Question de M. CLÉACH Marcel-Pierre (Sarthe - RI) publiée le 28/11/1997

Question posée en séance publique le 27/11/1997

M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le ministre, la girafe voit loin mais le vautour vole bas ; le coeur du coyote endurci est rarement solidaire ; le
crocodile ne veut pas cotiser pour la retraite des gazelles. (Sourires.) Eh bien ! madame le ministre, je ne vous parlerai ni
de la retraite des gazelles, ni du vol des vautours, ni des yeux de la girafe, ni du coeur du coyote (Nouveaux sourires),
mais je voudrais vous interroger sur la campagne de publicité menée récemment par la caisse nationale d'assurance
vieillesse des salariés et dont l'objectif invoqué était de rassurer les Français sur la qualité, la sécurité, l'équité et la
pérennité de leur régime de retraite obligatoire.
On peut, me semble-t-il, tout d'abord s'étonner...
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. Marcel-Pierre Cléach. ... que l'argent des cotisants soit ainsi utilisé à faire l'apologie d'un produit qui ne souffre
d'aucune concurrence, alimenté qu'il est par des cotisations obligatoires.
En outre, cette campagne ne dissimule pas son objectif principal, qui consiste à préparer l'opinion contre le principe de la
capitalisation collective, quand bien même celle-ci serait envisagée à titre purement complémentaire, qui a fait l'objet de la
loi du 25 mars 1997, laquelle est, jusqu'à sa révision annoncée, une loi de la République.
A ce titre, les outrances de cette campagne sont particulièrement choquantes.
De plus, ladite campagne laisse croire aux Français que le régime général est menacé. A ma connaissance, personne ne
remet sérieusement en cause l'organisation actuelle de ce régime général obligatoire.
Etait-il vraiment nécessaire, pour autant, de nier la crise qui menace les régimes par répartition ? Car l'évolution
démographique, l'allongement de la durée de la vie, l'importance du chômage, les délocalisations d'entreprises, et
maintenant de cotisants, laissent prévoir de graves difficultés pour les régimes par répartition à partir de 2005.
Suivant les estimations du commissariat au Plan, le rapport démographique entre cotisants et retraités devrait passer de
1,7 aujourd'hui à 1,2 en 2015. Or 2015, madame le ministre, c'est demain ! Il y aura bientôt un actif pour payer la
pension d'un retraité, contre trois pour un au moment de la mise en place du régime.
Pensez-vous que ce soit l'intérêt des assurés de nier ce constat sur lequel pratiquement tout le monde s'accorde ?
Par ailleurs, l'adaptation permanente du système de répartition, invoquée par les promoteurs de la campagne dont s'agit,
se fait malheureusement soit en creusant un déficit qui devient vertigineux, soit par une augmentation des cotisations de
moins en moins tolérée par le corps social.
M. Jean-Louis Carrère. Et alors, quelle est la question ?
M. Marcel-Pierre Cléach. J'en viens donc à ma question. (Ah ! sur les travées socialistes.)
Madame le ministre, compte tenu des informations dont vous disposez sur l'évolution du régime des retraites par
répartition et sur les difficultés que les spécialistes s'accordent à lui prédire dans un avenir, hélas ! proche, envisagez-vous,
en vertu des hautes responsabilités qui vous sont confiées, de proposer prochainement à la représentation nationale un
débat sur ce problème majeur ?
En particulier, quelles modifications souhaitez-vous apporter à la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne et de
retraite ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 28/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 27/11/1997

M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais d'abord vous rassurer, monsieur le sénateur
: le Gouvernement n'est pour rien dans cette campagne, qui a été décidée à l'unanimité du conseil d'administration de la
caisse nationale d'assurance vieillesse en avril dernier, alors que nous n'étions pas aux affaires.
Cette campagne, dont, je le crois, il faut retenir le slogan, vise à défendre une retraite sûre et solidaire. Il me semble que
tout le monde peut en être d'accord. Cependant, je dois avouer que je n'apprécie pas non plus totalement le ton qui a été
adopté. Sur un sujet comme celui-là, je pense que nous avons intérêt à privilégier une vision réaliste des choses.
Cela étant, je le dis très fermement, le Gouvernement est bien conscient du fait que les retraites risquent, notamment à
partir de 2015, de rencontrer des difficultés si nous ne faisons rien. Nous établissons actuellement, s'agissant aussi bien du
régime général des retraites que des régimes particuliers, un diagnostic pour l'avenir, en vérifiant l'évolution
démographique et en tenant compte aussi des avantages très divers apportés par nos différents régimes de retraite.
Monsieur Cléach, il y a un point sur lequel le Gouvernement est extrêmement ferme, et je pense que vous partagez sa
conviction : il est impératif de défendre la retraite par répartition, qui constitue finalement le seul moyen d'instaurer une
véritable solidarité entre générations, la plus équilibrée possible. Quelles que soient les propositions que nous ferons au
Parlement pour garantir l'avenir de nos retraites, nous garderons à l'esprit ce principe fondamental.
S'agissant de la loi Thomas, nous avons déjà dit ce que nous en pensions. Nous ne sommes pas opposés à la constitution
d'une épargne visant à améliorer la situation des retraites des Français, mais nous ne souhaitons pas que des avantages
fiscaux ou des exonérations de cotisations sociales favorisent certaines catégories par rapport à d'autres. Cela risquerait
en effet de mettre en péril la retraite par répartition, notamment parce que, aujourd'hui, un certain nombre de chefs
d'entreprises pourraient être tentés de transférer du salaire direct vers du salaire différé, afin de payer moins de cotisations
sociales, en particulier concernant des cadres supérieurs, ce qui contribuerait aussi à attaquer notre sécurité sociale.
C'est pourquoi M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a décidé de réexaminer ce problème des fonds
de pension, pour essayer de trouver des solutions - dans quelques jours, il va d'ailleurs désigner une personnalité chargée
de mener cette réflexion - permettant de garantir la pérénnité de notre système de retraite par répartition, tout en
permettant à chacun d'épargner pour son avenir. Nous y avons tous intérêt. (Applaudissements sur les travées
socialistes.)

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