Question de Mme BOCANDÉ Annick (Seine-Maritime - UC) publiée le 21/03/1997

Question posée en séance publique le 20/03/1997

M. le président. La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Monsieur le ministre, on a beaucoup parlé de la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde, en Belgique, et du drame
humain que représente la suppression de 3 100 emplois.
M. Schweitzer, devant les commissions des affaires économiques et des affaires sociales réunies, a très clairement
expliqué la logique de l'entreprise Renault face à une concurrence mondiale impitoyable.
Nous comprenons mieux la nécessité d'une restructuration de l'entreprise, dont l'outil de production est historiquement
dispersé et complexe.
Je souhaite cependant attirer votre attention et celle du Sénat sur ce processus de reconcentration, même si Renault est
une entreprise privée, nous le savons tous.
Je ne cache pas l'inquiétude de l'élue de la Seine-Maritime que je suis. Il faut en effet savoir que le secteur de l'automobile
représente, dans mon département, 13 000 à 15 000 emplois directs, et pas moins de 25 000 emplois indirects.
Par ailleurs, le taux de chômage y dépasse de trois points la moyenne nationale, avec 15,5 %.
Les responsables locaux souhaitent, très naturellement, en savoir plus sur le plan de Renault à moyen terme et à plus long
terme.
Après plusieurs plans sociaux, on annonce encore la suppression de 2 700 emplois, dont 1 200 sur les seuls sites de
Cléon et de Sandouville. Même si leur disparition n'est pas envisagée, qu'en est-il de plus petites unités comme celle de
Renault-Alpine, à Dieppe, avec ses 700 emplois, dont 300 à durée déterminée ?
Dieppe a déjà souffert de cette logique de concentration avec le départ du bureau d'études « le Berex » pour la commune
de Villiers-Saint-Frédéric, en Ile-de-France.
L'actualité « Renault » est avant tout un problème d'emplois ; mais c'est aussi, par les mécanismes complexes de
filialisation et de taxe professionnelle, une nouvelle menace pour les finances de nos collectivités locales.
Monsieur le ministre, depuis 1985, l'entreprise Renault restructure et reconcentre. Devons-nous penser que d'autres sites,
en France cette fois, pourraient être non seulement touchés mais fermés ? L'Etat reste le principal actionnaire, puisqu'il
détient 46 % du capital. A ce titre, avez-vous des informations à nous communiquer ? (Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Mais vous êtes de la majorité, et c'est elle qui est responsable de cette politique !
M. Robert Pagès. Pas de double langage !

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 21/03/1997

Réponse apportée en séance publique le 20/03/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Madame le sénateur, je
comprends l'inquiétude qui est la vôtre. Il est vrai que la fermeture d'une usine comme celle de Vilvorde représente
d'abord un drame humain et toute une série de problèmes sociaux. C'est la raison pour laquelle une décision comme
celle-là doit être accompagnée d'un plan de reconversion industrielle et d'un plan social.
Aussi, Renault va provisionner 2 400 millions de francs pour faire face à l'exigence à la fois de ce plan social et de cette
reconversion : 800 000 francs par emploi supprimé, c'est sans commune mesure avec ce qui peut être fait dans des
situations comparables.
Reste que, madame le sénateur, les restructurations industrielles sont indispensables.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et comment remplace-t-on les emplois supprimés ?
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. En effet, entre 1995 et 1996, la
branche « automobiles » a multiplié par deux son déficit et, compte tenu du fait que Renault Véhicules industriels a basculé
dans le déficit, le cumul des pertes de Renault Véhicules industriels et de la branche « automobiles » a été multiplié par
quatre dans la même période. Si rien n'est fait, 1997 sera pire encore. L'entreprise se trouve donc en face d'une situation
inextricable. L'organisation de la production en particulier est très complexe, très dispersée et mal utilisée. Savez-vous,
par exemple, que Fiat, qui produit plus que Renault sur l'ensemble de l'espace européen, possède huit usines de
production alors que Renault en a dix ?
Pour répondre à votre question, je dirai que, si les restructurations industrielles sont importantes et nécessaires, elles ne
sont pas suffisantes. Pour éclairer l'avenir de Renault, il est nécessaire de prévoir, de proposer et de mettre en oeuvre un
plan de développement pour l'entreprise fondé sur une véritable stratégie industrielle.
Mme Hélène Luc. Vous l'avez déjà annoncé pendant la campagne électorale ! Vous avez beaucoup dit sur la « fracture
sociale ». Et maintenant ? On attend !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Il faut d'abord maîtriser la
productivité de l'outil de production, en particulier en faisant un effort d'organisation du travail, par conséquent en mettant
en oeuvre l'aménagement et la réduction du temps de travail, ce qui exige un dialogue social à l'intérieur de l'entreprise.
Mme Marie-Claude Beaudeau. On licencie d'abord et on dialogue après !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Il faut, dans ce plan de
développement, songer à l'effet de taille, en développant, les partenariats industriels de Renault qui aussi en en engageant
d'autres existent.
Il faut également mettre en oeuvre une possibilité d'autofinancement dans l'entreprise qui permette de faire face à l'effort
très important d'investissement industriel qui l'attend. Enfin, il faut que Renault fasse un effort à l'exportation, c'est-à-dire
un effort d'implantation sur d'autres marchés moins concurrentiels. Aujourd'hui, en effet, l'entreprise est vulnérable parce
qu'elle est à 80 % présente sur l'espace le plus concurrentiel du monde, qui est l'espace européen.
Donc, aujourd'hui, l'objectif, mais aussi le défi, auquel se trouve confrontée la direction de Renault, c'est la mise en place
d'un plan de développement qui, à partir d'une stratégie industrielle, ouvre une perspective plus large à cette grande
entreprise. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste).
Mme Marie-Claude Beaudeau. Que font les salariés pendant ce temps-là, ils attendent ?

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