Question de M. AUTAIN François (Loire-Atlantique - SOC) publiée le 07/03/1997

Question posée en séance publique le 06/03/1997

M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Ma question, ou plutôt mes trois questions s'adressent, en l'absence de M. le secrétaire d'Etat à la
santé et à la sécurité sociale, à M. le secrétaire d'Etat à la recherche. Elles sont relatives aux problèmes posés par
l'application des lois sur la bioéthique.
Ma première question, qui était la seule que j'avais envisagé initialement de poser, monsieur le secrétaire d'Etat, fait écho à
l'appel qui a été lancé par les gynécologues obstétriciens de l'Assistance publique, hôpitaux de Paris, sur le diagnostic
préimplantatoire.
Cette technique récente qui s'applique à un embryon humain obtenu par fécondation in vitro permet d'éviter à un couple
la transmission à sa descendance de maladies génétiques actuellement incurables, comme la myopathie ou la
mucoviscidose.
Les praticiens estiment, à juste titre, que les conditions posées par la loi pour encadrer le diagnostic sont assez précises
pour ne plus justifier davantage de retard dans la publication de son décret d'application. Or j'observe que, malgré
l'engagement pris ici même, le 30 octobre 1996, par M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale de publier
avant la fin de l'an dernier les trente décrets d'application prévus par cette loi, quinze seulement l'ont été à ce jour.
C'est peu ! d'autant que nous sommes parvenus à mi-chemin de la durée d'application prévue pour cette loi, son échéance
étant fixée en 1999. Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, la date à laquelle vous comptez publier le
décret relatif au diagnostic préimplantatoire ?
Ma deuxième question est évidemment liée à la publication des résultats des recherches sur le clonage. Ces
développements nouveaux de la science, dont on vient de parler, posent la question de savoir comment organiser au
mieux notre législation sur la bioéthique.
On constate en effet que deux thèses s'affrontent en ce qui concerne le clonage : celle selon laquelle les principes posés
par les lois de 1994 permettent d'interdire le clonage humain et celle pour laquelle, au contraire, les dispositions de ces
lois doivent être, le cas échéant, précisées.
On voit donc qu'il existe deux méthodes pour légiférer en matière de bioéthique : ou bien l'on pose un ensemble de
principes forts et assez larges pour éviter d'avoir à y revenir à chaque découverte scientifique nouvelle ; ou bien l'on tente,
au contraire, de prévoir dans la loi tous les progrès possibles.
Ne pensez-vous pas, à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en 1994 le législateur a d'une certaine manière hésité
entre ces deux méthodes et qu'il faille en tirer les conséquences, sans attendre peut-être l'échéance de 1999 ?
Ma troisième question - ce sera la dernière - concerne la saisine par le chef de l'Etat du Comité consultatif national
d'éthique.
Cette saisine est-elle conforme à la mission du comité ? Vous venez de répondre par avance à mon collègue que c'était le
cas.
Permettez-moi cependant d'exprimer mon désaccord. Certes, la loi prévoit que le comité a pour mission de donner des
avis sur les problèmes éthiques et de formuler des recommandations, mais elle ne prévoit sûrement pas, comme le laisse
entendre la saisine du Président de la République, que le comité puisse s'interroger sur la validité juridique de la loi. Vous
savez, en effet, que le Sénat avait, à l'unanimité, entendu encadrer strictement les missions du comité...
M. Jean Chérioux. C'est exact !
M. François Autain. ... et préserver ainsi les compétences du législateur.
Je constate que cette volonté n'est pas respectée aujourd'hui, et je le regrette.
Il existe pourtant en France d'autres instances que le Comité consultatif national d'éthique pour répondre aux questions
juridiques posées par le chef de l'Etat. Je pense évidemment au Conseil d'Etat.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Autain.
M. François Autain. J'en ai terminé, monsieur le président, et j'attends la réponse de M. le ministre !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)

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Réponse du ministère : Recherche publiée le 07/03/1997

Réponse apportée en séance publique le 06/03/1997

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, pour répondre à votre dernière
question, la saisine du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé par M. le Président
de la République est une démarche dont personne ne peut contester la légitimité et le caractère parfaitement responsable.
Il s'agit en effet d'examiner si notre dispositif normatif nous prémunit contre tout risque d'utilisation de cette nouvelle
technique, qui est révolutionnaire, au vu des principes éthiques fondamentaux, autrement dit au regard de la dignité de la
personne humaine.
Quoi de plus légitime, monsieur le sénateur, que le Président de la République s'intéresse aux repères éthiques qui fondent
notre société ? Dans cette affaire, ne doit-on pas affirmer haut et fort la primauté de l'éthique sur toute autre considération
?
Vous vous êtes aussi interrogé sur la nécessité d'une adapatation rapide de la loi. Le législateur, en instituant les lois sur la
bioéthique, en 1994, avait certes prévu l'évolution des techniques et la possibilité que de nouvelles questions éthiques se
posent. Ces lois ont donc, c'est très clair, vocation à être réexaminées, l'échéance ayant été fixée en 1999.
L'analyse en cours par le comité d'éthique permettra de dire s'il convient ou non de déplacer cette échéance. Dans tous
les cas, il est essentiel que cette démarche s'inscrive, monsieur le sénateur, dans un débat non polémique, serein, rigoureux
et sans précipitation excessive.
Vous avez également abordé la question des décrets d'application des lois sur la bioéthique. Le calendrier de
promulgation des nombreux décrets d'application doit respecter une logique et une chronologie qui exigent un important
travail de préparation.
Les décrets concernant le diagnostic préimplantatoire nécessitaient, par exemple, la mise en place de la Commission
nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal. Les décrets sont en cours d'élaboration
par les services du ministère de la santé, en étroite collaboration avec la commission.
Ces techniques sont, vous le savez, extrêmement complexes et elles en sont encore au stade de la recherche. Il est donc
nécessaire de mener des réflexions approfondies sur le type précis d'encadrement que l'on devra imposer à ce diagnostic.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)

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