Question de Mme BIDARD-REYDET Danielle (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 10/10/1997

Question posée en séance publique le 09/10/1997

M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres,
mes chers collègues, de tout petits enfants que l'on égorge, de toute jeunes filles enlevées, torturées et démembrées, des
enseignantes assassinées devant leurs propres élèves, des ouvriers, des paysans, des femmes, des hommes, des enfants
massacrés, cette succession macabre de tueries soulève une émotion considérable.
C'est tout le peuple algérien que l'on veut faire taire, mais c'est tout un peuple qui ne se tait pas et qui résiste.
Comment rester indifférent devant ces massacres quotidiens ?
Comment affirmer notre solidarité avec tous ceux qui, en Algérie comme en France, refusent l'insupportable ?
Ma question comporte trois points.
Premièrement, quelle intervention pouvez-vous mettre en oeuvre auprès des pays de l'Union européenne, notamment
l'Allemagne et la Grande-Bretagne, pour qu'ils cessent de laisser s'organiser sur leur territoire la propagande, la collecte
de fonds, l'achat des armes et le recrutement des intégristes qui tuent en Algérie ?
Deuxièmement, comment pouvez-vous alléger, dans le respect de la sécurité des deux pays, le dispositif de circulation
entre la France et l'Algérie, d'une part, pour permettre aux plus menacés de trouver momentanément repos dans notre
pays et, d'autre part, pour permettre aux familles algériennes ou issues d'Algérie vivant en France d'aller apporter
solidarité et réconfort aux leurs ?
Troisièmement, enfin, comment renforcer les actions des organisations non gouvernementales tel le Secours populaire
français qui organisent les aides concrètes, notamment par l'accueil en France d'enfants algériens, l'équipement de lieux
d'urgence en Algérie pour soulager ceux qui fuient les massacres, l'envoi de produits alimentaires, de médicaments, de
fournitures scolaires et universitaires, pour que la vie continue ?
Avec votre aide, monsieur le ministre, c'est le civisme quotidien du peuple algérien que nous voulons saluer et soutenir.
C'est un devoir d'humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les
travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 10/10/1997

Réponse apportée en séance publique le 09/10/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires
européennes. Madame le sénateur, je réponds à votre question en lieu et place de M. Hubert Védrine, actuellement
retenu par une tournée importante en Afrique, notamment en Afrique subsaharienne.
Nous sommes bouleversés par les actes de barbarie et les atrocités commis en Algérie. Les derniers événements ont
soulevé dans notre peuple une vague profonde et unanime d'indignation et de compassion.
La société française, à travers le Gouvernement, exprime son entière solidarité avec la population algérienne.
Face à une situation aussi dramatique et aussi complexe, la France est dans une position particulière, liée à son histoire, à
sa proximité avec l'Algérie, aux liens denses et multiples que les peuples français et algérien ont tissés ensemble depuis
longtemps.
Dans ces conditions particulières, le Gouvernement souhaite agir utilement en tenant compte des impératifs et des
contraintes qui s'imposent à lui.
Les positions françaises sont connues. Comme nous n'avons jamais cessé de le faire, nous dénonçons avec force le
terrorisme et la violence aveugle qui frappe l'Algérie. La population algérienne a légitimement droit à être protégée. Sans
nous ingérer en aucune façon dans les affaires intérieures algériennes, nous réaffirmons l'importance d'une solution
politique et démocratique authentique élaborée par les Algériens eux-mêmes.
Comme M. le ministre des affaires étrangères l'a indiqué la semaine dernière, nous sommes disponibles pour appuyer
toute forme d'action de la communauté internationale pour autant qu'elle soit de nature à favoriser la résolution politique et
pacifique de la crise algérienne en accord avec toutes les parties qui refusent la violence.
Au-delà de cette prise de position générale, nous agissons concrètement pour marquer notre solidarité avec l'Algérie. J'en
donnerai quelques exemples.
Le premier exemple concerne la lutte contre le terrorisme islamiste en Europe et la coopération policière.
La France condamne sans réserve le terrorisme sous toutes ses formes. Elle le combat avec détermination, en liaison aves
ses partenaires. Au niveau européen, je peux vous assurer qu'une coopération et une concertation très étroites existent
entre les services de police des Etats membres afin d'identifier les militants extrémistes et de déjouer les menaces
terroristes. Nous travaillons à renforcer encore cette coopération.
Le deuxième exemple vise la politique des visas. Le Premier ministre s'est exprimé clairement sur ce point : le
Gouvernement est favorable à un assouplissement de la politique des visas pour tous ceux qui craignent pour leur vie en
Algérie. Je vous confirme donc que nous allons améliorer les conditions dans lesquelles sont aujourd'hui examinées et
instruites les demandes de visa. Des dispositions administratives sont en particulier prises pour accélérer les délais de
traitement des dossiers.
Le troisième exemple a trait à l'asile politique.
Comme vous le savez, le Gouvernement déposera dans quelques jours sur le bureau du Parlement un projet de loi sur
l'entrée, le séjour des étrangers et l'asile, qui fera suite aux propositions du rapport Weil. A cette occasion, le
Gouvernement proposera à votre assemblée de reconnaître le statut de réfugié aux combattants de la liberté, c'est-à-dire
à ceux qui sont menacés dans leur vie en raison de leur action en faveur de la démocratie.
Enfin, le dernier exemple est celui de la coopération avec l'Algérie.
En dépit de l'évolution dramatique de la situation algérienne depuis 1992, la coopération culturelle, technique et
scientifique n'a jamais été interrompue. Les actions de formation, en particulier, se poursuivent à un rythme soutenu. Le
Gouvernement entend poursuivre cette politique. L'abandonner reviendrait en effet à infliger une souffrance
supplémentaire à la population algérienne, déjà profondément éprouvée, et à laquelle je renouvelle, au nom du
Gouvernement, au nom de la France, notre solidarité. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)

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