandé de procéder à une enquête approfondie sur les faits signalés, et de prendre les mesures nécessaires en fonction de leur gravité. D'ores et déjà certains élèves auteurs d'actes répréhensibles ont fait l'objet de sanctions disciplinaires et des dérives à l'occasion de bizutages prévus ont pu être évitées dans un certain nombre de cas. A la suite d'une mission d'inspection effectuée dans les centres régionaux de l'ENSAM, la direction des écoles a décidé la fermeture provisoire des centres de Lille et de Cluny où les pratiques dites de l'usinage entraînent des pressions psychologiques inacceptables sur les élèves de première année. Un accord étant intervenu entre la direction de l'école et les élèves, qui ont pris des engagements fermes et précis pour un retour à la normale, les deux centres ont pu réouvrir à compter du 5 novembre.

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