Question de M. LESEIN François (Aisne - RDSE) publiée le 06/11/1997

M. François Lesein appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les problèmes posés par la législation en vigueur relative à l'assujettissement de France Télécom et de La Poste à la taxe professionnelle. En effet, l'Etat ne reverse pas aux communes, qui accueillent leurs établissements, le produit de la taxe professionnelle tel que le prévoit pourtant le droit commun. Cette situation prive de nombreuses communes de moyens financiers importants causant dès lors un manque à gagner tout à fait regrettable pour des collectivités trop souvent surrendettées. Malgré les nombreuses interventions d'élus, de parlementaires et d'associations en faveur de l'application du droit commun des règles de la décentralisation et de l'utilisation de la taxe professionnelle, il semble malheureusement qu'il y ait peu d'évolution sur un sujet aussi sensible. Il lui demande en conséquence s'il ne serait pas envisageable que les collectivités locales puissent enfin percevoir le produit de la taxe professionnelle de France Télécom et de La Poste.

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Transmise au ministère : Budget


Réponse du ministère : Budget publiée le 04/03/1998

Réponse apportée en séance publique le 03/03/1998

M. François Lesein. Monsieur le secrétaire d'Etat, la loi du 2 juillet 1990 portant transformation des statuts de La Poste
et de France Télécom prévoit que, depuis le 1er janvier 1994, ces deux entreprises sont assujetties à la taxe
professionnelle, qu'elles versent directement à l'Etat.
Pourtant, contrairement au droit commun, l'Etat ne reverse pas aux communes accueillant ces établissements le produit de
la taxe professionnelle. En effet, l'Etat a considéré jusqu'à présent que les communes subissaient non pas une perte de
ressources, mais uniquement un manque à gagner.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si l'on devait poursuivre ce raisonnement, on refuserait à une commune accueillant des
entreprises nouvelles le bénéfice de la taxe professionnelle au motif qu'avant leur implantation la collectivité ne prétendait à
aucune ressource !
Si l'on peut comprendre que La Poste soit soumise à un régime particulier pour des raisons liées à l'organisation des
services publics et à l'aménagement du territoire, il est, en revanche, surprenant que France Télécom, qui ne répond pas à
ces critères, bénéficie pourtant de ce régime dérogatoire. En effet, depuis l'ouverture du marché européen et la
dérégulation des télécommunications, France Télécom est devenue une entreprise comme les autres et, de ce fait, l'Etat,
bien qu'actionnaire majoritaire, n'a pas à traiter différemment le reversement aux communes du produit de la taxe
professionnelle.
Cette situation prive de nombreuses communes de moyens financiers importants, causant dès lors un manque à gagner
tout à fait dommageable tant aux collectivités, souvent surendettées, qu'aux contribuables, dont les impôts locaux
pourraient être diminués d'autant.
En déposant, sur l'initiative du président de l'association des maires de France, une proposition de loi sur ce thème,
plusieurs de nos collègues ont cherché, au mois de novembre dernier, à rééquilibrer cette situation en suggérant des
modalités de répartition différentes. Mais cette solution ne donnait entière satisfaction, me semble-t-il, ni aux communes ni
aux départements.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement est-il disposé à redistribuer aux communes et aux départements le produit
de la taxe professionnelle de France Télécom ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur un sujet
important : le régime de la taxe professionnelle applicable à France Télécom et à La Poste.
Je vous répondrai en deux temps.
Je souhaite tout d'abord rappeler rapidement l'historique, auquel vous avez fait allusion, et les raisons qui ont conduit à la
situation actuelle.
Le régime actuel de la fiscalité de La Poste et de France Télécom a été défini par la loi du 2 juillet 1990, relative à
l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.
Ce dispositif répondait à un souci d'équité et de neutralité financière à l'égard tant de l'Etat que des collectivités locales. A
l'origine, La Poste et France Télécom constituaient un budget annexe dont les excédents donnaient lieu à des
prélèvements au bénéfice du budget de l'Etat. Je rappelle aussi que, en 1989, la contribution des P et T, comme on disait
à l'époque, au budget de l'Etat était de l'ordre de 4 milliards de francs.
Ces prélèvements opérés par l'Etat ont été supprimés dans le cadre de cette réforme, en contrepartie, entre autres, de
l'assujetissement de La Poste et de France Télécom aux impositions locales, avec, vous l'avez dit, affectation de ces
recettes au budget de l'Etat. Le transfert de cette ressource de l'Etat vers les collectivités locales ne pouvait, en effet, se
justifier dès lors qu'aucun transfert de charges ne lui était associé en contrepartie.
Les collectivités locales, vous l'avez d'ailleurs relevé, n'ont donc rien perdu dans cette affaire : elles ne percevaient rien
avant le changement de statut des deux opérateurs, et la loi de 1990 a maintenu ce principe.
En revanche, depuis 1995, lorsque le montant des impositions à la charge des deux exploitants est devenu supérieur aux
impositions versées en 1994, actualisées en fonction de l'indice des prix à la consommation des ménages tel qu'il ressort
des hypothèses économiques annexées au projet de loi de finances, l'excédent a été versé au fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle.
Cette fraction des impositions profite donc aux collectivités locales, en fonction des critères retenus pour la répartition des
ressources de ce fonds de péréquation. Ainsi, en 1996, environ 766 millions de francs ont été reversés, et la somme s'est
élevée à plus de 1,3 milliard de francs au titre de l'année 1997.
Les efforts consentis par les deux exploitants depuis l'entrée en vigueur de la réforme pour renforcer leurs facteurs de
production et étendre leurs activités ont donc eu un impact positif sur leurs bases d'imposition et ont principalement
profité, par le biais du fonds de péréquation, aux collectivités locales les plus pauvres ou à celles qui rencontrent des
difficultés budgétaires.
Ces principes continuent à s'appliquer et ne sont pas affectés par le changement de statut de France Télécom, entré en
vigueur au 1er janvier 1997.
J'en viens au deuxième point de ma réponse.
Vous souhaiteriez que le produit de la taxe professionnelle payé par France Télécom et par La Poste soit désormais
intégralement versé aux collectivités locales. Permettez-moi, à cet égard, de vous présenter quelques arguments.
En premier lieu, le fait que France Télécom et La Poste assurent un service public universel sur l'ensemble des communes
de France me semble justifier le maintien du système actuel, préférable à l'affectation du produit des impôts locaux aux
communes qui abriteraient, par chance, des équipements de ces deux grandes entreprises.
En second lieu, une modification de l'affectation du produit de la fiscalité locale de France Télécom aurait pour effet de
priver de recettes les communes rurales qui comptent parmi les principaux bénéficiaires des attributions du fonds national
de péréquation de la taxe professionnelle, au profit des localités plus importantes où sont installés les principaux
équipements de France Télécom. Il y aurait là un redéploiement « à rebours ».
Enfin, je tiens à rappeler que l'Etat est le premier contributeur au produit de la taxe professionnelle. Au travers,
notamment, du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, dont l'objet est d'atténuer la
charge résultant pour les entreprises de la hausse continuelle des taux de cet impôt, le tiers du produit de la taxe
professionnelle est aujourd'hui payé par l'Etat, ce qui représente une charge de 50 milliards de francs.
Vous comprendrez, dans ces conditions, qu'une réforme de l'affectation du produit de la fiscalité directe locale de La
Poste et de France Télécom ne saurait être envisagée sans que soit abordée la question d'ensemble de la réforme de la
fiscalité locale, notamment de la taxe professionnelle.
Comme vous le savez, il s'agit là de l'un des thèmes prioritaires de réflexion du Gouvernement dans son dialogue avec les
assemblées et les associations d'élus intéressées au cours de cette année 1998, et nous aurons donc l'occasion de
débattre à nouveau de ce sujet dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 1999.
M. François Lesein. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. J'ai bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'aspect dérogatoire de la règle applicable à
cette partie de taxe professionnelle ne semblait pas vous troubler au-delà de la raison. Mais avouez tout de même qu'il y a
dérogation ! Pourquoi alimenter uniquement de cette manière le fonds national de péréquation, alors qu'il reçoit des
ressources non seulement de l'Etat, mais aussi des communes qui sont écrêtées ?
Pourquoi déroger à la règle générale ? Cela me paraît choquant. De plus, pour de nombreux maires et de nombreux
conseils généraux intéressés, cela me paraît confiscatoire.
Peut-être faudra-t-il faire preuve de plus de courage, monsieur le secrétaire d'Etat, et réviser totalement le système de la
taxe professionnelle, car agir par petites étapes ne me semble pas de bonne méthode.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous en reparlerons !

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