Question de M. DUSSAUT Bernard (Gironde - SOC) publiée le 07/08/1997

M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation en France des demandeurs d'asile. En effet, certains étrangers éprouvent de grandes difficultés à faire enregistrer leur demande d'asile, que ce soit à une frontière ou au niveau d'une préfecture. Il lui semble essentiel que chaque demandeur d'asile puisse avoir droit à un examen individuel et approfondi de sa demande et à un entretien avec les autorités responsables afin qu'aucun ne puisse être renvoyé vers un pays où il risquerait pour sa vie, sa liberté ou sa sécurité. Il lui paraît donc souhaitable que soit facilitée la présence régulière des associations dans les zones dites " d'attente " et que soient révisées les conditions d'attribution de l'aide juridictionnelle afin que tous les demandeurs puissent bénéficier de l'assistance d'un avocat à l'occasion de l'examen de leur dossier par la Commission des recours des réfugiés. Il lui demande s'il a l'intention de donner suite à ces suggestions.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 04/09/1997

Réponse. - Le droit d'asile est un principe de valeur constitutionnelle au respect duquel le Gouvernement attache la plus haute importance. Il s'exerce en France selon deux modalités distinctes et complémentaires, destinées à permettre à un ressortissant étranger d'entrer sur le territoire et d'y séjourner afin de présenter une demande à l'OFPRA en vue d'obtenir le statut de réfugié politique. L'asile à la frontière concerne les personnes qui se présentent à la frontière, notamment aux aéroports d'Orly et de Roissy, et sollicitent l'autorisation d'entrer en France au titre du droit d'asile. Le principe est alors celui du droit d'accès au territoire, sauf demande " manifestement infondée ". Une procédure extrêmement minutieuse définie par un décret du 27 mai 1982 et une loi du 6 juillet 1992 est mise en oeuvre pour examiner chaque cas : entretien sur place avec un agent de l'OFPRA détaché auprès du ministère des affaires étrangères, puis décision du ministre de l'intérieur sur la base d'un avis du ministre des affaires étrangères. Sont qualifiées de manifestement infondées les demandes étrangères au champ d'application de la Convention de Genève, ou reposant à l'évidence sur des déclarations dénuées de substance. En application de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le demandeur d'asile à la frontière est placé en zone d'attente pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par le ministère de l'intérieur. Le maintien est de 4 jours par décision administrative et de 8 jours renouvelables, une fois par décision judiciaire, soit une période maximale de maintien en zone d'attente de 20 jours. Le ressortissant étranger est libre de quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin et communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix. Le HCR dispose d'un droit d'accès en zone d'attente ainsi que cinq associations humanitaires habilitées, chacune à raison d'une visite par trimestre et par site. Sur environ 500 demandes d'asile à la frontière chaque année, plus de la moitié reçoit une réponse favorable, les autres étant manifestement infondées. L'asile sur le territoire concerne les ressortissants étrangers se trouvant sur le territoire français qui sollicitent une autorisation provisoire de séjour pour présenter leur demande à l'OFPRA. Cette procédure concerne aujourd'hui environ 20 000 personnes par an. Le dispositif en vigueur repose sur la règle fondamentale selon laquelle aucun demandeur d'asile ne peut être éloigné avant l'examen de sa demande par l'OFPRA. Le principe est celui de l'admission provisoire au séjour du demandeur d'asile, accordée par le préfet, même si l'intéressé est démuni de tout papier. La préfecture délivre une " autorisation provisoire de séjour " valable un mois pour permettre au ressortissant étranger de présenter sa demande à l'OFPRA, puis un " récépissé " de trois mois, valant autorisation de séjour renouvelable jusqu'à la décision de l'OFPRA. La loi prévoit le caractère suspensif de l'appel devant la Commission des recours des réfugiés, en cas de décision de rejet de l'OFPRA. Tant que la Commission des recours ne s'est pas prononcée, le ressortissant étranger ne peut pas être éloigné. En revanche, le recours en cassation devant le Conseil d'Etat n'est pas suspensif. L'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 permet dans certains cas au préfet de refuser le droit au séjour provisoire de l'intéressé et de demander à l'OFPRA de statuer en priorité, c'est-à-dire en 48 heures. Cette procédure peut notamment jouer en cas de menace pour l'ordre public (très rare), de manoeuvre frauduleuse, abusive ou dilatoire, c'est-à-dire destinée à faire échec à une mesure d'éloignement. Même dans cette hypothèse, le demandeur d'asile ne peut en aucun cas être éloigné avant la décision de l'OFPRA. L'utilisation de l'article 31 bis s'exerce sous le contrôle des juridictions administratives qui ne manquent pas de censurer tout usage abusif éventuel (décision du Conseil d'Etat " Lupu " du 26 mars 1997). L'expérience montre d'ailleurs que les préfets n'utilisent l'article 31 bis que dans des cas exceptionnels (3,4 % des demandes d'asile en 1996). En ce qui concerne la procédure de reconnaissance du statut de réfugié devant l'OFPRA, on observe une augmentation sensible du taux de décisions prises après un entretien par rapport au nombre de décisions prises uniquement sur dossier (45 % en 1996, contre 40 % en 1995). La place de l'avocat dans le cadre de cette procédure est un problème délicat. Il convient en effet de souligner que l'objet de l'entretien vise à établir l'intime conviction de l'officier de protection quant à la réalité des faits invoqués, et à leur adéquation avec les critères de la Convention de Genève. Cette exigence passe par un dialogue singulier dans lequel la spontanéité du demandeur d'asile est une donnée essentielle. Cela exclut la présence d'un tiers. A l'inverse-et c'est la pratique de l'Office-rien ne s'oppose à ce que, au terme de ce dialogue, un tiers puisse, si le demandeur d'asile le souhaite, être entendu. Par ailleurs, le rôle de l'avocat devant un établissement public tel que l'OFPRA est nécessairement différent de ce qu'il est devant une juridiction comme la Commission des recours des réfugiés (CRR). L'accès à l'aide juridictionnelle devant la CRR, telle qu'elle a été définie par la loi du 10 juillet 1991, constitue également un point sensible portant sur les modalités de financement des dépenses liées à l'exercice des frais de justice des demandeurs du statut de réfugié. Il importe, sur ce plan également, de définir un équilibre entre les facilités accordées aux ressortissants étrangers qui sollicitent la reconnaissance de la qualité de réfugié et les principes généraux de l'aide juridictionnelle en France tels qu'ils ont été prévus par la loi. Comme le sait l'honorable parlementaire, une commission présidée par M. Weil a procédé à l'examen de la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers, en vue d'une réforme qui sera élaborée et proposée par le Gouvernement au Parlement dans les mois à venir. L'exercice du droit d'asile et les modalités de reconnaissance du statut de réfugié constituent l'un des points importants de cette réflexion. L'enjeu essentiel est d'assurer une sécurité absolue aux personnes faisant l'objet de persécutions telles que définies par le préambule de la Constitution de 1946 et la Convention de Genève du 28 juillet 1951, tout en se donnant les moyens de lutter efficacement contre d'éventuels détournements ou risques de dévoiement de la procédure d'asile, à des fins autres que la protection de personnes menacées à ce titre. ; l'intéressé et de demander à l'OFPRA de statuer en priorité, c'est-à-dire en 48 heures. Cette procédure peut notamment jouer en cas de menace pour l'ordre public (très rare), de manoeuvre frauduleuse, abusive ou dilatoire, c'est-à-dire destinée à faire échec à une mesure d'éloignement. Même dans cette hypothèse, le demandeur d'asile ne peut en aucun cas être éloigné avant la décision de l'OFPRA. L'utilisation de l'article 31 bis s'exerce sous le contrôle des juridictions administratives qui ne manquent pas de censurer tout usage abusif éventuel (décision du Conseil d'Etat " Lupu " du 26 mars 1997). L'expérience montre d'ailleurs que les préfets n'utilisent l'article 31 bis que dans des cas exceptionnels (3,4 % des demandes d'asile en 1996). En ce qui concerne la procédure de reconnaissance du statut de réfugié devant l'OFPRA, on observe une augmentation sensible du taux de décisions prises après un entretien par rapport au nombre de décisions prises uniquement sur dossier (45 % en 1996, contre 40 % en 1995). La place de l'avocat dans le cadre de cette procédure est un problème délicat. Il convient en effet de souligner que l'objet de l'entretien vise à établir l'intime conviction de l'officier de protection quant à la réalité des faits invoqués, et à leur adéquation avec les critères de la Convention de Genève. Cette exigence passe par un dialogue singulier dans lequel la spontanéité du demandeur d'asile est une donnée essentielle. Cela exclut la présence d'un tiers. A l'inverse-et c'est la pratique de l'Office-rien ne s'oppose à ce que, au terme de ce dialogue, un tiers puisse, si le demandeur d'asile le souhaite, être entendu. Par ailleurs, le rôle de l'avocat devant un établissement public tel que l'OFPRA est nécessairement différent de ce qu'il est devant une juridiction comme la Commission des recours des réfugiés (CRR). L'accès à l'aide juridictionnelle devant la CRR, telle qu'elle a été définie par la loi du 10 juillet 1991, constitue également un point sensible portant sur les modalités de financement des dépenses liées à l'exercice des frais de justice des demandeurs du statut de réfugié. Il importe, sur ce plan également, de définir un équilibre entre les facilités accordées aux ressortissants étrangers qui sollicitent la reconnaissance de la qualité de réfugié et les principes généraux de l'aide juridictionnelle en France tels qu'ils ont été prévus par la loi. Comme le sait l'honorable parlementaire, une commission présidée par M. Weil a procédé à l'examen de la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers, en vue d'une réforme qui sera élaborée et proposée par le Gouvernement au Parlement dans les mois à venir. L'exercice du droit d'asile et les modalités de reconnaissance du statut de réfugié constituent l'un des points importants de cette réflexion. L'enjeu essentiel est d'assurer une sécurité absolue aux personnes faisant l'objet de persécutions telles que définies par le préambule de la Constitution de 1946 et la Convention de Genève du 28 juillet 1951, tout en se donnant les moyens de lutter efficacement contre d'éventuels détournements ou risques de dévoiement de la procédure d'asile, à des fins autres que la protection de personnes menacées à ce titre.

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