Question de M. BARNIER Michel (Savoie - RPR) publiée le 09/10/1997

M. Michel Barnier appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les dégâts provoqués par la prolifération des cormorans dans certaines zones. Le cormoran figure au nombre des espèces protégées par la directive communautaire " oiseaux " de 1979. Le respect de cette protection a eu pour conséquence, en l'espace de quinze années, l'accroissement considérable du nombre de cormorans : à tel point qu'en France il n'est pas exagéré de parler de surpopulation. Celle-ci provoque de nombreux dégâts, et pas seulement sur le littoral : par exemple, la prolifération de ces oiseaux a été constatée en Savoie sur le lac du Bourget. Les associations de pêcheurs amateurs, très mobilisées autour de cette question, évoquent au terme de leurs observations le chiffre de 140 tonnes de poissons par an consommés par les cormorans sur le seul site du lac. Pour ne retenir qu'une évaluation plus modeste faite par ailleurs selon laquelle il s'agirait plutôt de 80 tonnes, cette dernière estimation reste en tout cas supérieure à la production des pêcheurs professionnels eux-mêmes. Au-delà des graves pertes commerciales enregistrées par ces professionnels, c'est l'équilibre de l'écosystème qui est mis en péril, la prolifération des cormorans les menaçant d'ailleurs eux-mêmes si la raréfaction du poisson se poursuit. Il lui demande donc quelles dispositions le Gouvernement compte prendre notamment en amont avec les pays du nord de l'Europe pour maîtriser cette prolifération et préserver l'équilibre des écosystèmes.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 01/10/1998

Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant la protection du grand cormoran. La protection du grand cormoran a été instituée à l'échelle de l'Europe, notamment dans les pays du Nord, où l'espèce se reproduit. Cette protection a induit une expansion de l'espèce qui exerce une pression de plus en plus importante sur les eaux continentales. C'est pourquoi le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a engagé une politique de régulation des grands cormorans, visant à concilier la pérennité de l'espèce et la protection du milieu aquatique, afin de répondre à un objectif global d'équilibre des espèces. Depuis 1994, en application de l'arrêté du 17 avril 1981 de protection des oiseaux, modifié le 2 novembre 1992 pour ce qui concerne le grand cormoran, les préfets des départements sont autorisés par la ministre à délivrer aux exploitants des étangs de pisciculture extensive ou à leurs ayants droit des autorisations de tir, sur demande motivée et dans les limites d'un quota départemental. Il appartient désormais aux préfets, en fonction de la situation locale et après avoir pris l'avis d'un comité réunissant les différents acteurs concernés, de déterminer les secteurs géographiques du département où les tirs sont autorisés. Dès 1997, sur la base de propositions techniques du Conseil supérieur de la pêche et après avis du Conseil national de la protection de la nature, des opérations expérimentales de destruction du grand cormoran jusqu'au 31 mars 1997 ont été autorisées. Ces opérations ont porté sur un nombre limité de sites en eau libre accueillant des populations de poissons particulièrement menacées. Au vu des résultats de ces opérations, de l'ensemble des prélèvements effectués durant l'hiver 1996/1997 et des résultats du dénombrement de la population hivernante en France, effectué en janvier 1997, le dispositif d'ensemble a été adapté dans un objectif de stabilisation de l'espèce en France. Il repose sur les principes suivants : fixation d'un prélèvement national de 12 % des effectifs dénombrés en janvier 1997, répartis dans les départements en fonction notamment du nombre d'oiseaux tués l'année précédente ; priorité d'intervention donnée à la protection des activités économiques liées aux piscicultures extensives en étang ; interventions simultanées sur les secteurs d'eau libre en périphérie des zones de piscicultures afin d'éviter le report des cormorans entre ces zones et les eaux libres périphériques ; reconduction d'opérations expérimentales sur les eaux libres accueillant des espèces de poissons à valeur patrimoniale ; priorité d'intervention dès l'arrivée des cormorans afin de réduire plus efficacement les dégâts et d'éviter des opérations tardives occasionnant le dérangement d'autres espèces. Pour la campagne 1998/1999, ce dispositif a été reconduit avec des adaptations des quotas. Désormais peuvent être conduites des opérations de destruction dans certains secteurs d'eau libre, en faveur de populations de poissons par ailleurs menacées. Il relève de la responsabilité des préfets, en liaison avec le comité départemental de suivi, de déterminer la liste des secteurs d'eau libre concernés. Toutefois, l'essentiel des populations européennes de grands cormorans se reproduisant aux Pays-Bas ou au Danemark, c'est également dans ces pays et au niveau de l'Union européenne que des mesures de régulation efficaces peuvent et doivent être prises. A la demande du ministère chargé de l'environnement, le comité d'adaptation de la directive communautaire sur les oiseaux a accepté que l'espèce soit retirée de l'annexe I de cette directive (espèces menacées nécessitant des mesures de protection particulière de leur habitat). Une décision en ce sens est intervenue le 29 juillet 1997. Un groupe de travail au niveau européen a été constitué à l'initiative du Danemark et des Pays-Bas en vue de l'élaboration d'un plan de gestion de l'espèce dans le cadre de la convention internationale sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage. Il convient d'ajouter que les représentants des pêcheurs, des pisciculteurs et des associations de protection de la nature sont largement associés, tant au niveau national que départemental, aux instances consultatives chargées de se prononcer sur la gestion de l'espèce.

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