Question de M. MASSON Paul (Loiret - RPR) publiée le 27/06/1997

Question posée en séance publique le 26/06/1997

M. le président. La parole est à M. Masson. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Paul Masson. Comme ministre de l'intérieur, vous avez accepté, monsieur Chevènement, la lourde mission de
déposer d'ici à l'automne de nouveaux textes sur l'acquisition de la nationalité française et sur l'immigration.
J'ai lu ce matin dans le Journal officiel la circulaire que vous avez adressée aux préfets. Je dois dire que c'est un modèle
du genre !
Dans ce texte, vous invitez les préfets à délivrer, à titre exceptionnel et pendant une période illimitée, des titres de séjour à
des étrangers qui n'y ont pas droit !
Vous posez un grand principe : la France doit lutter contre toutes les formes d'immigration clandestine ; voilà qui est clair.
Malheureusement, sont énumérées ensuite treize catégories d'exceptions pour lesquelles les préfets auront à faire des
choix selon des critères subjectifs. Je pourrais citer dix exemples de ce clair-obscur qui s'explique manifestement par le
souci que vous avez eu de laisser la responsabilité aux préfets.
Ces derniers porteront en tout état de cause la casquette ou le chapeau, comme vous voudrez : ou ils en feront trop et ils
seront opportunistes, ou ils n'en feront pas assez et ils seront obtus. En cas de dérapage, ils seront bien évidemment
coupables. Bien sûr, le Gouvernement ne sera pas responsable ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Corporatisme !
M. Jean-Louis Carrère. Esprit de corps !
M. Paul Masson. Le plus redoutable dans cette circulaire, monsieur le minisre,...
M. le président. Votre question, monsieur le sénateur !
M. Paul Masson. J'y viens, monsieur le président.
Le plus redoutable, c'est la procédure choisie. Elle est écrite. Chacun devra expédier son dossier par la poste. Aucune
décision ne sera prise avant le 1er novembre. Pendant quatre mois, chacun va s'organiser : la rumeur va grossir, la
pression va monter, les officines vont fabriquer, les réseaux vont s'activer ; les regroupements vont s'organiser.
(Exclamations sur les travées socialistes). Bref, aucun terme n'est fixé à cette procédure.
M. François Autain. La question !
M. Paul Masson. Combien de dossiers attendus, monsieur le ministre ? 20 000, 50 000 ou 100 000 ? Personne ne le
sait, pas même vous.
M. Jean-Luc Mélenchon. La question !
M. le président. Votre question, monsieur le sénateur !
M. Paul Masson. En vérité, vous installez dans ce pays, jusqu'à la prochaine consultation électorale, un contentieux
permanent sur un thème dont vous dites vous-même qu'il est pernicieux pour la France.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela vous va bien !
M. Paul Masson. Ma question est simple, monsieur le ministre. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Pensez-vous que cette récompense à la fraude est de nature à mobiliser vos fonctionnaires, ...
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Guy Penne. C'est scandaleux !
M. Paul Masson. ... des fonctionnaires qui, depuis tant d'années, s'échinent à appliquer des procédures ingrates
enfermées dans des délais imbéciles ?
Cette procédure, étirée sur de longs mois, ne vous paraît-elle pas de nature à provoquer un appel d'air, où, encore une
fois, toute la misère du monde sera tentée par le rendez-vous français ? (Protestations sur les travées socialistes.)
Monsieur le ministre, un de vos collègues s'est donné pour tâche de « dégraisser le mammouth » ;...
Mme Marie-Claude Beaudeau. La question !
M. Paul Masson. Elle est posée la question. (Rires sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il y a deux poids, deux mesures !
M. Paul Masson. Craignez, monsieur le ministre, d'avoir à nourrir le racisme. (Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 27/06/1997

Réponse apportée en séance publique le 26/06/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je pense qu'il faut garder son sang-froid
et se tenir à l'écart du surenchères démagogiques ou, le cas échéant, des tentations de l'angélisme...
La circulaire qui a été adressée aux préfets hier répond à des critères très précis. Il s'agit d'une mesure transitoire en
attendant le dépôt, à l'automne, d'un projet de loi visant à refondre l'ensemble de la législation relative, d'une part, à
l'entrée et au séjour des étrangers et, d'autre part, aux modalités d'accès à la nationalité française.
Vous n'ignorez pas que, après avoir fait l'objet de plus de 40 modifications, l'ordonnance de novembre 1945 est devenue
absolument illisible et, de surcroît, inapplicable.
M. Robert Badinter. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Dans ces conditions, pour éclairer le jugement des préfets,
deux de mes prédécesseurs - MM. Pasqua et Debré - ont été obligés de procéder par la voie de circulaires, que vous
flétrissez aujourd'hui.
La circulaire que j'ai adressée hier répond aux critères définis par la commission consultative des droits de l'homme, dont
le Gouvernement a jugé utile de s'inspirer. Les catégories qui y figurent correspondent très exactement à ces critères.
Monsieur le sénateur, voudriez-vous empêcher des conjoints de vivre ensemble ?
M. Paul Masson. Vous oubliez l'article 6 de la loi Debré !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mais pas du tout ! Je parle de conjoints d'étrangers ! Si un
professeur brésilien, par exemple, veut épouser une Paraguayenne, allez-vous l'en empêcher, surtout s'il enseigne en
France ?
M. Michel Caldaquès. Le voilà l'angélisme !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Les conjoints de réfugiés statutaires qui ont obtenu le droit
d'asile sur notre sol n'auraient-ils pas le droit de se marier ? Voulez-vous séparer les familles ? Voulez-vous empêcher les
enfants de rejoindre leurs parents ?
Plusieurs sénateurs socialistes. Oui, c'est cela qu'ils veulent !
M. Jean Chérioux. Ce ne sont pas ceux-là qui sont visés !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Toutes ces questions sont de bon sens, et il faut y répondre de
manière claire.
M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure, s'il vous plaît.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je vais conclure.
La circulaire ajoute quelques catégories. Il s'agit de familles d'étrangers constituées de longue date en France, de
personnes qui n'ont pas le statut de réfugié politique mais qui peuvent courir des risques vitaux si elles retournent dans
leurs pays, de malades atteints de pathologies graves, enfin, d'étudiants qui ont fait la preuve de succès significatifs dans le
cours de leurs études. La France doit rester un grand pays d'accueil pour les étudiants, les chercheurs, les hommes de
culture du monde entier.
Ce n'est pas l'intérêt du pays de mettre toujours l'immigré au coeur du débat public.
M. Paul Masson. C'est ce que vous faites !
M. Jean Chérioux. Vous passer votre temps à ça !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Croyez-moi, si vous voulez servir la République, évitez de
poser le problème sous cet angle ! (Vifs applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)

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