Question de M. MILLAUD Daniel (Polynésie française - UC) publiée le 28/11/1997

Question posée en séance publique le 27/11/1997

M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes, porte sur les
actions menées par la Commission européenne contre la France, relatives aux mesures réglementant l'exercice de
professions par les étrangers européens dans les territoires d'outre-mer français. Le Gouvernement, sous la menace d'une
astreinte financière très lourde, fait pression sur les autorités territoriales afin qu'elles annulent les délibérations concernées.
Il faut rappeler que certains de nos partenaires ont obtenu, pour leurs territoires, soit des conditions particulières
d'association, soit leur exclusion.
En revanche, les ambiguïtés et les contradictions caractérisent, depuis quarante ans, l'application aux territoires
d'outre-mer français et, en particulier, à mon territoire, des dispositions de la quatrième partie du traité de Rome, figée
depuis 1957, alors que d'autres sections ont été modifiées par les traités de Maastricht et d'Amsterdam.
La Conférence intergouvernementale a « invité le Conseil de l'Union à réexaminer et à réformer en profondeur, sur
proposition de la Commission européenne », qui est à la fois juge et partie, ne l'oublions pas, ce régime d'association, et
ce d'ici à 1999, à 2000 ou à 2001.
Monsieur le ministre, c'est au Gouvernement français, me semble-t-il, de défendre les spécificités de nos territoires
français, dans le respect du préambule et de l'article 74 de la Constitution.
C'est pourquoi il faut « geler » dès à présent l'association de nos territoires d'outre-mer, afin que les compétences locales
décentralisées, instituées progressivement depuis 1956 par le Parlement français, soient respectées, tout en maintenant les
dispositions douanières et commerciales conformes à la décision d'association de 1991 et l'intégralité des versements du
Fonds européen de développement. Ce gel devra concerner, en priorité, la Polynésie française, qui l'a demandé.
Il faut mettre en place une commission composée de juristes spécialisés en droit d'outre-mer français et je pense, en
particulier, à l'Institut de droit d'outre-mer, créé et dirigé par le professeur Faberon, de la faculté de Montpellier I. Elle
devra présenter, avant l'échéance de 1999, les conditions d'un nouveau régime d'association, faisant de nos territoires
français de véritables « associés », dans le respect de leurs statuts d'autonomie.
M. Jean-Louis Carrère. Et la question ?
M. Daniel Millaud. Pouvez-vous, monsieur le ministre, prendre l'engagement de mettre en place, avant la fin de l'année,
la commission dont je vous ai suggéré la création et de geler notre association à l'Union européenne ? (Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)

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Réponse du ministère : Outre-mer publiée le 28/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 27/11/1997

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je profite de votre question pour
exprimer la solidarité nationale à l'égard de nos compatriotes de Polynésie française, qui viennent d'être à nouveau
touchés par un cyclone. Nous n'avons pas eu de victimes, à déplorer grâce aux actions de prévention mises en place,
mais les dégâts matériels sont importants, notamment à Bora-Bora et à Maupiti.
J'indique aux élus de ces îles, ainsi qu'à tous ceux qui ont été touchés par ce cyclone, que nous prenons des dispositions
pour recenser les dommages et fixer le montant des indemnisations.
Venons-en maintenant à votre question.
Vous avez évoqué le régime d'association des territoires d'outre-mer à la Communauté européenne. Vous savez qu'il
existe un principe, celui de la liberté d'établissement, notamment pour les travailleurs indépendants et les professions
libérales. La France a été condamnée en 1990 par la Cour de justice des Communautés européennes, précisément parce
que l'assemblée territoriale de la Polynésie française n'avait pas pris les dispositions permettant l'application de ce
principe.
En 1995, me semble-t-il, la Commission nous a demandé de nous mettre en conformité avec ce principe, faute de quoi
elle saisirait de nouveau la cour de justice. La France risquait donc de se voir contrainte d'appliquer la décision, au risque
d'une lourde astreinte.
Vous demandez le gel de ce principe mais, en même temps, vous souhaitez garder les crédits du fonds européen de
développement. Je précise, à cet égard, que ceux-ci ont été, cette semaine, réévalués de 25 %. Il est difficile d'annoncer à
la Commission que nous gelons une disposition - ce qui est impossible en droit communautaire - et que nous souhaitons
garder le bénéfice des systèmes d'aides et de subventions.
En conséquence, la question méritera d'être posée lors de la révision du traité d'association. Vous avez, à juste titre,
souligné que le traité d'Amsterdam l'envisageait. Un débat va donc s'engager.
Je me suis rendu à Bruxelles auprès des commissaires européens chargés de ces questions. Nous envisageons de
provoquer une réunion à la mi-1998, justement pour préparer ces évolutions. Mais, dans l'immédiat, permettez-moi de
vous dire que le droit européen doit s'appliquer.
J'ajoute que la menace d'une invasion européenne de la Polynésie française n'est pas si grande. Je soulignais à Papeete
que seuls deux cents Européens non Français étaient établis sur ce territoire. Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de geler ces
dispositions dans l'immédiat, ce qui, de toute façon, ne serait pas possible. (Applaudissements sur les travées
socialistes.)

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