Question de M. ABOUT Nicolas (Yvelines - RI) publiée le 12/12/1996

M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la coopération spatiale et militaire entre l'Europe et le Japon. Nous savons que la nouvelle donne internationale impose désormais aux Etats de disposer de moyens militaires et civils lui permettant d'accomplir des missions d'observation et de renseignement, et ce, en temps réel. La rapidité de la quête, de la transmission et du traitement de cette information conditionne notre capacité à assurer notre sécurité et à prévenir certaines crises régionales. Outre l'aspect technologique qu'il ne faut pas négliger, l'enjeu politique est de taille comme nous l'a montré la guerre du Golfe durant laquelle tous les Occidentaux dépendaient des images des satellites américains. La France a donc lancé d'audacieux programmes de satellites d'observation militaire, en coopération avec certains pays européens (il s'agit notamment des programmes Hélios 1 et 2). Ces programmes doteront l'Europe d'une autonomie non négligeable au regard du développement de l'UEO au sein de l'Alliance en ce qui concerne le lancement d'opérations extérieures. Les Américains ne s'y trompent pas puisqu'ils ont exercé des pressions sur le gouvernement allemand via la CIA, afin que Bonn rejette les programmes français. Le Japon de son côté cherche à se doter de moyens satellitaires propres afin qu'il dispose d'outil performant lui permettant de suivre l'évolution de situations dans la région est-asiatique où les sources de tensions sont nombreuses. D'autre part, la constitution japonaise limite sa politique de défense et de fabrication d'armement, ainsi que sa politique d'achat dont l'essentiel doit être effectué aux Etats-Unis. Il est pourtant temps de tourner la page de la Seconde Guerre mondiale en Asie pour accélérer le rapprochement Europe-Asie et développer notre coopération scientifique et technologique, notamment dans le domaine des satellites d'observation. Le Japon et l'Europe ont à leur manière les mêmes objectifs : une plus grande autonomie politique qui est une évidence au regard de leur poids économique mondial, et le souci d'agir pour la sécurité et la stabilité dans leur région respective. Il lui demande ce que le Gouvernement entend faire pour développer cette coopération européo-japonaise dans tous les domaines scientifiques, y compris militaires. Il lui demande également s'il est possible d'envisager une coopération dans la mise au point de satellites d'observation, à l'image de la coopération européenne sur les programmes Hélios et Horus.

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Réponse du ministère : Défense publiée le 20/03/1997

Réponse. - L'observation spatiale représente un élément essentiel des dipositifs de renseignement sratégique et opérationnel dont doit se doter tout pays soucieux d'assurer sa sécurité de façon efficace et autonome. La France a depuis longtemps adhéré à ce concept en pilotant le développement et l'exploitation du satellite d'observation optique Hélios 1, en coopération avec l'Italie et l'Espagne mais il serait souhaitable que face aux Etats-Unis qui ont également perçu le rôle majeur du renseignement spatial dans l'évolution future de la gestion des tensions à l'échelle planétaire, l'Europe élabore sans tarder une politique coordonnée en la matière. Le Japon se trouve aujourd'hui dans une situation délicate. En effet, l'ampleur de ses programmes spatiaux en cours, et de ses capacités technologiques et industrielles, pourraient lui permettre de se doter assez rapidement de l'ensemble des systèmes spatiaux nécessaires à sa défense. Toutefois, le contexte géopolitique dans lequel ce pays se situe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la prééminence américaine en matière de sécurité dans l'ensemble de la région Est-asiatique et l'interdiction de toute activité spatiale à but non pacifique prévue par la constitution japonaise (article 9) rendent encore prématurée une telle décision. La fin de la guerre froide a favorisé indiscutablement une évolution de cette situation. L'enjeu en est la reconnaissance politique de l'identité japonaise, telle qu'elle existe déjà sur les plans économiques, industriel et scientifique. Une place permanente au Conseil de Sécurité de l'ONU ne pourra vraisemblablement être reconnue sans un certain nombre d'attributs de puissance dont ont su se doter les pays qui y siègent. Si l'armement nucléaire paraît aujourdhui devoir être exclu de cette liste, les moyens spatiaux, notamment les capacités de renseignement spatial de très haute précision, y occuperont probablement une place de choix. Face à cette situation, la France et l'Europe demeurent attentives à tous les signes d'évolution provenant du Japon. Des contacts ont été pris par des industriels français dès l'apparition de marques d'intérêt du Japon pour des programmes de coopération dans le domaine des systèmes spatiaux d'observation à haute précision. Il n'en reste pas moins évident que la clé de cette évolution réside, en particulier, dans la gestion des relations américano-japonaises en matière de sécurité nationale et régionale. Les ouvertures vers des systèmes autonomes d'observation ont jusqu'ici été compensées par une disponibilité accrue des images sattellitaries d'origine américaine. Il convient de noter que la priorité de la France reste la construction d'un sytème de défense et de sécurité européen. Les possibilités de coopération avec le Japon constituent une question ouverte, suivie parallèlement au dossier européen de l'imagerie spatiale à haute précision.

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