Question de M. WEBER Henri (Seine-Maritime - SOC) publiée le 14/11/1997

Question posée en séance publique le 13/11/1997

M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, je voudrais vous faire part des préoccupations des personnels du Crédit industriel et commercial, le
CIC, entreprise dont la privatisation est imminente, et plus particulièrement des 900 salariés du Crédit industriel de
Normandie, filiale régionale du CIC et établissement cher à mon coeur.
M. Josselin de Rohan. Et le Lyonnais ?
M. Henri Weber. Le Lyonnais, c'est en grande partie votre affaire ! (Exclamations sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Et Bernard Tapie ?
M. Henri Weber. Avec ses quatre-vingt-dix agences et ses huit sous-directions régionales, le Crédit industriel de
Normandie, comme les autres banques qui forment le CIC, est une banque régionale réellement décentralisée. Sa
connaissance intime de l'économie locale, de son tissu, de ses acteurs, de ses réseaux en fait un atout précieux de l'activité
économique.
Le Gouvernement a obtenu, en juillet dernier, un accord de la Commission européenne sur le plan de 20 milliards de
francs décidé par votre prédécesseur et par Alain Juppé au profit du GAN, dont le CIC est une filiale.
Pour des raisons industrielles et stratégiques, vous avez choisi de ne pas remettre en question les engagements de
privatisation du CIC et du GAN.
Dans un contexte où les offres publiques d'achat hostiles, ou plus au moins amicales, ont tendance à se multiplier - on le
voit aujourd'hui avec l'offre lancée par le groupe italien Generali sur AGF - dans un contexte où les entreprises de notre
secteur bancaire et financier se révèlent être assez vulnérables face à des prédateurs qui peuvent mobiliser facilement 50
milliards de francs et plus pour faire leurs emplettes sur le marché français des entreprises, ma question est la suivante,
monsieur le ministre : quelles garanties pouvez-vous donner que la privatisation que vous allez engager respectera l'intérêt
patrimonial de l'Etat, celui de l'entreprise CIC et de ses salariés, et celui des régions et de leurs acteurs économiques, qui
ont un besoin impérieux de banques de proximité ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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Réponse du ministère : Économie publiée le 14/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 13/11/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Weber, chacun
connaît ici l'attachement que vous avez pour le Crédit industriel de Normandie. Je comprends donc que cette question,
qui se veut générale, fasse néanmoins référence à l'un des beaux établissements de ce groupe. (Exclamations sur les
travées du RPR.)
Depuis sa formation, le Gouvernement a mis la compétitivité de notre secteur financier au coeur de ses préoccupations.
C'est en effet un secteur qui connaît de profonds bouleversements liés à ce que l'on appelle la « globalisation » de
l'économie, liés aussi au fait que, dans peu de temps maintenant, l'Europe va se doter d'une monnaie unique.
Tout cela est l'origine d'un grand phénomène de concentration, qui touche - vous l'avez visé tout à l'heure sans le nommer
- le secteur de l'assurance, mais aussi le secteur bancaire.
Il convient donc que les établissements français soient capables de faire face, eux aussi, à une telle concentration, qui les
rendra plus forts et donc plus pérennes.
C'est avant tout pour ces raisons d'« industrie bancaire », si vous me permettez cette expression, qu'il convient de mener à
bien l'opération concernant le CIC.
En outre, vous l'avez dit, des engagements ont été pris par la précédente majorité avec la Commission de Bruxelles, et
nous entendons les respecter.
Comment mènerons-nous cette opération ?
D'abord par la méthode du dialogue.
Après la tentative de l'année dernière, dont je pense que, sur tous les bancs de cette assemblée, on voudra bien
reconnaître qu'elle s'est soldée par un échec assez lamentable, il nous a en effet semblé que le dialogue avec l'ensemble
des partenaires était la condition primordiale d'une opération réussie.
Il s'agit d'un dialogue avec les organisations syndicales, que mes services ont rencontrées plusieurs fois, avec les
présidents des groupes et les dirigeants de chacune des banques régionales, avec les maires des villes dans lesquelles ces
entités sont installées - je les ai moi-même reçus à déjeuner il y a quelques jours (Exclamations ironiques sur les
travées du RPR.) - et, enfin, d'un dialogue avec le Parlement, que nous engageons dès aujourd'hui grâce à votre question,
monsieur Weber.
Pour illustrer les modalités de ce dialogue sans entrer dans les détails, le cahier des charges, qui sera officiel à la fin du
mois de novembre, a été transmis hier aux comités d'entreprise du GAN et du CIC, ce qui est une procédure
complètement nouvelle, afin que ceux-ci fassent part de leurs remarques et que le Gouvernement en tienne compte, le cas
échéant, dans ce cahier des charges.
C'est un exemple, mais il y en a d'autres, de la volonté du Gouvernement de mener cette action en concertation très
étroite avec les salariés et les syndicats, les dirigeants du groupe, en un mot avec toutes les entités concernées.
S'ajoute au dialogue la volonté de faire de cette opération une réussite à la fois industrielle, financière et sociale.
Pour y parvenir, trois conditions sont nécessaires.
La première, c'est de garantir l'unité, la cohésion du groupe, auxquelles chacun est attaché, et son ancrage régional. Il faut
donc que soit assurée la localisation des sièges des banques régionales dans les villes où ils sont installés, sans que le
rachat ou l'association à une autre banque soit une manière de délocaliser ces sièges. De la même manière, nous
envisageons que le capital des banques régionales s'ouvre à l'épargne régionale - cela sera inscrit dans le cahier des
charges - et, par conséquent, que leur caractère de banques de proximité soit renforcé.
La deuxième condition m'amène à évoquer le volet social qui accompagne l'opération et qui est très développé. Les
choses sont claires pour chacun : demain, une fois que le Crédit industriel et commercial sera dans le secteur privé, il ne
faut pas que s'exerce une concurrence trop étroite avec un quelconque autre réseau, ce qui aurait comme conséquence de
voir des deux côtés de la rue, dans une même ville, s'instaurer une concurrence mal venue.
J'en viens à la troisième et dernière condition, à laquelle le Gouvernement tient : les liens de banque-assurance entre le
GAN et le CIC doivent demeurer afin de renforcer l'activité du Crédit industriel et commercial.
Tels sont les principaux éléments d'une opération qui va se dérouler sur plusieurs mois. Je suis convaincu que nous
obtiendrons, à terme, un grand réseau français à vocation internationale, respectant la politique sociale qui a été celle du
CIC jusqu'à maintenant et qui doit se poursuivre, tout en conservant ce qui constitue sans doute la caractéristique la plus
heureuse de ce groupe, à savoir la mise en exergue de son caractère régional et d'une bancarisation qui est très proche
des entreprises et des citoyens, et qui sera, j'en suis sûr, renforcée quand, vers les mois de mars ou d'avril, nous en aurons
terminé avec cette grande opération. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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