Question de M. BALARELLO José (Alpes-Maritimes - RI) publiée le 24/07/1997

Dans une récente intervention devant la Compagnie européenne de courtage d'assurances et de réassurances, le procureur général près la Cour de cassation, a souligné que " le législateur avait un effort à faire pour faire disparaître ces milliers de dispositions d'ordre pénal restées obscures " (13 000 selon lui) qui créent de " l'insécurité ", notamment pour les chefs d'entreprise. Dans un ouvrage récent, La République pénalisée, deux magistrats rappellent que " le ministère de la justice ne peut donner une liste exhaustive des incriminations en vigueur ". De plus en plus d'auteurs, magistrats, avocats, professeurs de droit s'inquiètent de ce qu'il est convenu d'appeler l'apparition d'un troisième pouvoir qu'est le pouvoir judiciaire. Est-il besoin de rappeler que les auteurs des grands codes qui sont à la base de notre droit avaient par exemple posé le principe en 1810 que " le juge judiciaire ne pouvait à peine de forfaiture s'immiscer dans les actes de l'administration ". Récemment, devant le Sénat, le président de l'association des maires indiquait que " compte tenu du risque pénal qu'ils encourent les élus tendaient de plus en plus à prendre le risque zéro ". M. José Balarello demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, si une fois pour toutes il ne lui paraît pas opportun de dépénaliser un grand nombre d'infractions résultant de la non-observation de textes, la plupart du temps méconnus même des juristes, et a fortiori du public, ou d'en faire des contraventions, et notamment lorsqu'il n'y a pas eu d'enrichissement personnel ni d'intention frauduleuse et, en un mot, de " toiletter " les différents codes. Au moment où le Président de la République est partisan de rompre le lien existant entre la chancellerie et les parquets, si corrélativement une telle réforme n'est pas mise en chantier, il est évident pour tous les praticiens que le troisième pouvoir sera établi, avec toutes les dérives possibles pour un pouvoir non soumis au suffrage du peuple et de surcroît inamovible. En dehors des initiatives parlementaires, quelles sont celles que le Gouvernement entend prendre pour porter remède à cet état de choses ?

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Réponse du ministère : Justice publiée le 15/01/1998

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que la table NATINF établie par le ministère de la justice recense désormais la quasi-totalité des infractions existant en droit français. La pratique judiciaire montre que 98 % des condamnations correctionnelles sont prononcées sur le fondement de 500 incriminations. Aussi est-il clair que la plupart des textes pénaux créés, en ce qui concerne les crimes et délits, par le Parlement et en ce qui concerne les contraventions, par le Gouvernement, ne reçoivent pas d'application pratique. Au demeurant, l'application de ces textes ne constitue en aucun cas une immixtion de l'autorité judiciaire dans les actes de l'administration. Il importe effectivement en revanche que le Parlement et le Gouvernement s'efforcent de n'avoir recours à l'édiction de sanctions pénales nouvelles que dans les cas strictement nécessaires. Il convient enfin d'observer que la réforme annoncée par le garde des sceaux dans sa communication en conseil des ministres du 29 octobre dernier, si elle a pour objet de renforcer l'indépendance et l'impartialité de la justice, n'aura nullement pour conséquence d'instaurer un troisième pouvoir susceptible de faire l'objet des dérives dénoncées par l'honorable parlementaire. S'il est en effet envisagé de supprimer la possibilité pour le ministre de la justice de donner des instructions aux parquets dans des affaires individuelles, il est par ailleurs proposé que le garde des sceaux adresse aux parquets des directives fixant la politique pénale qui devra être mise en oeuvre de façon n égale et cohérente sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, le ministre de la justice disposera, au nom de l'Etat, d'un droit d'action quand il souhaitera engager des poursuites ou exercer des voies de recours. Il pourra également prendre des réquisitions devant les juridictions répressives, avec l'accord préalable d'une commission près la Cour de cassation. La réforme entreprise doit ainsi conduire à une justice indépendante, responsable et respectueuse des libertés et des droits des citoyens.

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Erratum : JO du 19/02/1998 p.608

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