Question de M. FAYOLLE Gérard (Dordogne - RPR) publiée le 03/10/1997

M. Gérard Fayolle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les incidences de la disparité des taux de TVA applicables au secteur de la restauration.

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Transmise au ministère : Budget


Réponse du ministère : Budget publiée le 05/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 04/11/1997

M. Gérard Fayolle. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à appeler votre attention sur la disparité des taux de TVA applicables aux
professions de la restauration et sur les incidences d'un telle situation, qui a d'ailleurs déjà été évoquée ce matin par mon
collègue M. Daniel Goulet.
Je me permets cependant d'insister sur ce problème complexe car il n'a pas reçu de solution satisfaisante pour le moment.
Les hôtels-restaurants supportent un taux de TVA de 20,6 %, alors que les ventes à emporter, c'est-à-dire la restauration
dite « rapide », sont assujetties, elles, à un taux réduit de 5,5 %.
Cette inégalité de traitement défavorise un secteur déjà fragilisé, celui de l'industrie hôtelière, où les entreprises ont vu leur
chiffre d'affaires diminuer de 25 % en cinq ans, selon les données de l'INSEE.
Le Gouvernement, puisqu'il a été déclaré que l'emploi était sa priorité, ne devrait-il pas, dans ces conditions, envisager
l'application du taux réduit de TVA ? Ce serait d'autant plus envisageable que le Parlement européen s'est lui-même
prononcé en faveur d'un tel taux pour toutes les activités de restauration ?
Il semble en effet évident que le maintien d'un différentiel de quinze points entre différents types de restauration, surtout
dans une période où un nombre de plus en plus important de nos concitoyens connaissent des difficultés économiques,
confère une attractivité à l'activité qui est la moins taxée et donc la moins onéreuse pour eux.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que j'ai interrogé à ce propos voilà plusieurs semaines a donné
récemment quelques éléments de réponse à l'un de mes collègues, et Mme le secrétaire d'Etat au tourisme les a confirmés
ce matin.
M. Strauss-Kahn a tout d'abord indiqué qu'« il n'y a pas d'exception française en ce domaine », dans la mesure où
d'autres Etats membres de l'Union européenne « appliquent aux opérations de vente à consommer sur place des taux de
TVA compris entre 15 % et 25 %. »
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, mais, sur les quinze Etats membres de l'Union, huit, notamment les principaux
concurrents de la France sur le marché touristique, appliquent un taux réduit à la restauration : Espagne, 7 % ; Grèce, 8 %
; Italie, 10 % ; Portugal, 12 %.
Parmi les sept autres, la Grande-Bretagne et l'Allemagne pratiquent des taux inférieurs au taux français, soit
respectivement 17,5 % et 15 %.
Par ailleurs, alléguer la directive du 19 octobre 1992 et prétendre que « seuls les Etats membres qui, au 1er janvier 1991,
appliqueraient à la restauration un taux réduit ont été autorisés à le maintenir à titre transitoire », c'est faire l'impasse sur
l'existence de précédents qui n'ont pas donné lieu à plainte de la Commission.
En effet, la Grèce et l'Espagne ont étendu, postérieurement au 1er janvier 1991, le bénéfice du taux réduit à toutes les
formes de restauration. Le cas du Portugal est encore plus révélateur : la restauration est passée d'un taux réduit de 8 %
en 1991 à un taux normal de 17 %, pour revenir, en juillet 1996, à un nouveau taux réduit de 12 %.
Dans ces conditions, on voit mal pourquoi une initiative de la France en faveur d'un taux réduit applicable à toutes les
formes de restauration pourrait être critiquable, d'autant moins, d'ailleurs, que, dans le cadre du régime transitoire de TVA
européenne actuellement en vigueur, elle peut faire valoir qu'au 1er janvier 1991 elle appliquait un taux réduit à une large
majorité de prestations de restauration, qu'il s'agisse de la fourniture de repas aux cantines de collectivités, de la
restauration à emporter et livrée à domicile et de la restauration sur place dans les surfaces inférieures à 10 mètres carrés,
soit de 56 % du total des prestations.
Dans ces conditions, il semble que rien ne s'oppose valablement à une baisse du taux de la TVA de la restauration dite «
sur place ». Une telle disposition pourrait avoir un effet bénéfique non seulement sur la santé des entreprises concernées
et, par répercussion, sur l'emploi, mais aussi, au bout du compte, sur les recettes fiscales de l'Etat.
Compte tenu de ces considérations, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement va-t-il, comme l'ont fait d'autres Etats
membres de l'Union, placer toute la restauration française sous le régime dérogatoire prévu par l'article 28-2 de la 6e
directive européenne et lui appliquer un taux réduit de TVA ?
M. Emmanuel Hamel. Ce serait une bonne disposition !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous avez exposé avec une grande précision
la question, très complexe, de la différence des taux de TVA appliqués, d'une part, à la restauration, d'autre part, à
certaines ventes à emporter.
Vous savez que ce sujet a fait l'objet de discussions très nombreuses dans un passé récent, et je voudrais vous apporter
une réponse aussi précise que possible.
Pour résorber la disparité que vous avez soulignée, deux voies sont possibles. La première est celle que vous
recommandez, qui consisterait à abaisser le taux normal de 20,6 % de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à la
restauration pour l'aligner sur celui qui est applicable aux ventes à emporter, c'est-à-dire 5,5 %.
Mais cette solution n'est pas possible.
En effet, la directive européenne du 19 octobre 1992 relative au rapprochement des taux de taxe sur la valeur ajoutée
prévoit que les Etats membres qui, au 1er janvier 1991, appliquaient le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée à la
restauration, doivent continuer de l'appliquer. En principe, seuls les Etats membres qui, à cette date, soumettaient la
restauration au taux réduit, ont été autorisés à maintenir ce taux réduit à titre transitoire.
Sur le plan communautaire, malgré les exceptions que vous avez citées, cette voie est très difficile, pour ne pas dire sans
issue. Cela dit, vous avez apporté des arguments que le Gouvernement va examiner avec soin.
J'ajoute un élément qui me paraît important en tant que secrétaire d'Etat au budget, c'est le coût budgétaire de la mesure
que vous proposez, qui serait de l'ordre de 20 milliards de francs.
Ce coût serait très difficilement compatible avec les contraintes en matière de finances publiques.
La seconde voie permettant de résorber ces disparités consisterait, à l'inverse, à porter le taux applicable aux ventes à
emporter de 5,5 %, taux actuel, à 20,6 %.
Cette voie est compatible avec le droit européen. Mais elle pose deux problèmes très sérieux.
Tout d'abord, le taux de 5,5 % concerne une grande variété de situations. Ce taux vise en effet les ventes de produits
alimentaires ou de plats préparés effectués par les traiteurs, les fast-foods, les sandwicheries, etc., et il serait très difficile,
mais ce n'est pas ce que vous avez suggéré, de limiter cette mesure aux seules ventes faites par les fast-foods.
M. Emmanuel Hamel. La restauration rapide !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ensuite, cette mesure, qui se traduirait inévitablement par une augmentation
des prix, pénaliserait une clientèle qui est plutôt constituée de jeunes et de personnes de condition modeste.
Il est clair que le Gouvernement ne souhaite pas s'engager dans cette voie.
Il convient par ailleurs de souligner, pour prolonger le débat que vous avez ouvert, que la restauration et la vente à
emporter sont deux opérations différentes. Il n'est donc pas anormal que ces deux formes de vente soient soumises à des
taux de taxe sur la valeur ajoutée différents.
En fait, la vraie difficulté est que certains établissements qui bénéficient du taux réduit pour des ventes de plats à emporter
pourraient profiter de l'existence de deux taux pour appliquer le taux réduit à des plats qui seraient consommés sur place.
La véritable difficulté, c'est la distorsion de concurrence qui pourrait exister au détriment des restaurateurs. Le
Gouvernement partage entièrement votre sentiment : une telle distorsion serait inacceptable.
J'ai donc demandé à mes services de veiller à ce que le taux réduit soit exclusivement appliqué aux opérations de vente à
emporter, tout particulièrement dans les établissements qui procèdent à la fois à des ventes à emporter et à des ventes à
consommer sur place. Des contrôles seront effectués et, si des abus sont constatés, ils seront punis.
Le Gouvernement est très attentif à la situation de la restauration française sur laquelle vous avez attiré son attention et il
veillera à ce que ce secteur bénéficie de conditions équitables dans l'exercice de son activité.
M. Gérard Fayolle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fayolle.
M. Gérard Fayolle. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la clarté et de la précision de votre réponse.
Malheureusement, elle n'apporte pas une solution globale à un problème que nous savons complexe. Je relève cependant
une esquisse de règlement : on peut en effet gagner en précision sur la définition des activités.
C'est important, parce que les professionnels ne comprennent pas, surtout dans un département de tourisme « vert »
comme la Dordogne, cette différence de traitement entre deux activités qui sont tout à fait semblables, l'une étant
gravement pénalisée, celle du terroir, et l'autre étant beaucoup moins pénalisée, celle qui porte un nom américain !

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