Question de Mme BIDARD-REYDET Danielle (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 03/10/1997

Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le Premier ministre sur les préoccupations des habitants vivant dans la cité des Courtillières à Pantin. En effet, les actes de vandalisme répétés dans un laps de temps court dans une école de ce quartier ont eu pour effet d'accroître un climat de grande tension chez les habitants et les personnels de l'éducation nationale qui ne supportent plus d'être les victimes de cette violence. Ce quartier de Pantin est classé en " zone urbaine sensible " car il cumule un certain nombre de difficultés liées à la situation de précarité et de chômage de nombreuses familles. L'échec scolaire est important. La violence, l'insécurité et la dégradation des bâtiments publics sont fréquents. Les élus, les associations, les partenaires sociaux, les habitants n'ont cessé d'alerter les pouvoirs publics depuis plusieurs années sur la détérioration des conditions de vie dans ce quartier. A leur initiative, des actions ont été menées pour exiger des services publics de qualité et en nombre suffisant ; une école répondant non seulement aux normes administratives mais surtout aux besoins réels des enfants de la maternelle au collège, un poste de police avec un personnel présent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, un bureau de poste et une agence EDF. La population des Courtillières veut rompre son isolement, obtenir une réhabilitation lourde des bâtiments dégradés de la SEMIDEP, recréer des liens sociaux, de solidarité et d'humanité dans son quartier. Compte tenu de l'urgence de la situation des Courtillières, elle lui demande de satisfaire les mesures concrètes souhaitées par la population pour l'avenir de ce quartier.

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Transmise au ministère : Emploi


Réponse du ministère : Santé publiée le 29/10/1997

Réponse apportée en séance publique le 28/10/1997

Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question a trait à la qualité de la vie dans le quartier
des Courtillières à Pantin, où 2 000 logements abritent quelque 6 000 habitants dont beaucoup connaissent des difficultés
: chômage, précarité de l'emploi, échec scolaire, délinquance, voire violence.
Aujourd'hui un effort exceptionnel doit être fait pour répondre à la spécificité de ce quartier et aux besoins de plus en plus
fortement exprimés par sa population, qui veut le revivifier, le redynamiser et recréer des liens de solidarité, ce à quoi les
habitants s'emploient régulièrement.
Deux séries de difficultés peuvent être évoquées : d'une part, celles qui sont liées au manque de postes et de structures du
secteur public ; d'autre part, celles qui sont liées à la présence de logements dégradés de la SEMIDEP, propriétés de la
ville de Paris.
En ce qui concerne tout d'abord l'école, un incident récent a souligné ses dysfonctionnements. Un travail important est
engagé par les parents d'élèves, les enseignants, les élus et l'ensemble des locataires pour lutter contre l'échec scolaire.
Les enfants méritent une attention particulière, un travail plus individualisé, plus soutenu, afin de favoriser la réussite
scolaire.
Le collège a déjà été reconnu zone sensible et bénéficie de moyens supplémentaires, ce qui s'est traduit par une nette
amélioration des résultats scolaires : les taux de succès au BEPC est passé de 25 à 45 %.
Mais, alors que les mêmes familles, connaissant les mêmes difficultés, sont concernées, peu d'efforts suivis sont consacrés
aux besoins des classes maternelles et primaires.
En 1992, déjà, j'attirais l'attention du Gouvernement sur ce fait et le maire de Pantin engageait la rédaction d'une charte
pour l'école mettant l'accent sur les améliorations nécessaires.
Aujourd'hui, il conviendrait de classer en ZEP la totalité du quartier et d'accorder à ce dernier des moyens correspondant
à ses besoins.
Les chefs d'établissements doivent être déchargés de certaines tâches afin de leur permettre d'organiser des rencontres
avec les parents et de s'impliquer dans l'aide aux enfants en difficulté. Les équipes d'enseignants doivent être renforcées
afin d'éviter les classes à double niveau et les effectifs trop lourds réduits - un CM1 et un CM2 comptent trente élèves à
l'école Jean-Jaurès. Il faut aussi remettre à la disposition des enfants les deux instituteurs spécialisés détournés vers
d'autres tâches. Enfin, compte tenu des difficultés multiples, des enseignants expérimentés capables de surmonter
efficacement celles-ci doivent être prioritairement nommés.
Autre attente des habitants : l'ouverture d'un bureau de poste et d'une agence EDF-GDF. Dans les deux cas, il s'agit de
favoriser les contacts avec la population et d'établir une certaine solidarité associant accueil et aides aux personnes en
difficulté.
Quant aux problèmes d'insécurité, nous savons bien qu'ils sont directement liés à la crise de la société, c'est-à-dire au
chômage, à la précarité, à l'échec scolaire, à la misère morale et matérielle. Cependant la présence d'un poste de police
nationale, avec la création d'un véritable îlotage vingt-quatre heures sur vingt-quatre, permettant d'exercer la surveillance,
la prévention et les interventions nécessaires au quotidien, serait déjà un moyen de sécuriser la population la plus
vulnérable.
Enfin, comment passer sous silence les conséquences désastreuses pour le quartier des 800 logements de la SEMIDEP,
propriétés de la ville de Paris ? Ces habitations sont très dégradées depuis déjà de nombreuses années sans qu'aucune
réhabilitation digne de ce nom n'ait été entreprise par le propriétaire. Un constat d'huissier de 1996, confirmant celui de
1988, souligne en outre un manque de conformité entre les factures d'entretien et les prestations réelles.
Le maire souhaite, en coopération avec la SEMIDEP, obtenir la dévolution de ces biens, tant pour la gestion que pour la
mise en oeuvre de la réhabilitation. Il serait en effet totalement anormal que le produit des loyers et des charges que
versent depuis de nombreuses années les locataires ne soit pas réinvesti pour couvrir les importants frais de réparation et
de réhabilitation qu'il est nécessaire d'engager.
M. le secrétaire d'Etat, le maire et les élus de la ville de Pantin s'impliquent pour retisser les liens sociaux dans ce quartier.
Ils sont à l'origine d'un centre municipal de santé, d'une bibliothèque et de la construction d'une nouvelle maison de
quartier. Le département de la Seine-Saint-Denis participe à cet effort en subventionnant trois éducateurs de prévention.
L'Etat n'a pas le droit de se dérober : des emplois doivent être créés pour l'école, pour le bureau de poste, pour l'antenne
EDF-GDF et pour le commissariat de police. J'attends votre réponse. Il s'agit, vous en conviendrez, d'une question de
solidarité ; si la volonté politique est réelle, nous pourrons obtenir rapidement des résultats positifs.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame le
sénateur, je partage pleinement la préoccupation que vous avez exprimée. Toutefois, je ne puis répondre aux demandes
multiples et sans doute justifiées relatives à ce quartier de Pantin, puisqu'elles s'adressent surtout aux ministres de l'intérieur
et de l'éducation nationale. Je puis simplement m'en faire le relais auprès d'eux.
A propos de la cité des Courtillières et des actes de vandalisme dont a été victime un établissement scolaire du quartier, je
formulerai quelques remarques et esquisserai certaines réponses.
Cette cité en difficulté comporte une nombreuse population de jeunes ayant des difficultés d'insertion que nous
connaissons bien et que vous avez rappelés. Elle souffre sans doute également de son isolement par rapport aux autres
quartiers. Ces deux caractéristiques ont justifié son inscription parmi les quartiers prioritaires retenus par l'Etat et la ville de
Pantin dans le contrat de ville.
Cette situation n'est, hélas ! pas propre à ce quartier, et le Gouvernement est particulièrement attentif à la mise en place de
contrats locaux de sécurité - ils seront très prochainement officialisés par une circulaire - et au développement de projets
éducatifs qui mobilisent l'ensemble de ses membres.
J'ai noté votre demande de classement du quartier en zone d'éducation prioritaire : je la transmettrai à mon collègue M.
Claude Allègre.
D'ores et déjà, les services locaux de l'Etat ont pris des mesures. C'est ainsi que, sur l'initiative de l'éducation nationale et
du commissariat de police de Pantin, une action pédagogique, intitulée « Justice au collège », s'adressera aux élèves du
collège Jean-Jaurès.
De plus, l'organisation de matinées pédagogiques associera enseignants et chercheurs, en particulier sur les thèmes de la
proximité et de la sécurité.
Les événements récents sont symptomatiques d'un réel malaise et d'une tension que les acteurs sociaux rencontrent et
analysent dans bien d'autres endroits. La tension tient, vous l'avez dit, au chômage, à la précarité, aux difficultés à trouver
des logements, à l'insalubrité de ceux-ci et, en particulier, de ceux que votre question vise.
Au-delà d'une mobilisation sur le thème de la prévention de la délinquance, mobilisation qui devra être relayée par le
conseil communal de prévention de la délinquance, d'autres réponses sont envisagées.
La réhabilitation du cadre bâti, que vous avez appelée de vos voeux et qui est déjà en grande partie réalisée, sera
parachevée, en particulier pour ce qui concerne le patrimoine de la SEMIDEP. Des solutions financières seront
recherchées, mais ces mesures relèvent de la compétence du ministère du logement.
En ce qui concerne les services publics, qui ne sont pas si mal représentés dans ce quartier, ce qui se justifie par son
enclavement, il faudra en améliorer la qualité et la collaboration.
A propos de l'ouverture du poste de police vingt-quatre heures sur vingt-quatre, je comprends, madame, votre attente et
même votre impatience.
Comme vous le savez, M. le Premier ministre a confié une mission à Roland Carraz, député, et à votre collègue
Jean-Jacques Hyest afin d'étudier et de mettre en oeuvre le redéploiement des effectifs et des moyens nécessaires sur la
base d'une géographie des priorités face aux phénomènes de violence urbaine et d'insécurité. Je ne doute pas qu'à l'issue
du colloque gouvernemental de Villepinte, c'est-à-dire dans quelques jours des réponses soient apportées aux questions
que vous soulevez, qui, hélas ! ne concernent pas que Pantin et nous imposent d'établir des priorités.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis, bien sûr, très intéressée par la réponse longue et
argumentée que vous m'avez présentée, dont je vous remercie, et j'ai bien noté que vous alliez vous faire le relais de mes
préoccupations, qui sont d'ailleurs surtout celles des habitants et sont déjà relayées par les élus.
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, et je sais que vous n'y êtes pour rien, si ma question s'adressait à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité, c'était précisément pour qu'elle puisse être prise en compte sous tous ses aspects.
Vous avez souligné, très justement, que le quartier des Courtillières n'était pas le seul à connaître des troubles. Mais,
monsieur le secrétaire d'Etat, il y a de longues années déjà que les élus du département, notamment les élus de Pantin,
moi-même en particulier, attirent l'attention sur ce quartier, qu'il soit question de l'école, de la sécurité, d'une agence
EDF-GDF ou d'un bureau de poste.
D'ailleurs, lorsque vous me dites que les services publics sont très bien représentés, vous êtes, je le crains, un peu
optimiste. Je crois, moi, qu'ils sont très insuffisamment représentés et qu'un très gros effort est nécessaire.
J'étudierai avec beaucoup d'attention votre réponse et, avec les habitants, nous nous adresserons à qui de droit parce qu'il
faut absolument que nous obtenions satisfaction, c'est-à-dire de véritables améliorations. Quand il y a des moyens, il y a
des résultats, mais sans moyens, et même lorsque la volonté politique existe, on ne peut rien faire.

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