Question de M. FOURCADE Jean-Pierre (Hauts-de-Seine - RI) publiée le 17/09/1997

M. Jean-Pierre Fourcade attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des caisses primaires d'assurance maladie en cas de fermeture d'établissements sanitaires déficitaires et financés par le système du prix de journée. La réglementation prévoit, en effet, que sont inclus dans le prix de journée l'ensemble des charges d'exploitation y compris les déficits antérieurs et le coût des plans sociaux (indemnités de licenciement, de préavis, de congés payés). Or, ces dispositions peuvent aboutir à la prise en charge par les caisses de sommes exorbitantes. Ainsi, a-t-on pu voir, pour un établissement des Hauts-de-Seine, la détermination d'un prix de journée de plus de 410 000 F, afin de résorber un déficit de près de 4,5 millions de francs. Il lui demande en conséquence si la participation des caisses primaires d'assurance maladie à la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation ne pourrait pas permettre à celle-ci d'intervenir au-delà du simple rôle de " payeur " dans lequel elles risquent d'être cantonnées. Par ailleurs, il lui demande comment la prise en charge des plans sociaux par les caisses primaires d'assurance maladie en cas de fermeture d'établissements peut être conciliée avec le respect des objectifs assignés en matière de dépenses hospitalières.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 29/10/1997

Réponse apportée en séance publique le 28/10/1997

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le secrétaire d'Etat, en février dernier, la caisse primaire d'assurance maladie des
Hauts-de-Seine a reçu une facture de 7 390 000 francs pour financer une association gérant une pouponnière, la
pouponnière Amiot à Montrouge.
Cette facture était accompagnée d'un arrêté préfectoral qui fixait le prix de journée de cette structure - tenez-vous bien,
monsieur le secrétaire d'Etat - à 410 533 francs par jour ! C'est le plus beau prix de journée que j'aie jamais vu depuis
que je m'occupe d'affaires de ce type !
Une certaine émotion a évidemment saisi le conseil d'administration de cette caisse primaire et, après avoir cherché à
comprendre ce que cachait cette fixation du prix de journée, on a constaté, d'une part, que ce prix de journée intégrait les
déficits des années 1995 et 1996, ce qui est prévu par la loi, et, d'autre part, qu'il tirait les conséquences financières du
plan social établi par cette association en faveur de son personnel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes questions seront donc tout à fait simples.
Tout d'abord, qui contrôle ce type d'association ?
Comment un préfet a-t-il pu fixer un prix de journée de 410 533 francs ? Un tel montant, s'agissant d'un prix de journée,
aurait tout de même dû le faire sursauter !
Par ailleurs, les caisses primaires d'assurance maladie vont-elles être amenées, dans l'avenir, à financer les plans sociaux
des établissements sanitaires et sociaux ? Si tel est le cas, compte tenu de la restructuration des services hospitaliers, elles
vont devoir assumer des dépenses qui risquent d'atteindre un niveau intéressant...
Enfin, ne pourrait-on mettre au point un dispositif associant les caisses primaires d'assurance maladie et les agences
régionales d'hospitalisation, de telle manière que ces problèmes soient examinés en amont, au lieu de constater les dégâts
en aval, quand il ne reste plus qu'à payer ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Les chiffres
que vous avez cités, monsieur Fourcade, ont en effet de quoi surprendre.
Cela dit, il convient de retracer l'histoire de la pouponnière de Montrouge, à laquelle vous avez fait allusion.
Au début de l'année 1997, cet établissement s'est trouvé en grande difficulté en raison de son inadaptation aux besoins et
à l'environnement, inadaptation qui s'est traduite par une sous-activité, laquelle a suscité à son tour des charges
exceptionnellement élevées et un gonflement anormal du prix de journée.
Depuis lors, l'établissement, fermé à la fin du mois de janvier 1997, a été, après l'avis favorable du CROSS - comité
régional de l'organisation sanitaire et sociale - d'Ile-de-France, a été reconverti en centre d'action médicale et sociale
précoce pour enfants de la naissance à l'âge de six ans et installé dans des locaux situés à la limite des communes de
Montrouge et de Châtillon. Son ouverture est prévue pour le courant du mois de novembre 1997.
Cette reconversion constitue un exemple de la recomposition du tissu sanitaire impliquant la création de structures
médico-sociales, et vous connaissez, monsieur Fourcade, la difficulté de l'exercice. Elle a nécessité la mise en oeuvre d'un
plan social comportant trois types de mesures : un reclassement des personnels dans l'établissement reconverti ; une
mobilité, sur la base du volontariat, de certains salariés vers d'autres établissements du département des Hauts-de-Seine ;
enfin, des licenciements, dont les indemnités ont été effectivement financées par l'assurance maladie puisque prélevées sur
le budget de la pouponnière.
Aujourd'hui cette situation difficile est réglée et les crédits de l'assurance maladie alloués à la pouponnière Amiot sont
réservés à la structure reconvertie, dont le gestionnaire est le comité d'études et de soins aux polyhandicapés, le CESAP.
S'agissant de l'association des caisses primaires au dispositif de pilotage du système sanitaire, les textes de 1996 n'ont pas
prévu d'intégrer ces organismes en tant que membres de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation.
En revanche, les unions régionales des caisses d'assurance maladie, qui travaillent, elles, en étroite liaison avec les agences
régionales de l'hospitalisation, associent pleinement les caisses de base de tous les régimes et permettent un meilleur
pilotage du système de santé par l'ensemble des institutions concernées.
Toutefois, l'hypothèse d'une modification des missions des caisses primaires au-delà de celles qui leur sont actuellement
assignées par le code de la sécurité sociale ne peut être aujourd'hui retenue dans un dispositif de pilotage centré sur
l'échelon régional.
Il ne fait pas de doute qu'une certaine opacité du système est évidemment dommageable. Des institutions, de création
parfois récente - je pense aux agences régionales de l'hospitalisation -, voient leurs missions se chevaucher, ce qui ne
favorise pas la lisibilité. C'est pourquoi Martine Aubry et moi-même avons entamé une révision de l'ensemble du
dispositif.
Nous espérons que vous aurez ainsi satisfaction, de même que l'ensemble des élus et des bénéficiaires. Il est certain que,
dans notre pays, il existe un trop grand cloisonnement entre le médico-social et le sanitaire et que, d'une manière générale,
le système manque de lisibilité.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des explications que vous nous avez
données. Je suis très heureux d'apprendre que l'établissement évoqué a été restructuré et reconverti pour se voir confier
des tâches différentes. Sur ce plan, l'opération ne semble avoir été convenablement menée et augure bien de l'avenir ; je
pense que nous n'aurons qu'à nous louer de l'existence de ce nouvel organisme.
En revanche, il y a manifestement un défaut en ce qui concerne la tutelle. Qu'un préfet ou qu'une administration se laisse
aller à fixer un prix de journée de plus de 410 000 francs montre bien que la notion de prix de journée n'a plus aucune
valeur et qu'elle est complètement dépassée.
De plus, il apparaît que c'est la caisse primaire d'assurance maladie qui a financé la reconversion de l'établissement. Il
aurait mieux valu que cela soit bien clair dès le départ. En tout cas, il serait préférable d'éviter que les caisses primaires
d'assurance maladie, auxquelles nous demandons d'accomplir des efforts pour la maîtrise des dépenses médicales, jouent
ce rôle de « payeur aveugle ».
Par conséquent, il faut trouver le moyen d ncadrement de ce secteur, qui ne peut continuer à connaître de tels déparages,
en l'absence de toute règle et sans que la tutelle intervienne, quand il en est encore temps. (Très bien ! et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

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