Question de M. ABOUT Nicolas (Yvelines - RI) publiée le 24/10/1997

Question posée en séance publique le 23/10/1997

M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le ministre, sans vouloir revenir sur vos choix en matière de politique familiale, j'aimerais attirer votre attention
sur les conséquences parfaitement antisociales des mesures fiscales que vous avez prises concernant les personnes
handicapées.
En tant que parlementaire, mais aussi en tant que médecin, permettez-moi de vous dire combien je suis scandalisé par les
attaques successives dont ces personnes sont la cible depuis quelques mois. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Au mois de juin dernier, lors de son discours de politique générale, M. le Premier ministre nous annonçait avec fracas la
hausse du SMIC de 4 %. C'est bien, sauf qu'il est une chose qu'on ignore : pour la première fois depuis 1981, les minima
sociaux - minimum vieillesse, allocation adulte handicapé et allocation compensatrice tierce personne - traditionnellement
indexés sur le SMIC, n'ont pas été revalorisés.
Contraintes d'augmenter de 4 % les personnes qu'elles embauchent pour les aider à accomplir les actes « essentiels » de
la vie, les handicapés n'ont pas vu leurs revenus augmenter. C'est d'autant plus grave que celui-ci se limite aux deux tiers
d'un SMIC !
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela vous préoccupait moins il y a quelque temps.
M. Nicolas About. Il en est résulté un recul sans précédent de leur niveau de vie qui, à ce stade devient critique.
Aujourd'hui, vous vous en prenez aux déductions fiscales liées aux emplois à domicile. Et ce sont à nouveau les personnes
dépendantes qui en sont les principales victimes !
Prenons l'exemple d'une personne handicapée qui emploie, à ses frais, une tierce personne deux heures par jour. Payée
au SMIC, cette tierce personne lui coûte à peu près 2 500 francs par mois, charges comprises. Au bout d'un an, il lui en
coûtera 30 000 francs, soit un dépassement de 8 000 francs par rapport au seuil de déductions fiscales que vous avez
fixé. Il en résulte, pour cette personne, une perte de 4 000 francs non déductibles sur sa feuille d'impôt, soit l'équivalent
d'un mois d'allocations !
M. René Régnault. Les handicapés ne payent pas l'impôt sur le revenu ; ils ne sont guère concernés par les mesures
fiscales !
M. Nicolas About. Pour les personnes en situation de dépendance, l'aide au maintien à domicile n'est pas un luxe,
madame le ministre ! C'est un droit. C'est une nécessité, d'abord parce que cette aide répond à une aspiration profonde
des personnes concernées, ensuite parce qu'elle s'incrit en faveur d'une politique nouvelle de l'emploi et, enfin, parce
qu'elle contribue à l'équilibre des comptes sociaux.
J'ajoute, pour finir, que vous vous apprêtez à augmenter de quatre points la CSG sur les pensions d'invalidité que touchent
les personnes se trouvant en incapacité de travail du fait de leur handicap, sans tenir compte des surcoûts que
représentent pour ces personnes la perte d'un emploi, la nécessité d'acquérir un logement et un véhicule adaptés à leur
handicap et, enfin, l'achat d'un fauteuil roulant.
Plusieurs sénateurs sur les travées socialistes. La question !
M. Nicolas About. Je suis très perturbé par les interruptions. Je pense que le sort des handicapés devrait au moins
susciter le respect ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
Ma question sera simple, madame le ministre. Comment allez-vous faire croire aux trois millions de personnes
handicapées qui vivent à domicile que vous faites preuve de justice sociale, alors que vous les privez des rares moyens
dont elles disposent pour rester chez elles et accéder ainsi à une vie plus digne et plus autonome ? En bref, que
comptez-vous faire pour les personnes handicapées ? (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 24/10/1997

Réponse apportée en séance publique le 23/10/1997

M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je participais vendredi à la
Journée de la dignité avec l'Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés, l'UNAPEI, dont la présidente
a remercié le Gouvernement pour la part des crédits consacrés, dans le projet de budget pour 1998, aux handicapés !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Cette juste cause que vous souhaitez défendre et qui est celle des handicapés ne mérite ni erreurs ni amalgames. De plus,
nous pouvons parler de ces sujets autrement que de la manière dont vous l'avez fait !
Je vous rappelle que 2 000 places de centres d'aide par le travail, les CAT, sont inscrites dans le projet de budget pour
l'année prochaine. Je vous rappelle aussi que nous avons réservé, sans aucune condition, les emplois-jeunes à tous les
jeunes handicapés de moins de trente ans. Je vais vous rappeller enfin, puisque vous en avez parlé, comment se pose
aujourd'hui le problème des modes de garde, notamment des modes de garde à domicile.
Il faut dire les choses simplement. Vous avez relevé un exemple que je vais reprendre. Vous conviendrez avec moi que
bien peu de personnes handicapées paient plus de 22 500 francs d'impôt, du fait de leur faible niveau de ressources et de
la demi-part supplémentaire dont elles bénéficient. L'abaissement de 90 000 francs à 45 000 francs du plafond de la
réduction d'impôts liée aux emplois familiaux touche très peu de personnes handicapées.
M. Nicolas About. Ce n'est pas vrai ! il y a la famille !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais aussi vous rappeler que la rémunération des
tierces personnes à domicile est exonérée à 100 % des charges de sécurité sociale, que cette exonération est cumulable
avec les réductions d'impôt au titre des emplois familiaux, ce qui ramène le coût réel de l'aide à domicile à environ 25
francs de l'heure.
En revanche, il y a un vrai problème que vous n'avez pas évoqué, c'est celui de la disparité de traitement des personnes
handicapées selon les départements.
M. Gérard Larcher. Ce n'est pas la question !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais c'est pourtant le problème !
Aujourd'hui, pour les personnes handicapées, comme pour les personnes âgées, je suis en train de dresser un bilan afin de
savoir pourquoi certains départements ont effectivement des institutions avec des professionnels, pourquoi, dans d'autres,
les lits sont insuffisants, et pourquoi on est obligé de pratiquer le gré à gré à domicile sans professionnalisation parce que
l'aide est insuffisante.
M. Nicolas About. Vous n'avez pas répondu à la question !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai évoqué cette question devant votre commission
hier, puisque la prestation spécifique dépendance, la PSD, qui résulte d'une proposition sénatoriale, ne satisfait aujourd'hui
ni ceux qui en sont les bénéficiaires ni les professionnels.
Par conséquent, monsieur le sénateur, nous reparlerons de ce vrai sujet, qui est réel celui-là, beaucoup plus que celui que
vous avez évoqué ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)

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