Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - RPR) publiée le 26/06/1997

M. Jacques Legendre attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la pratique du marchandisage dans les hypermarchés. Dans ce cadre, le salarié " marchandiseur " n'est pas chargé de la démonstration des produits vendus, n'a pas d'activité commerciale ou promotionnelle et n'est pas en relation avec la clientèle. Son travail correspond à celui d'employé de libre service, défini par la convention collective des magasins d'alimentation et d'approvisionnement général, applicable aux hypermarchés. Les marchandiseurs représenteraient fréquemment 15 à 20 % des personnels travaillant en hypermarchés. Or, le salarié marchandiseur n'est pas employé directement par l'hypermarché dans lequel il travaille. L'opération de marchandisage consiste pour le magasin à demander à ses fournisseurs de gérer une partie de la main-d'oeuvre employée à la manutention et au réassortiment des rayons. Ces derniers assument cette tâche directement en employant des marchandiseurs ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés spécialisées, qui affectent leurs personnels dans les hypermarchés pour le compte des fournisseurs de ces derniers. Cette pratique soulève toutefois des questions quant à sa conformité aux textes en vigueur. Au regard de la législation du travail, elle peut être considérée comme une opération de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif, qui est interdite (sauf pour les entreprises de travail temporaire). Par ailleurs, le marchandisage, qui, par son objet, représente une tâche inhérente à l'activité de l'hypermarché, contreviendrait aux dispositions de l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence, et constituerait une rupture du principe de la libre concurrence au bénéfice des hypermarchés et au détriment des supermarchés et des commerçants indépendants. Les outils juridiques dont dipose l'administration étant mal adaptés pour lutter contre les infractions commises, il lui demande en conséquence quelles mesures il envisage de prendre en vue d'améliorer leur efficacité, par exemple par un texte interdisant le marchandisage ou prévoyant une modalité de requalification des contrats du même type que celle prévue en cas de recours abusif aux contrats à durée déterminée.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 25/12/1997

Réponse. - L'honorable parlementaire appelle l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les dérives liées à la pratique du marchandisage dans le secteur de la grande distribution. Il suggère que des dispositions législatives spécifiques puissent interdire une telle pratique. Le marchandisage est pratiqué principalement dans la grande distribution et consiste, pour un hypermarché par exemple, à sous-traiter à une société fournisseur, distributeur ou prestataire de service habituel du magasin, la gestion d'une partie de la main-d'oeuvre employée à la manutention ou au réassortiment des rayons. C'est une technique commerciale dont les effets ont effectivement été dénoncés à de nombreuses reprises tant sur le plan du droit de la concurrence que sur celui du droit du travail. En ce qui concerne le droit de la concurrence, le marchandisage tend trop souvent à éluder la réglementation sur la concurrence qui prohibe certaines ristournes ou rabais. En effet, en obligeant le fournisseur à prendre à sa charge une partie des frais du personnel, le grand magasin obtient une ristourne déguisée, tout en laissant apparaître un prix d'achat suffisamment élevé pour ne pas être incriminé de dumping ou entente illicite avec son fournisseur. En ce qui concerne le droit du travail, les infractions constatées sont de deux ordres. D'une part, les contrats de travail peuvent contenir des clauses de rupture automatiques abusives et des stipulations non conformes aux règles légales ou conventionnelles (salaires inférieurs aux minima conventionnels, absence de versement de primes). D'autre part, la pratique elle-même est susceptible de constituer un prêt de main-d'oeuvre illicite à but lucratif puisque l'employeur réel peut être considéré comme étant le magasin sous la subordination duquel travaille le merchandiseur ou de constituer un délit de marchandage en raison de la non-application de la réglementation ou des conventions collectives. Certaines infractions aux règles régissant le travail et l'emploi engendrent une concurrence déloyale qui menace les équilibres économiques et sociaux de la France par l'instauration d'une économie parallèle qui, en excluant les travailleurs à la fois de la protection du droit du travail et de toute protection sociale, les soumet à une grande précarité. Les pouvoirs publics ont donc manifesté fermement leur volonté de développer la lutte contre le travail illégal par l'adoption de la loi du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal. Si ce texte législatif ne vise pas spécifiquement le marchandisage, comme l'affirme l'honorable parlementaire, il n'en constitue pas moins un outil efficace pour lutter contre le prêt de main-d'oeuvre illicite et le marchandage notamment, qui sont des pratiques inhérentes au marchandisage, par l'élargissement et la simplification de l'incrimination et par le renforcement et la coordination du contrôle. Le secteur de la grande distribution a décidé, dans une démarche partenariale complétant celle des pouvoirs publics, de participer à la réduction des abus en signant avec l'Etat des conventions régionales de partenariat pour la lutte contre le travail illégal spécifique à ce secteur. Ainsi une convention a été conclue en juin 1997 pour la région Nord - Pas-de-Calais qui prescrit un certain nombre d'actions à mener pour la lutte contre le travail illégal. Il s'agit notamment de mobiliser et d'informer les entreprises du secteur de la grande distribution sur les diverses formes de travail illégal et les dispositions législatives applicables en la matière. Il s'agit aussi de dissuader, par des démarches appropriées, les donneurs d'ordre de recourir à des prestataires exerçant leur activité dans des conditions illégales et, selon les activités, de mettre en oeuvre tous moyens permettant d'assurer le suivi des produits et de mentionner la qualité des différents intervenants dans la chaîne de fabrication et de distribution au sein de l'entreprise et des entreprises sous-traitantes. Un comité de suivi doit être mis en place, qui sera en outre chargé de faire le bilan de ces actions. D'autres conventions de partenariat Etat-régions devraient être conclues prochainement. Il convient par ailleurs de préciser que les services de contrôle, bien informés du danger des dérives de la pratique du marchandisage, se mobilisent très fortement et que le nombre d'infractions relevées en la matière a connu une forte progression ces deux dernières années. Suite aux infractions pour marchandage relevées depuis deux ans dans certaines grandes surfaces, les directions nationales de ces sociétés ont décidé de résilier tous les contrats liant les établissements concernés à des sociétés de marchandisage. ; dispositions législatives applicables en la matière. Il s'agit aussi de dissuader, par des démarches appropriées, les donneurs d'ordre de recourir à des prestataires exerçant leur activité dans des conditions illégales et, selon les activités, de mettre en oeuvre tous moyens permettant d'assurer le suivi des produits et de mentionner la qualité des différents intervenants dans la chaîne de fabrication et de distribution au sein de l'entreprise et des entreprises sous-traitantes. Un comité de suivi doit être mis en place, qui sera en outre chargé de faire le bilan de ces actions. D'autres conventions de partenariat Etat-régions devraient être conclues prochainement. Il convient par ailleurs de préciser que les services de contrôle, bien informés du danger des dérives de la pratique du marchandisage, se mobilisent très fortement et que le nombre d'infractions relevées en la matière a connu une forte progression ces deux dernières années. Suite aux infractions pour marchandage relevées depuis deux ans dans certaines grandes surfaces, les directions nationales de ces sociétés ont décidé de résilier tous les contrats liant les établissements concernés à des sociétés de marchandisage.

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