Question de M. DESCOURS Charles (Isère - RPR) publiée le 05/03/1997

M. Charles Descours appelle l'attention de M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications sur la modification des décrets n° 86-1103 du 2 octobre 1986 relatif à la protection des travailleurs contre les champs ionisants et n° 75-306 du 28 avril 1975 relatif au même objet pour les installations nucléaires de base. Cette modification viserait à une interdiction des emplois dans toutes les "zones contrôlées" des installations nucléaires. Il est certes indispensable de surveiller la dose de rayonnements auxquels sont soumis ces salariés pour éviter le retour d'incidents type "Forbach". Mais, depuis cette époque, les employeurs, en accord avec l'administration, ont developpé : d'une part, pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut, le système de suivi informatique DOSIMO, géré par l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) ; et, d'autre part, le système de certification CEFRI (Comité français de certification des entreprises pour la formation et le suivi des personnels travaillant sous rayonnements ionisants), rendu obligatoire par les exploitants pour les sociétés d'intérim et qui porte ses fruits. Il paraît donc souhaitable d'améliorer ces systèmes, mais pas d'interdire ces emplois dans les zones contrôlées au risque de voir disparaître ces emplois et leurs entreprises. Ceci aurait également des conséquences dramatiques pour les chercheurs pendant leur thèse.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 12/03/1997

Réponse apportée en séance publique le 11/03/1997

M. Charles Descours. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, et
porte sur la modification des décrets n° 86-1103 du 2 octobre 1986 relatif à la protection des travailleurs contre les
champs de rayonnements ionisants et n° 75-306 du 28 avril 1975 relatif au même objet pour les installations nucléaires de
base.
Cette modification viserait - j'emploie le conditionnel - à interdire les emplois dans toutes les « zones contrôlées » des
installations nucléaires. Or on sait que l'entretien de ces installations impose le recours à des emplois temporaires.
Certes, nous sommes tout à fait favorables à une surveillance de la dose de rayonnements à laquelle sont soumis ces
salariés, afin d'éviter le renouvellement d'incidents du type de celui qui est survenu à Forbach.
Mais, depuis cette époque, et compte tenu de l'état de la réglementation européenne et des tergiversations de
l'administration française, les employeurs ont finalement développé, en accord avec l'administration, d'une part, pour tous
les travailleurs, quel que soit leur statut, le système de suivi informatique DOSIMO, géré par l'Office de protection contre
les rayonnements ionisants, l'OPRI, et, d'autre part, le système de certification CEFRI, mis en oeuvre par le Comité
français de certification des entreprises pour la formation et le suivi des personnels travaillant sous rayonnements ionisants
et rendu obligatoire par les exploitants pour les sociétés d'intérim, qui porte ses fruits.
Il paraît donc souhaitable d'améliorer ces systèmes, mais pas d'interdire ces emplois dans les zones contrôlées, au risque
de les voir disparaître et d'entraîner la fermeture des entreprises concernées. Ce serait vraiment jeter le bébé avec l'eau du
bain !
Il est évident que, si l'on exclut des zones concernées ces travailleurs, et donc les entreprises qui les emploient, il n'y aura
plus de problème de dose de rayonnements, mais une telle mesure est-elle logique, et même raisonnable ? Plusieurs
milliers d'emplois sont concernés !
Dans mon dossier figure une lettre de l'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique, dans laquelle il
indique que, dans ces conditions, il s'opposera à ce que des étudiants préparent leur thèse au CEA, puisqu'il est bien
évident que ces étudiants sont des travailleurs temporaires et que l'on ne voit pas pourquoi ils auraient l'autorisation de
pénétrer dans ces zones si les autres travailleurs n'en ont pas le droit.
Je sais également, monsieur le ministre, que cette affaire est en arbitrage à Matignon, mais je souhaite, en m'adressant à
vous plutôt qu'aux autres ministres concernés, que vous pesiez de tout votre poids pour sauver ces entreprises et les
emplois concernés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Le seul objectif que puisse
s'assigner le Gouvernement, c'est de protéger de la même manière et aussi efficacement que possible l'ensemble des
personnels appelés à intervenir dans les installations nucléaires, et ce quel que soit leur statut. Disant cela, je crois aller
dans votre sens, monsieur Descours.
La réglementation actuelle fixe à 50 millisieverts la dose annuelle maximale pour les travailleurs du nucléaire. Cette limite a
été abaissée à 20 millisieverts en dose annuelle moyenne sur cinq ans, avec un maximum annuel de 50 millisieverts, par la
directive européenne du 13 mai 1996, dont la transcription est en cours.
Une étude récente réalisée par le conseil scientifique de l'office pour la protection contre les rayonnements ionisants,
l'OPRI, instance compétente sur ces questions, montre que les doses moyennes individuelles suivant le statut des
travailleurs chez EDF sont de l'ordre de 6,17 millisieverts. Elles sont donc très inférieures aux limites réglementaires,
elles-mêmes largement en dessous des seuils sanitaires.
Ces moyennes sont pratiquement les mêmes quels que soient les statuts des salariés : 5,99 millisieverts pour les salariés en
contrat à durée déterminée ; 7,16 millisieverts pour les intérimaires ; 6,27 millisieverts pour les salariés en contrat à durée
déterminée.
La conclusion que l'on peut tirer de ces éléments, c'est que l'ensemble du personnel, quel que soit son statut, amené à
intervenir sur les installations nucléaires est à l'abri des conséquences de ces rayonnements ionisants.
Toutefois, compte tenu des interrogations que suscite cette question sensible, ces données font l'objet d'une analyse
complémentaire, même s'il n'y a pas, à ce stade, d'élément conduisant à décider une modification de la réglementation,
celle-ci apparaissant aujourd'hui adaptée.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le ministre, si je vous ai fait part de l'émotion des industriels, c'est parce que j'avais été
chargé par M. le Premier ministre d'une étude sur les rayonnements auxquels pouvaient être exposés les personnels des
hôpitaux. C'est donc un sujet que je connais bien.
S'agissant du problème qui nous occupe aujourd'hui, toute une série d'informations sont parues dans Le Monde, dans
Libération, dans Le Quotidien du Médecin, et ont été diffusées aux journaux télévisés de France 2 et France 3, en
janvier dernier, faisant état d'une note du ministère des affaires sociales qui envisageait l'interdiction du travail précaire
dans le nucléaire. Depuis, on s'est montré plus flou sur le sujet.
Cette décision serait, je le répète, tout à fait stupide. Notre collègue député Claude Birraux, qui s'intéresse depuis
toujours à la sécurité nucléaire et qui ne peut être suspecté d'appartenir au lobby nucléaire, nous a fait adopter, vendredi
dernier, un certain nombre de recommandations qui, je l'espère, conviendront au Gouvernement et qui visent à ce que les
travailleurs temporaires des entreprises sous-traitantes puissent continuer à travailler dans les institutions classées.
Ces recommandations sont convenables. Je crois très sincèrement que, autour du ministère des affaires sociales et de
certaines organisations en dépendant, on a cru devoir faire du maximalisme parce que, pendant trop longtemps, on n'avait
rien fait.
Aujourd'hui, il est clair qu'il ne faut pas prendre une telle décision, qui serait dramatique pour l'emploi et, ajouterai-je,
complètement ridicule.

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