Question de M. ROUJAS Gérard (Haute-Garonne - SOC) publiée le 24/01/1997

Question posée en séance publique le 23/01/1997

M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai souhaité attirer votre attention et celle du Gouvernement sur le
dossier particulièrement sensible des manipulations génétiques, car les décisions que sont amenés à prendre les pouvoirs
publics en la matière seront particulièrement lourdes de conséquences pour l'avenir de notre société.
Aujourd'hui, on autorise la commercialisation d'un soja dont les gènes ont été modifiés. Il en sera de même pour le maïs
transgénique dans un an et pour le colza dans trois ans.
Sont distribués dans le commerce de plus en plus d'aliments élaborés par génie génétique, qui contiennent donc des gènes
issus de porcs, de poissons, etc.
Les scientifiques se veulent rassurants. Mais ils ne peuvent avoir le recul nécessaire pour juger de toutes les conséquences
sur la santé humaine de telles manipulations.
La complexité des codes génétiques ne permet pas de prédire les effets de l'introduction de nouveaux gènes dans un
organisme ou dans une plante.
Il n'est pas exclu, par ailleurs, que, une fois ces nouvelles modifications introduites dans les plantes, par exemple, celles-ci
se croisent et modifient de manière irréversible l'écosystème.
Si, en soi, la recherche peut être admise, la sortie de laboratoire pose problème parce que la maîtrise n'existe plus.
L'utilisation de ces découvertes relève, enfin, d'une même démarche : la recherche de toujours plus de productivité, de
toujours plus de rentabilité.
Hier, les fabricants britanniques ont décidé de moins cuire les farines à base de carcasses de moutons afin de réduire les
coûts, avec les conséquences que chacun connaît. La démarche des fabricants de semences n'a d'autre objet que
d'améliorer les rendements.
Monsieur le ministre, la plus grande prudence doit être de mise. Le simple étiquetage des produits, même s'il peut rassurer
les consommateurs, ne saurait préserver l'avenir.
Aussi, je vous demande de saisir la représentation nationale de cette question fondamentale, en insistant sur la nécessité
de renforcer la loi de 1992, qui réglemente les manipulations génétiques.
Je vous demande également de tout mettre en oeuvre pour que soit mis en place l'étiquetage complet de tous les produits
contenant des ingrédients transgéniques et de donner au service de la répression des fraudes chargé des contrôles en la
matière les moyens adéquats pour assurer sa mission. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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Réponse du ministère : Recherche publiée le 24/01/1997

Réponse apportée en séance publique le 23/01/1997

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, deux principes guident la politique du
Gouvernement sur cette question très importante des organismes génétiquement modifiés : la sécurité ainsi que
l'information et la transparence pour le consommateur.
Vous le savez, l'autorisation de mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés ne peut être donnée qu'à l'issue
d'une double procédure, à la fois nationale et européenne, se fondant sur l'avis d'experts indépendants, généralement des
chercheurs.
Le maïs génétiquement modifié dont il est aujourd'hui question est destiné à l'alimentation animale. Il a d'abord été évalué
par la commission du génie biomoléculaire, présidée par le professeur Axel Kahn, ainsi que par le conseil supérieur
d'hygiène publique en France. Leurs avis favorables ont été confirmés par trois comités scientifiques européens, qui ont
conclu à l'absence d'effet négatif de ce produit pour la santé et l'environnement.
Mais, tant que la décision positive de la Commission européenne n'est pas notifiée, la France bloque les cargaisons de
maïs transgénique en provenance des Etats-Unis. A cet égard, il convient de souligner la fermeté du Gouvernement,
notamment du ministère de l'agriculture et du secrétariat d'Etat à la recherche.
Notre devoir consiste aussi à informer le consommateur. Comme vous l'avez souligné, monsieur Roujas,
malheureusement, la loi de 1992 sur les organismes génétiquement modifiés ne prévoit pas d'étiquetage. Nous ne pouvons
que le regretter. Je fais toutefois observer que ce n'est pas nous qui étions au pouvoir à l'époque.
Aujourd'hui, le ministère de l'agriculture s'emploie, pour l'alimentation animale, a prévoir un étiquetage volontaire des
produits susceptibles de contenir des OGM, et un accord vient d'être signé entre les professionnels du secteur et les
importateurs.
S'agissant de l'alimentation humaine, le Gouvernement appliquera le règlement européen « Nouveaux aliments », qui vient
d'être adopté par le Parlement européen. Ce règlement est très important. Il imposera l'étiquetage de tous les produits
alimentaires nouveaux, dont ceux qui sont obtenus par génie génétique, dès lors qu'ils présentent « la moindre différence
par rapport aux produits classiques », ce qui est sage.
Ce règlement entrera en vigueur en avril, mais le conseil national de l'alimentation travaille dès à présent pour proposer -
ce que souhaite le Gouvernement - un étiquetage qui soit clair, informatif, complet et compréhensible pour le
consommateur. C'est cela la transparence.
Enfin, en ce qui concerne la culture de maïs transgénique sur le territoire français, elle ne pourra, bien sûr, être envisagée
que lorsque la totalité du dispositif d'information des agriculteurs et des consommateurs aura été mis en place.

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