Question de Mme DUSSEAU Joëlle (Gironde - RDSE) publiée le 17/10/1997

Mme Joëlle Dusseau appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème des retraites agricoles. Les retraites versées aux agriculteurs sont dramatiquement basses, calculées en fonction d'un système d'après-guerre aujourd'hui inadapté et pénalisant ceux qui ont nourri notre pays pendant plus de quarante années de leur vie. Il est désormais urgent d'apporter des solutions pour que les petits exploitants, les conjointes d'exploitants et les aides familiales puissent recevoir une retraite décente. Elle lui demande que les plus petites retraites soient portées à hauteur de 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Elle demande aussi qu'un effort soit fait pour les conjointes d'exploitants souvent sans statut et qui se retrouvent avec un minimum de retraite très largement en dessous du revenu minimum d'insertion. Elle suggère qu'il soit obligatoire de déclarer les épouses travaillant dans l'exploitation. Elle lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour améliorer le système de retraite actuel et ce, suivant quel calendrier.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 05/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 04/11/1997

Mme Joëlle Dusseau. Ma question porte sur les retraites agricoles et s'adresse donc à M. le ministre de l'agriculture et
de la pêche.
Depuis des années, ce problème n'est toujours pas résolu. Certes, des progrès ont été accomplis. Je citerai, pour
mémoire, le calcul des cotisations sur le revenu professionnel et non plus sur la base du revenu cadastral, depuis 1990, ou
encore la possibilité de cumul pour les veufs, et surtout pour les veuves, entre droits propres et pension de réversion, avec
passage de 50 % à 54 % du maximum de ce cumul, depuis 1996.
Cependant, la situation de nombre de retraités agricoles est souvent dramatique : 91 % des retraités non salariés touchent
moins de 3 000 francs par mois ; le montant moyen constaté pour 1997, si cette année est celle de la liquidation de la
retraite, est de 28 600 francs ; quant à la revalorisation, elle n'a été que de 1,5 % pour 1997.
De plus, les chiffres moyens cachent souvent des situations très différentes selon le cursus professionnel et selon le sexe.
Les statuts, chacun le sait, varient au cours de la vie. Beaucoup d'exploitants ont été longtemps aides familiaux, avec des
revenus et des cotisations retraite dérisoires. Il en est de même pour les femmes. Actuellement, 30 % des femmes
retraitées touchent moins de 1 000 francs par mois et 36 % entre 1 000 francs et 2 000 francs. Plus de 60 % des femmes
retraitées exploitantes agricoles touchent moins de 2 000 francs. Elles ont été longtemps non déclarées, ou
sous-déclarées, par manque de moyens de l'exploitant, mais en raison aussi de son refus d'envisager l'avenir pour lui, et
parfois encore moins, pour son épouse.
Les causes sont bien connues, elles tiennent en partie à ce qui a été longtemps le choix des agriculteurs. C'est sans doute
ce que vous allez me dire, monsieur le ministre. Je sais que les agriculteurs ont refusé de participer au régime général à la
fin de la guerre, je sais qu'ils ont peu cotisé et que le taux de retour de leurs retraites est un des plus faibles qui soient.
Il n'empêche qu'ils représentent actuellement la catégorie sociale dont les retraites sont de loin les plus faibles et qu'ils
vivent souvent dans des conditions financières inacceptables, conditions que, d'ailleurs, ils n'acceptent plus : il n'y a qu'à
voir la virulence et l'ampleur des manifestations de l'association des retraités exploitants agricoles, association très
dynamique dans ma région, d'où elle est originaire.
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : quelles mesures envisagez-vous de prendre pour que soient
revalorisées de manière sensible les retraites agricoles, et notamment pour que les plus faibles d'entre elles, qui concernent
nombre de femmes âgées, veuves, solitaires, atteignent un niveau décent ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame le sénateur, j'ai entendu ouvrir le dossier des
retraites agricoles dès mon arrivée au ministère de l'agriculture et de la pêche.
Particulièrement sensible, comme vous-même, à ce problème, j'ai établi, au cours de l'été, le bilan de la situation de toutes
les catégories de retraités agricoles. Cela m'a mis en présence d'un certain nombre de constats, mais je m'exprimerai
aujourd'hui sur les points particuliers que vous avez entendu soulever.
Les agriculteurs entrant dans le régime des retraites agricoles bénéficient ajourd'hui, et ce depuis 1990, des mêmes droits
que les salariés du régime général. Je pourrais même dire, non pas par goût du paradoxe, mais parce que c'est aussi la
réalité, que leur situation est relativement plus favorable que dans le régime général s'ils sont titulaires de faibles revenus,
en comparant, entendons-nous, ce qu'ont été les niveaux de cotisation.
En revanche, ceux qui sont déjà dans le régime à cette date - c'est à ceux-là que vous faisiez allusion - perçoivent des
revenus d'un montant particulièrement modeste.
J'ai souhaité que l'effort engagé par l'Etat, et sur lequel j'aurai l'occasion de revenir devant votre assemblée lors de
l'examen du projet de loi de finances, soit d'abord porté sur les catégories les plus modestes de retraités, c'est-à-dire les
anciens aides familiaux, les conjoints d'exploitants et les agriculteurs ayant accompli une carrière mixte afin de ne pas
pénaliser les agricultrices qui ont repris pendant quelques années la conduite de l'exploitation au moment du départ en
retraite de leur conjoint.
Dès 1998, une première mesure significative est prévue pour près de 300 000 retraités. Elle se traduit par une
revalorisation de 5 100 francs par an de la pension pour les deux tiers des agriculteurs concernés, soit une majoration de
27 % pour ceux qui auront accompli une carrière complète ou quasi-exclusive en agriculture.
Il s'agit donc ici des catégories de retraités qui n'ont pas bénéficié des mesures de revalorisation décidées dans le passé et
qui percevaient des pensions de retraite, je le dis, inacceptables.
Ainsi, un retraité ayant travaillé trente-sept années et demie perçoit, pour la présente année, 18 650 francs et percevra,
grâce au relèvement décidé, 23 750 francs.
Le coût de la mesure est de 1 milliard de francs. En effet, une augmentation de 100 francs par mois accordée à tous les
retraités agricoles a un coût immédiat de près de 2,5 milliards de francs.
Dans le projet de budget pour 1998, cette mesure se chiffre à 760 millions de francs, ce qui, compte tenu, des économies
mécaniques sur le fonds de solidarité, correspondra à un coût net de 680 millions de francs.
Il s'agit là d'une première étape.
Pour l'avenir, lorsque les conjointes travaillent sur l'exploitation, elles sont de plus en plus nombreuses à choisir d'être
co-exploitantes ou associées de société. Ces deux statuts reconnaissent pleinement leur activité et leur permettent de
bénéficier, notamment en assurance vieillesse, des mêmes droits que le chef d'exploitation.
Quant aux conjointes qui n'exercent pas d'autre activité professionnelle extérieure et n'ont pas opté pour l'un de ces
statuts, elles bénéficient d'une présomption de participation aux travaux de l'exploitation qui leur ouvre droit à une retraite
forfaitaire.
Le problème ne se pose donc pas en termes d'obligation de déclaration de ces épouses, puisque cela est déjà réalisé,
mais en termes d'amélioration de leur statut de manière que celui-ci - sans leur donner une qualité de chef d'exploitation
qu'elles ne souhaitent pas - réponde mieux à leurs aspirations légitimes.
Des réflexions sont actuellement menées sur les avancées possibles à ce sujet, et j'aurai, je n'en doute pas, à en rendre
compte devant votre assemblée. A l'occasion du débat sur le projet de loi de finances initial pour 1998, je reviendrai sur
l'ensemble du dispositif.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions et de ces bonnes nouvelles qui, c'est
sûr, vont améliorer la situation.
En relevant la différence de traitement entre retraités actuels et futurs retraités, vous mettez le doigt sur un problème
crucial qui concerne de très nombreuses personnes âgées de plus de soixante ou soixante cinq ans ; à travers les réponses
qui leur ont été apportées jusqu'à présent, elles ont eu l'impression qu'on attendait leur mort pour traiter le problème ! J'ai
personnellement rencontré beaucoup de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans qui m'ont ainsi traduit leur
désespoir.
Vous le savez, leur revendication affirmée est toujours d'obtenir à peu près 75 % du SMIC. J'ai pris bonne note de la
mesure que vous annoncez et du fait que ce n'est que le début d'un processus qu'il faut poursuivre. Je suis également très
sensible à votre propos quant à la nécessité de continuer à améliorer le statut des femmes !

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