Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UC) publiée le 26/06/1997

M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le projet de l'Office européen des brevets prévoyant de supprimer la traduction intégrale en français des brevets européens d'origine étrangère. La loi Toubon de 1994 ne précise-t-elle pas que la langue française est " la langue... du travail, des échanges et des services publics " ? Elle vise donc à protéger globalement l'usage du français dans tous secteurs d'activités. De même, nos gouvernements successifs se sont clairement mobilisés, ces dernières années, en faveur du maintien de la francophonie et de la promotion du français. Or, accepter d'abandonner la traduction en français des brevets européens d'origine étrangère, n'est-ce pas accepter le recul de l'usage du français dans le secteur de la propriété industrielle et, plus généralement, dans tout le tissu industriel. Ce projet est d'autant plus inacceptable que le français est une langue officielle de l'office et que seulement 7 % des brevets européens ayant effet en France ont été déposés en français, de sorte que 75 % des brevets ayant effet en France n'existent en langue française qu'en raison de l'actuelle obligation de traduire. L'adoption d'un tel projet nuirait gravement à la place et à la vitalité de la langue française dans le domaine technique. Il lui demande donc ce qu'elleenvisage de faire pour le maintien de l'actuelle obligation de traduction en français de l'intégralité des brevets.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 31/07/1997

Réponse. - Sur la demande de nombreuses entreprises, l'Office européen des brevets (OEB), qui n'est pas une institution communautaire, mais qui rassemble notamment tous les Etats membres de l'Union, a engagé une réflexion afin de réduire les coûts supportés par les inventeurs pour obtenir la délivrance des brevets européens, et notamment les coûts de traduction. La procédure, régie par la convention de Munich du 5 octobre 1973, comprend deux étapes. Dans un premier temps, une demande de brevet européen est déposée dans l'une des trois langues de l'OEB (français, allemand, anglais). Si l'OEB accorde le brevet, la prise d'effet dans les pays membres de cette organisation où l'inventeur souhaite se protéger est subordonnée à des formalités au niveau national (enregistrement, taxes, traductions, etc.). L'article 65 de la convention de Munich de 1972 autorise les dix-sept Etats membres de l'OEB, lorsqu'ils sont visés par un brevet, à exiger une traduction intégrale de l'ensemble de ce brevet dans leur langue officielle. La plupart des Etats membres ont demandé à bénéficier de cet avantage. Pour alléger les coûts de la procédure, l'OEB a proposé une solution nommée " solution globale " : seuls seraient désormais traduits dans chacune des langues officielles des Etats visés, au moment de cette étape de validation nationale, un résumé du brevet, et ce qu'on appelle les " revendications " (partie de la demande de brevet où l'on désigne les principales caractéristiques que l'on souhaite voir protéger). La traduction intégrale du brevet dans la langue d'un pays visé n'interviendrait qu'en cas d'action en justice et de toute action engagée par le titulaire pour obtenir le respect de son brevet avant de porter l'affaire devant les tribunaux. Il convient de préciser que l'exigence de traduction dans la langue du pays visé ayant été introduite par les Etats membres, eux seuls peuvent actuellement la supprimer. La " solution globale " peut comporter des avantages financiers pour les inventeurs, mais elle présente également de graves inconvénients sur d'autres plans : elle aurait pour conséquence qu'un texte ayant une portée juridique s'appliquerait en France sans être traduit ; elle aurait des répercussions importantes sur la situation de l'emploi des traducteurs, dont un nombre non négligeable est entièrement spécialisé dans ce domaine ; elle contribuerait à la disparition de la langue française dans des pans entiers des secteurs scientifiques et techniques. Afin d'élaborer la position de la France sur ce problème complexe, et de faire le point sur l'ensemble des conséquences (linguistiques, économiques, juridiques, etc.) de la proposition de l'OEB, le Gouvernement a engagé une consultation interministérielle, à laquelle participe le ministère de la culture et de la communication. Cette concertation a fait apparaître que la solution dite " globale " n'était pas satisfaisante, et que d'autres solutions méritaient de faire l'objet d'un examen approfondi. La France a donc fait partie des Etats membres de l'OEB qui ont demandé, lors du conseil d'administration de mars 1997, que l'organisation continue sa réflexion et fasse d'autres propositions. Parallèlement, le ministre chargé de l'industrie a demandé à ses services d'entreprendre une réflexion stratégique et prospective afin de définir, en matière de propriété industrielle, une politique répondant aux besoins des entreprises françaises. Cette mission, qui aborde notamment le problème de la traduction des brevets, doit prochainement rendre son rapport. D'autre part, la Commission européenne, désireuse de relancer le projet de brevet communautaire (qui est distinct du brevet européen géré par l'OEB,) a adopté le 24 juin dernier un Livre vert sur le système des brevets en Europe, et lancé une vaste concertation auprès des milieux intéressés, qui porte également sur les problèmes liés à la traduction des brevets : la problématique des brevets doit donc être désormais traitée au niveau de l'Union, et non plus seulement de l'OEB. ; Commission européenne, désireuse de relancer le projet de brevet communautaire (qui est distinct du brevet européen géré par l'OEB,) a adopté le 24 juin dernier un Livre vert sur le système des brevets en Europe, et lancé une vaste concertation auprès des milieux intéressés, qui porte également sur les problèmes liés à la traduction des brevets : la problématique des brevets doit donc être désormais traitée au niveau de l'Union, et non plus seulement de l'OEB.

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