Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 21/12/1996

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les difficultés rencontrées par la médecine scolaire pour pouvoir remplir correctement ses missions. Elle lui demande quelles mesures urgentes il envisage pour donner à la médecine scolaire des moyens nouveaux afin de jouer son rôle dans le dépistage des pathologies, le traitement de certaines causes de l'échec scolaire et toute politique de prévention en matière d'éducation à la santé.

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Réponse du ministère : Recherche publiée le 15/01/1997

Réponse apportée en séance publique le 14/01/1997

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la question
de la médecine scolaire connaît une dimension nouvelle en raison de l'évolution de certaines réalités.
La première réalité, c'est que, du fait de la crise sociale et de l'appauvrissement de la population, des problèmes nouveaux
surgissent puis s'aggravent. Ainsi voit-on des enfants sous-alimentés, atteints d'insuffisances physiques ou connaissant des
problèmes de santé et d'équilibre mental.
Or des enfants rencontrant des difficultés psychologiques et ne bénéficiant pas d'un traitement souffriront à l'âge adulte -
permettez-moi de vous le rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat - de troubles mentaux plus graves. En outre, des
maladies telles que la tuberculose, mais aussi le saturnisme et le scorbut constituent toujours une menace grave, et la
préservation de la santé et de l'équilibre de l'enfant requiert donc toujours une bonne médecine scolaire.
La deuxième réalité - le législateur l'avait bien compris au lendemain de la guerre, au moment où il fallait trouver des bras
pour relever le pays et préparer les enfants à un avenir nouveau - c'est que l'école doit jouer un rôle en matière de
prévention.
A cet égard, je citerai simplement l'ordonnance du 18 octobre 1945, qui prévoyait une visite médicale d'incorporation
scolaire obligatoire pour tous les enfants au cours de leur sixième année, laquelle devait être effectuée dans des centres de
médecine scolaire. Est-il nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous rappeler toutes les obligations scolaires en
matière de santé, telles que la visite médicale, la mise à jour des vaccinations obligatoires, l'éviction temporaire des enfants
atteints de certaines maladies, la justification d'absence pour cause de maladie, la réglementation en matière de sécurité et
de prévention, la visite médicale à l'issue de la classe de troisième pour tous les élèves devant suivre un enseignement
technique et professionnel, le droit à la scolarité pour les enfants handicapés, épileptiques, diabétiques ou asthmatiques ?
Pour assurer le respect de ces obligations, des équipes de médecine scolaire doivent être constituées. Elles comprendront
bien entendu un médecin scolaire, mais aussi une infirmière et une assistante sociale.
Cela me conduit à l'évocation d'une troisième réalité grave qui se trouve à l'origine de ma question, car il faut que des
décisions soient prises à ce sujet.
Confirmez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, les instructions de 1969, qui prévoient la constitution d'une équipe
comportant un médecin, deux infirmières et une secrétaire pour un secteur de 5 000 élèves ? Votre réponse sera bien
entendu importante, car il n'existe actuellement aucune équipe complète, alors que tous les secteurs regroupent plus de 5
000 élèves, sauf à Paris. On compte ainsi en moyenne un médecin pour 7 947 élèves, tandis que de nombreux collèges
ont perdu leur infirmière et qu'un plus grand nombre encore n'ont plus d'assistante sociale.
Confirmez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que la médecine scolaire n'est plus en état de mettre en oeuvre les solutions
globales que suppose l'accomplissement de sa mission ? Il faut savoir que les réponses à tout problème sont, bien
entendu, des réponses d'équipe. En effet, elles ne sont pas exclusivement médicales, car elles concernent également la vie
sociale, la vie familiale et les services de santé, de la justice et de l'aide sociale à l'enfance.
Quelles sont donc vos réponses pour la médecine scolaire, mais également pour la médecine du travail, chargée des
personnels de l'éducation, car la médecine préventive universitaire compte actuellement 100 % de vacataires ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Madame le sénateur, je voudrais vous répondre assez
longuement sur cette question très importante de la médecine scolaire.
Le Nouveau contrat pour l'école a notamment eu pour objectif prioritaire d'améliorer l'encadrement des élèves et de
reconnaître le rôle des personnels non enseignants. C'est ainsi que les conditions d'exercice de la médecine scolaire ont
fait l'objet d'une attention particulière.
Depuis 1993, la logique s'est inversée : désormais, on crée des postes dans ce secteur.
Tout d'abord, il faut rappeler que M. François Bayrou a rompu avec une évolution préjudiciable en ce domaine,
consistant à supprimer des emplois, notamment des emplois d'infirmières. Aussi, les budgets de 1995 et de 1996 ont
permis l'augmentation des effectifs de tous les personnels de la médecine scolaire.
Antérieurement au transfert de la médecine scolaire à l'éducation nationale, intervenu le 1er janvier 1991, le potentiel
global en médecins titulaires, contractuels et vacataires était de 1 423 équivalents-temps plein ; lors de la dernière rentrée
scolaire, les moyens globaux en personnels médicaux s'élevaient à 1 769 équivalents-temps plein, ce qui représente une
progression de plus de 24 %, et le taux moyen d'encadrement, qui était en 1990 de un médecin pour 8 700 élèves,
s'élevait à un médecin pour 7 200 élèves. Le taux s'est donc considérablement amélioré.
Les médecins scolaires exercent certes, parfois, dans des conditions difficiles, mais la création du corps des médecins de
l'éducation nationale et une formation initiale et continue de haut niveau ont permis de fidéliser un personnel médical
particulièrement compétent et ont donné les moyens d'orienter leur action vers des priorités telles que la réussite scolaire
et l'intégration sociale, la prévention des conduites addictives et des maladies sexuellement transmissibles, le bon usage
des soins, thèmes que vous avez développés tout à l'heure.
Toutes ces actions sont menées grâce aux efforts conjoints de l'équipe - médecin, infirmière et assistante sociale -
désormais bien intégrée à la communauté éducative, mais aussi au partenariat extra-institutionnel.
Ainsi, les décisions budgétaires ont permis à la fois à la médecine scolaire de mieux réaliser ses missions traditionnelles,
mais aussi de l'orienter vers de nouvelles priorités telles que la réussite scolaire et l'intégration sociale, la prévention des
conduites addictives et des maladies sexuellement transmissibles, l'observation, l'enquête et le conseil en matière
d'environnement scolaire.
Ces actions, auxquelles M. François Bayrou est très attaché, seront poursuivies et ne sont pas remises en cause par les
choix budgétaires décidés pour 1997 par le Gouvernement. Les réductions d'effectifs imposées par la nécessaire maîtrise
des dépenses publiques n'auront aucune incidence sur le nombre des emplois de médecin actuellement inscrits au budget
de l'éducation nationale.
Afin d'atteindre l'objectif fixé par le Nouveau contrat pour l'école, à savoir une infirmière pour chaque établissement de
plus de 500 élèves, la loi de programmation du 13 juillet 1995 a mis au point un plan quinquennal de créations d'emplois
d'infirmière portant sur 739 emplois : 140 en 1995, 200 en 1996 et 1997, 150 en 1998 et 49 en 1999. Le nombre
effectif de créations est de 202 : 100 en 1995 et 102 en 1996. La répartition des créations d'emplois s'est effectuée au
prorata des effectifs scolarisés dans les établissements de plus de 500 élèves ; en outre, des emplois supplémentaires ont
été attribués à des établissements particulièrement prioritaires : les lycées professionnels, les établissements régionaux
d'enseignement adapté, les établissements en zone d'éducation prioritaire - ZEP - comportant des sections d'enseignement
spécial - SES.
Le ratio d'encadrement est passé de une infirmière pour 2 557 élèves environ en 1994 à une infirmière pour 2 490 élèves
environ en 1995.
Dans le même souci d'améliorer l'encadrement des élèves par des adultes, chaque bassin de formation doit bénéficier d'au
moins deux assistantes sociales. La loi de programmation a prévu, selon un plan quinquennal, la création de 235 emplois.
Cent huit ont été effectivement créés en deux ans : 50 en 1995, 38 en 1996 auxquels s'ajoutent 20 emplois
supplémentaires créés au titre de la prévention de la violence à l'école. Ces emplois ont, comme pour ceux d'infirmières,
été affectés en tenant compte du caractère spécifique des établissements.
Vous le constatez, les médecins scolaires et les assistantes sociales dont la nécessité s'impose sur le terrain constituent
bien des priorités pour le ministre de l'éducation nationale.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne peut me satisfaire et elle sera, je crois,
source de nouvelles difficultés.
Vous confirmez la création de quelques postes supplémentaires de médecin, soit à peine un poste par département, ce qui
portera à 1 222 le nombre de personnels titulaires. Vous confirmez également la création de quelques postes
supplémentaires portant le nombre d'assistantes sociales à 2 194 et d'infirmier à 5 130. Nous sommes, bien entendu, très
loin des chiffres avancés par la profession. En effet, celle-ci estime qu'il manque près d'un millier de médecins et autant
d'assistantes sociales et d'infirmiers.
Les chiffres publiés notamment par la revue Adolescents font apparaître que, parmi ceux qui ont entre 11 et 19 ans, 38 %
ont des problèmes de vue, non corrigés dans 15 % des cas, et 72 % ont besoin de soins dentaires. Toujours au sein de
cette catégorie d'âge, 42 % ont des difficultés de sommeil et 50 % se réveillent fatigués.
Ces chiffres traduisent des besoins que renforcent la malnutrition et une nouvelle diffusion de la pauvreté, mais également
de graves problèmes psychologiques.
La baisse de fréquentation des cantines scolaires touche les familles les plus pauvres. Dans certains collèges de banlieue,
moins de dix élèves fréquentent le restaurant scolaire. Un rapport officiel de l'inspection générale de l'éducation nationale
vient de confirmer l'extension des phénomènes de malnutrition chez les enfants scolarisés.
Il s'agit donc bien d'un problème d'intérêt national, qui émeut tout le pays. Or le Gouvernement ne semble pas vraiment
prendre conscience de la situation.

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