Question de M. BIZET Jean (Manche - RPR) publiée le 10/10/1997

M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la dépendance protéique de la France et de l'Europe. Actuellement, la France importe près de 50 % de ses besoins en protéines végétales pour l'alimentation des animaux. En 1990, elle en importait moins de 30 %. Au plan européen, la dépendance protéique est encore plus manifeste puisque les importations de protéines végétales représentent désormais plus de 80 % des besoins. Nos seuls fournisseurs mondiaux de protéines végétales, en particulier le soja, sont les Etats-Unis, le Brésil et l'Argentine. Il ne saurait trop insister sur l'enjeu stratégique et non simplement financier que représentent les protéines végétales, base de l'alimentation des animaux et donc des hommes, et souhaite rappeler certains faits : en 1974, l'embargo des Etats-Unis sur le soja avait mis en évidence les risques d'une telle dépendance. La mobilisation autour d'un plan national de culture des plantes riches en protéines avait permis de faire nettement diminuer la dépendance française. Malheureusement, certaines concessions faites aux Etats-Unis lors des négociations de Blair House ont entraîné une limitation des surfaces d'oléagineux et une baisse des surfaces en pois protéagineux. Tous les efforts entrepris depuis vingt ans ont été réduits à néant puisque la France est de plus dépendante du continent américain pour satisfaire ses besoins. En conséquence, dans la perspective des prochaines négociations mondiales, il est indispensable que la France manifeste, par un amendement dans le cadre de la loi d'orientation agricole, sa volonté de refuser une telle dépendance protéique et de lever les freins actuels à ses partenaires européens à cette cause légitime. Conscients du danger, les professionnels de la filière des productions de plantes riches en protéines ont posé les bases d'un nouveau plan protéines. Le Gouvernement apporte-t-il son soutien à ce plan et entend-t-il l'intégrer en priorité dans sa politique agricole ?

- page 2724


Réponse du ministère : Culture publiée le 04/02/1998

Réponse apportée en séance publique le 03/02/1998

M. Jean Bizet. Je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la dépendance
protéique de la France et de l'Europe.
Actuellement, la France importe près de 50 % de ses besoins en protéines végétales pour l'alimentation des animaux. En
1990, elle en importait moins de 30 %.
A l'échelon européen, la dépendance protéique est encore plus manifeste puisque les importations de protéines végétales
représentent désormais plus de 80 % des besoins.
Nos seuls fournisseurs mondiaux de protéines végétales, en particulier le soja, sont les Etats-Unis, le Brésil et l'Argentine.
Je ne saurais trop insister sur l'enjeu stratégique, et non simplement financier, que représentent les protéines végétales,
base de l'alimentation des animaux, et donc des hommes.
Je souhaite rappeler certains faits.
En 1974, l'embargo des Etats-Unis sur le soja avait mis en évidence les risques d'une telle dépendance. La mobilisation
autour d'un plan national de culture des plantes riches en protéines avait permis de faire nettement diminuer la dépendance
française. Malheureusement, certaines concessions faites aux Etats-Unis lors des négociations de Blair House ont entraîné
une limitation des surfaces d'oléagineux et une baisse des surfaces en pois protéagineux. Tous les efforts entrepris depuis
vingt ans ont été réduits à néant puisque nous sommes de plus en plus dépendants du continent américain pour satisfaire
nos besoins.
En conséquence, dans la perspective des prochaines négociations mondiales, il est indispensable que la France manifeste,
par le vote d'un amendement à la loi d'orientation agricole, sa volonté de refuser une telle dépendance protéique et de
lever les freins actuels à l'accroissement des surfaces cultivées. Il est aussi indispensable que la France puisse rallier ses
partenaires européens à cette cause légitime.
Conscients du danger, les professionnels de la filière de production de plantes riches en protéines ont posé les bases d'un
nouveau plan « protéines ». Le Gouvernement apportera-t-il son soutien à ce plan et entendra-t-il l'intégrer en priorité
dans sa politique agricole ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à présenter les excuses de mon collègue
M. Le Pensec, qui, retenu à Bruxelles par des réunions concernant la politique agricole commune, m'a prié de répondre à
sa place aux différentes questions qui lui ont été adressées.
Comme vous l'indiquez, monsieur le sénateur, alors que la demande mondiale en matières riches en protéines augmente en
moyenne de 4 millions de tonnes par an, dont environ 1 million pour l'Union européenne depuis 1992, la production de la
Communauté européenne s'est stabilisée autour de 14 millions de tonnes. Le taux d'autosuffisance européen tend donc à
diminuer progressivement, et 70 % des besoins de l'Union sont désormais assurés par des importations, notamment de
tourteaux de soja.
En réponse à cette situation, et compte tenu du rôle capital des protéines végétales, tant dans l'alimentation animale que
dans l'alimentation humaine, les professionnels du secteur ont suggéré, à la fin de 1996, la mise en place d'un nouveau «
plan protéines », largement soutenu par les pouvoirs publics.
Aux termes de ce plan, il est proposé, entre autres pistes, de porter une attention renforcée au développement de celles
des cultures protéagineuses qui échappent à toute contrainte de production dans le cadre des accords du GATT. Les pois
protéagineux constituent, en effet, un atout majeur pour réduire notre dépendance en protéines végétales, notamment
celles qui sont destinées à l'alimentation animale, et pour assurer une nécessaire diversification du marché des matières
premières.
Par ailleurs, à l'échelon communautaire, la France a demandé fermement un relèvement des aides à la culture des graines
protéagineuses, tout comme elle s'est attachée à soutenir l'aménagement du régime des aides en faveur des fourrages, afin
de maintenir le développement de ces productions dont les qualités agronomiques, écologiques et stratégiques sont
indéniables.
En ce qui concerne les oléagineux, la situation est différente, car le soutien à leur production est limité par deux contraintes
issues des accords de Blair House sur le commerce mondial qui, d'une part, imposent une surface maximale garantie à
l'échelle communautaire et, d'autre part, limitent à 1 million de tonnes de sous-produits les cultures oléagineuses produites
sur jachère. Dans l'ensemble, cette situation relève donc avant tout de décisions communautaires, et non de la loi
française.
Les dispositions intéressant ce secteur représentent d'ailleurs un des volets importants des propositions de la Commission
sur la réforme de la politique agricole commune.
Dans ces propositions, les cultures de pois devraient bénéficier, après la réforme, de mesures spécifiques avec,
notamment, la mise en place d'une aide supérieure à celle dont bénéficient les cultures céréalières.
Ce problème est primordial dans la négociation sur le volet « grandes cultures » de ces propositions. M. Le Pensec a déjà
eu l'occasion d'insister, à Bruxelles, à de multiples reprises, sur l'importance de l'enjeu, et croyez bien qu'il continuera à le
faire dans l'avenir pour aboutir à une solution qui préserve l'équilibre de ces cultures ainsi, bien évidemment, que le revenu
de leurs producteurs.
S'agissant des oléagineux, la Commission propose d'aligner leur traitement sur celui des céréales en leur appliquant une
aide identique à celle dont bénéficient ces produits. Certes, comme l'indique la Commission, cela pourrait nous exonérer
des contraintes de Blair House. Mais à quel prix ? Celui, vraisemblablement, de décourager leur culture au bénéfice des
céréales et de réduire considérablement les revenus des producteurs.
La France a donc affirmé, dans le cadre du Conseil des ministres de l'agriculture, que les propositions étaient tout à fait
insuffisantes et qu'il fallait plutôt envisager un dispositif de soutien supplémentaire tant pour la culture des pois que pour
celle des graines oléagineuses. Nous espérons bien être entendus.
M. Jean Bizet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Je vous remercie, madame le ministre, de m'avoir fait part de la réponse de M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche, qui semble avoir pris conscience du délicat problème que j'ai évoqué, ce dont je me réjouis.
Je me permettrai, cependant, d'insister sur un certain nombre d'éléments qui vont, dans les mois et les années à venir,
compliquer la situation.
Je mentionnerai d'abord l'augmentation de la production de viande blanche provenant d'animaux qui sont beaucoup plus
consommateurs de protéines végétales que les animaux à viande rouge.
Par ailleurs, l'éventuelle interdiction de l'incorporation de protéines animales dans les farines de viande va contraindre la
France à importer 700 000 tonnes de soja supplémentaires.
A cela s'ajoute la croissance de la demande émanant des pays d'Europe centrale et orientale ainsi que des pays d'Asie.
Il était temps que M. Le Pensec prenne la mesure de ce problème puisque c'est en 1999 que l'Organisation mondiale du
commerce se mettra en place. En effet, au-delà d'une stratégie purement financière, c'est toute l'indépendance protéique
de la France et de l'Europe qui est en jeu.

- page 584

Page mise à jour le