Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 27/06/1997

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants sur l'attribution des bénéfices de campagne double aux fonctionnaires cheminots et agents de services publics, anciens combattants en Afrique du Nord. Elle lui rappelle que le 9 décembre 1974, la loi no 70-144 a reconnu, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services des anciens d'Afrique du Nord. Elle lui rappelle également que la loi du 14 avril 1924 reconnaît les bonifications pour les campagnes doubles comme un droit à réparation accordé aux anciens combattants fonctionnaires et assimilés, ce bénéfice ayant été étendu progressivement aux agents de certains services publics, tels les cheminots (décision du ministère des transports du 31 mars 1964). Elle lui demande quelles mesures il envisage pour accorder aux anciens combattants fonctionnaires cheminots et agents des services publics ayant combattu en Afrique du Nord le bénéfice de campagne double.

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Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 21/01/1998

Réponse apportée en séance publique le 20/01/1998

Mme Marie-Claude Beaudeau. Une nouvelle fois, j'interviens en faveur du droit des anciens combattants
fonctionnaires, cheminots et agents des services publics. J'ai d'ailleurs déposé cette question le 23 juin 1997. Il ne s'agit
donc pas d'une revendication nouvelle, subite et injustifiée.
La demande tendant à faire reconnaître le bénéfice de la campagne double en Afrique du Nord pour les personnels que
j'ai cités se fonde sur des éléments incontestables de notre législation.
La loi du 14 avril 1924 reconnaît les bonifications pour campagne double comme un droit à réparation et celle du 9
décembre 1974 affirme, quant à elle, le droit à égalité pour les anciens combattants d'Afrique du Nord avec ceux des
conflits antérieurs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande non pas une législation nouvelle mais simplement de faire appliquer la loi
existante. A trop tarder, celle-ci deviendrait inutile !
Est-il normal, républicain, que des lois, expression souveraine du Parlement, puissent rester lettre morte ?
J'aurais pu faire référence à d'autres lois, notamment à celle du 6 août 1948 ou à celle du 26 septembre 1951 qui doivent
être applicables à tous du fait de l'égalité reconnue des anciens combattants d'Afrique du Nord avec ceux des conflits
antérieurs.
Aujourd'hui, des considérations financières - il ne faut pas se le cacher - s'opposent au droit républicain. Je pense que le
chiffrage du coût annuel de la dépense ne doit pas dépasser 500 millions de francs selon l'association nationale des
cheminots anciens combattants.
Tout de même, monsieur le secrétaire d'Etat, il ne faudrait pas qu'au nom des exigences maastrichiennes de monnaie
unique le droit de l'ancien combattant soit bafoué ! Même si la dépense nouvelle dépassait cette somme, cet engagement
n'a-t-il pas été pris par le Parlement en toute connaissance de cause ?
Le 3 juillet dernier, vous avez reçu une délégation du comité d'entente de la fonction publique. Vous avez donné votre
accord pour que la mission d'évaluation du chiffrage soit confiée à l'inspection générale des finances.
Le 24 octobre dernier, M. Pozel, inspecteur général adjoint, a répété qu'il ferait le point avec les différentes
administrations pour évaluer le coût de la mesure. En fait, trois mois et demi ont été perdus, trois nouveaux mois viennent
de s'écouler, et nous ne connaissons pas encore les conclusions de ces nouvelles études qui se succèdent toujours dans
leur principe mais jamais dans leur application.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce matin ma question est double : d'abord, quel est le coût de l'application de la loi ; ensuite,
quel est le plan prévu par le Gouvernement pour une application de celle-ci dès 1998 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, que j'ai plaisir à saluer ce matin au Sénat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Beaudeau, quand je suis arrivé au département ministériel des anciens combattants, trois dossiers importants
concernant le sort des anciens combattants d'Afrique du Nord étaient encore en suspens : la carte d'ancien combattant et
l'extension du droit à cette carte, la retraire anticipée et ce qu'il convient d'appeler la campagne double qui fait l'objet de
votre question.
Sur les deux premiers sujets, nous avons avancé avec le Parlement lors de la dernière discussion budgétaire.
S'agissant de la campagne double, ainsi que vous l'avez indiqué, j'ai confié à un inspecteur général la mission de faire une
estimation. Dans quelques jours, voire dans quelques semaines, cette estimation me sera rendue.
Pourquoi cette estimation requière-t-elle un certain temps ? Parce que tout ne dépend pas du secrétariat d'Etat aux
anciens combattants. Cette question relève à la fois de la fonction publique, de la caisse nationale de retraites des agents
des collectivités locales et d'un certain nombre de partenaires qui sont concernés par l'estimation de la mesure et la
définition de son coût. Cette disposition engage donc l'ensemble du Gouvernement.
Les estimations n'ont jamais été faites. Les associations en ont fait une approche, que vous avez indiquée, mais je n'ai pas
trouvé dans les dossiers du secrétariat d'Etat aux anciens combattants une estimation de ce type. J'ai donc souhaité, sur ce
sujet comme sur d'autres, faire procéder à une estimation financière avant d'engager la discussion. Le contexte budgétaire,
il est vrai, n'est pas simple.
J'indiquerai à la représentation nationale quel est le dispositif actuel.
Un fonctionnaire ou assimilé qui aura passé en Afrique du Nord dix-huit mois, par exemple, obtiendra une bonification
pour sa retraite de trente-six mois en réalité. En revanche, s'agissant des personnes qui ont été engagées en Afrique du
Nord et qui ressortissent aux caisses privées, le temps de campagne retenu est le temps de présence réel, simplement
majoré de trois mois pour dix-huit mois de présence, et retenu en totalité au-delà de dix-huit mois.
Personnellement, je suis d'abord confronté à cette inégalité de situations entre les anciens combattants qui relèvent de la
fonction publique et les anciens combattants qui relèvent du droit privé. Je souhaiterais plutôt essayer de traiter cette
inégalité en priorité.
Par ailleurs, il faut que nous prenions en compte les dispositions légales, ce qui n'est pas tout à fait aussi simple. L'article
L. 12 du code des pensions et son application réglementaire, l'article R. 14, déterminent les conditions d'appréciation de
ces campagnes selon la situation de guerre, de pied de guerre ou les conditions d'insalubrité. Pour l'Afrique du Nord, c'est
ce troisième point qui a été retenu.
Même si nous retenons le concept de guerre, il n'est pas évident que nous puissions passer à la qualification campagne
double. En tout cas, moi, je suis ouvert à la discussion.
Je me préoccupe en priorité des anciens combattants qui n'ont pas d'activité, qui connaissent des difficultés sociales. Il ne
s'agit pas de s'occuper de Pierre avant de s'occuper de Paul ! Ma responsabilité politique en général m'impose d'apporter
d'abord des réponses aux anciens combattants qui sont en réelle difficulté sociale, au chômage - notamment de longue
durée - et qui manquent de ressources.
C'est pourquoi la majorité actuelle a pris, lors de la dernière discussion budgétaire, des dispositions ; nous allons
poursuivre dans cette voie.
Je ne suis pas hostile à la mesure que vous proposez. Cependant, en fonction des estimations financières, je rendrai des
arbitrages, je déterminerai des priorités et, le moment venu, je vous rendrai compte de la suite qu'il est possible de donner
à cette revendication.
Très honnêtement - je le dis très tranquillement - il me semble qu'il y a des situations plus préoccupantes que nous devons
traiter en priorité. Cela ne veut pas dire que la revendication n'est pas légitime. Cela signifie que, dans un contexte
budgétaire donné, qui n'a d'ailleurs pas de relations avec le traité de Maastricht, il faut faire des choix. Or, nos choix
doivent porter en priorité sur la réparation d'injustices et prendre en compte les difficultés sociales du monde ancien
combattant.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne sous-estime pas l'ampleur des dossiers que vous
avez trouvés à votre arrivée au Gouvernement. Il n'en demeure pas moins que je trouve votre réponse quelque peu
imprécise, voire dilatoire. Les anciens combattants, plus particulièrement les agents de certains services publics qui ont
combattu en Afrique du Nord, n'accepteront pas votre réponse, parce qu'elle méconnaît un droit sur lequel les textes sont
pourtant clairs, à moins qu'il ne faille se mettre d'accord une fois pour toutes sur ces textes !
Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, beaucoup d'élus ont reconnu ce droit. Ainsi, le 3 avril 1981, il y a donc
près de dix-sept ans, François Mitterrand écrivait au président de l'Union française des associations d'anciens
combattants et de victimes de guerre, l'UFAC : « Si je suis élu à la Présidence, j'inspirerai mes actions des mêmes
principes. La question de l'attribution du droit à la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord,
fonctionnaires ou assimilés, sera examinée dans un esprit favorable. » Rassurez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, M.
Chirac a fait la même promesse !
Monsieur le secrétaire d'Etat, une clarification de votre part s'impose. Les anciens combattants ont en effet constaté que,
dans la plaquette parue le 21 octobre 1997, la campagne double ne figure pas. Leur inquiétude est donc grande et je ne
crois pas que votre réponse les rassurera. En tout cas, une nouvelle négociation avec eux s'impose.

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